Ordination des femmes: La voix différente des bénédictines

S. Chittister «défie» Rome, couverte par sa supérieure américaine

Erie, 15 juillet 2001 (APIC) Soeur Joan Chittister, bénédictine des Etats-Unis a bravé un interdit romain en se rendant récemment pris part à Dublin à la première conférence mondiale pour l’ordination des femmes. Mais elle l’a fait avec l’appui de sa communauté, et notamment de sa supérieure, qui s’en est expliquée dans un communiqué. «C’est à partir de la tradition bénédictine ou monastique de l’obéissance que j’ai pris ma décision», précise-t-elle. La supérieure déplore le processus utilisé par le Vatican à propos de la notion d’obéissance «pour exercer pouvoir et contrôle, et pour produire une impression de fausse unité inspirée par la peur». Les organisateurs de la session de Dublin dénonce enfin les pressions vaticanes «incroyables» exercées sur des religieuses.

Soeur Christine Vladimiroff, prieure du couvent des bénédictines des bénédictines d’Erie, a été en pourparlers pendant trois mois avec des responsables du Vatican au sujet de la participation de Sœur Joan Chittister à la Conférence du Réseau Mondial pour l’Ordination des Femmes (WOW) qui s’est tenue du 29 au 31 juin à Dublin, en Irlande. Le Vatican, précise-t-elle, trouvait que cette participation était en contradiction avec le décret «Ordinatio Sacerdotalis», selon lequel l’ordination presbytérale ne sera jamais conférée aux femmes dans l’Eglise catholique romaine et ne doit donc pas faire l’objet de débats. Le Vatican lui a donné l’ordre d’interdire à Sœur Joan de participer à la Conférence pour laquelle elle était prévue comme une des intervenantes principales.

La tradition bénédictine de l’obéissance

«J’ai discuté de longues heures avec Sœur Joan et suis partie à Rome pour dialoguer sur le sujet avec les autorités du Vatican, précise la prieure. J’ai cherché conseil auprès d’évêques, responsables religieux, spécialistes en Droit canon, auprès d’autres prieures, et surtout auprès de ma communauté religieuse (…). J’ai passéé grand nombre d’heures en prière communautaire et personnelle sur ce sujet. Après beaucoup de réflexion et prières, je suis parvenue à la décision d’opposer un refus à la requête du Vatican».

C’est «à partir de la tradition bénédictine ou monastique de l’obéissance» que Soeur Vladimiroff a pris sa décision. Elle s’en explique: «Il existe une différence fondamentale entre la conception de l’obéissance selon la tradition monastique et celle qui est utilisée par le Vatican pour exercer pouvoir et contrôle, et pour produire une impression de fausse unité inspirée par la peur. L’autorité et l’obéissance bénédictines se construisent à travers le dialogue entre un membre de la communauté et sa prieure dans un esprit de coresponsabilité. Le rôle de la prieure dans une communauté bénédictine est celle d’être une guide dans la recherche de Dieu. Bien que vécue dans la communauté, la recherche est l’affaire de l’individu».

La prieure a donc conclu que «Soeur Chittister, qui a vécu cinquante ans de vie monastique dansla foi et la fidélité, doit prendre elle-même sa propre décision fondée sur sa conception de l’Eglise, sa profession monastique et son intégrité personnelle». Et qu’elle-même ne devait pas accepter «d’être utilisée par le Vatican pour transmettre des ordres de silence».

A l’écart du statut hiérarchique et clérical de l’Eglise

Pour Soeur Vladimiroff, la participation de sa consoeur au Congrès n’est pas une «source de scandale pour les fidèles», comme l’affirme Rome; elle «pense plutôt que les fidèles peuvent être scandalisés lorsque sont interdites des tentatives honnêtes pour discuter de questions importantes pour l’Eglise». Elle a fait part de sa décision à sa communauté et a lui lu la lettre qu’elle allait envoyer au Vatican. 127 des 128 membres de sa congrégation des Sœurs Bénédictines d’Erie, «ayant la faculté de le faire, ont librement donné leur appui à cette décision en ajoutant leur signature à cette lettre». Sœur Joan a donc parlé au Congrès de Dublin «avec la bénédiction des Sœurs Bénédictines d’Erie».

Encadré

Portrait de Soeur Joan Chittister

Soeur Joan Chittister, bénédictine, est une théologienne très connue aux Etats-Unis et à l’étranger (elle est l’auteur d’une vingtaine de livres) pour ses positions ouvertes sur les droits humains, la liberté d’enseignement et de recherche et le rôle des femmes dans l’Eglise. Elle est aussi la bête noire des milieux catholiques conservateurs américains. Malgré la décision des évêques de Pittsburgh et de Peoria (Etats-Unis) d’interdire aux enseignants de leurs diocèses de participer à la «Convention» des éducateurs catholiques des Etats-Unis tenue à Milwaukee en avril dernier, parce qu’elle en était la principale invitée, elle y a pris la parole devant 12’000 enseignants.

En juin dernier juin, Soeur Chittister a été promue docteur honoris causa en théologie pastorale par l’Union Théologique de Chicago, l’une des principales associations de théologiens des Etats-Unis, et a reçu le «Ketteler Award», décerné par les Sœurs de la Divine Providence pour distinguer des personnalités engagées dans la promotion de la paix, de la justice et de l’égalité pour les femmes au sein de l’Eglise et dans la société. Ce prix est dédié à Mgr Wilhelm Emmanuel von Ketteler, évêque de Mayence (Allemagne) de 1850 à 1877 et co-fondateur des Sœurs de la Divine Providence.

Pressions romaines

370 déléguées de 26 pays des cinq continents ont pris part à la Conférence de Dublin. Les principales interventions ont été prononcées par Soeur Joan Chittister, Mairead Corrigan Maguire (Belfast), Prix Nobel de la Paix, Rose Hudson-Wilkin, Vicaire de l’Eglise d’Angleterre à Londres, et John Wijngaards, théologien et webmaster du site >.

Selon les organisatrices, la Congrégation vaticane pour les Religieux avait exercé des «pressions incroyables» pour empêcher la participation de deux religieuses théologiennes. Si Joan Chittister a tenu bon, «forte de l’appui de sa communauté», Myra Poole, des Sœurs de Notre-Dame, a dû se contenter de saluer le Congrès, s’abstenant de lire sa contribution «de peur d’être chassée de sa congrégation».

Selon le Réseau Mondial pour l’Ordination des Femmes, «des pressions ont été exercées même sur une femme, membre séculier de la Fraternité Jésus Caritas anglaise (Charles de Foucauld), Mme Morag Liebert, qui a reçu une lettre d’exclusion de la Fraternité, une semaine avant la tenue du Congrès», tandis que «Aruna Gnanadason, du Conseil Mondial des Eglises, qui devait être la principale intervenante de la séance d’ouverture, a dû y renoncer à cause de la pression du Vatican».

Par contre, selon le Réseau, le Congrès a bénéficié de la sympathie active et de l’aide précieuse de plusieurs pasteur(e)s anglicans et luthériens, «ce qui a procuré au congrès un cachet oecuménique, très apprécié de tous». (apic/cip/pr)

15 juillet 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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