Ouganda: les fameux martyrs étaient-ils des traîtres ? (060892)
«Ils étaient au service de l’impérialisme colonial» affirme le MNR
Kampala, 6août(APIC) Selon le «Bulletin d’information africaine» une campagne récente menée auprès de la jeunesse ougandaise par le Mouvement National de Résistance (MNR) exprime des doutes sur le sens profond du témoignage des martyrs dans l’histoire du pays.
Commissaire politique important du secrétariat du MNR et communiste déclaré, Chango Machyo w’Obanda estime que les martyrs ougandais étaient des
«traîtres dont on ne peut se souvenir qu’avec horreur, comme des hommes ayant contribué à la chute de leur pays et de leur peuple».
Machyo mène sa campagne en donnant des conférences dans l’enseignement
supérieur. Il demande le soutien des jeunes, en vue de construire dans la
capitale Kampala un mémorial en l’honneur du Kabaka (roi) Mwanga du Buganda
qui avait ordonné l’exécution des martyrs et de son collègue, le roi Kabalega du Bunyoro, mort en exil. Tous deux devraient, selon Chango Machyo
w’Obanda, considérés comme les «ancêtres» du MNR.
C’est en 1885 et 1887 que Mwanga avait ordonné ou au moins approuvé
l’exécution de plusieurs centaines de chrétiens. On est à peu près sûr du
nom de 45 d’entre eux, catholiques et protestants, exécutés entre mai et
juin 1886.
Les martyrs
Les 22 martyrs catholiques sont maintenant mondialement connus. Le 3
juin, jour de leur fête, est férié en Ouganda et des milliers de fidèles
effectuent un pélerinage à Namugongo, un faubourg à l’est de Kampala, où
ils furent exécutés. Une chapelle y a été érigée à leur mémoire.
La plupart des suppliciés étaient des adolescents et des pages de la
cour royale. On leur donnait un emploi et ils étaient éduqués pour occuper
plus tard, après avoir fait leurs preuves, des postes de responsabilité.
D’après le livre de Ronald Kassimir, «les martyrs ougandais: catholiques
ou chrétiens ?», la vie quotidienne des pages les prédisposait à accueillir
favorablement les enseignements et les pratiques des missionnaires, nombreux au Buganda au XIXe siècle. Kassimir ajoute que les chrétiens avaient
dû développer rapidement leur capacité d’initiative, comme l’indique le
nombre de convertis au christianisme durant les trois années qui suivent le
départ des Pères Blancs du Buganda.
Kassimir ajoute: «en 1884, au moment où Mwanga succède à son père, on
percevait correctement le pouvoir colonial européen comme une menace contre
l’autorité locale. On suspectait les chrétiens d’être la «cinquième colonne
des intérêts britanniques, français et allemands».
Kassimir explique que, craignant d’avoir perdu la loyauté des chrétiens
envers le royaume, et furieux devant leur refus de satisfaire ses pulsions
homosexuelles, Mwanga ordonna les exécutions. La foi chrétienne des pages
et plus encore leur loyauté envers les missionnaires étaient en effet de
bonnes raisons pour Mwanga de craindre les chrétiens. Et Kassimir ajoute:
«ceux qui ont survécu au massacre, alliés aux musulmans de l’ethnie Ganda,
ont d’ailleurs renversé Mwanga deux ans plus tard.»
Condamnés pour trahison
Machyo maintien que les martyrs ont été exécutés non seulement pour la
menace qu’ils constituaient pour le royaume de Mwanga, mais encore parce
qu’ils étaient les messagers de l’Europe impérialiste. «Nous devons, ditil, prendre position contre ces prétendus martyrs, parce qu’ils étaient au
service de l’impérialisme colonial. Ils n’ont pas été convertis à la chrétienté de Jésus mais bien à celle des classes moyennes européennes, dont la
religion servait d’arme à l’impérialisme». Machyo les compare aux rebelles
actuels du Nord de l’Ouganda, qui s’opposent au gouvernement MNR du président Yoweri Museveni depuis sa prise de pouvoir en 1986. On dit que beaucoup de rebelles du Nord sont catholiques et qu’ils font fréquemment des
neuvaines aux martyrs ougandais.
«Mwanga n’était pas un despote», prétend encore le commissaire politique
Machyo, qui trouve absurde l’argument selon lequel Mwanga aurait commandé
l’exécution parce que les pages auraient refusé ses avances homosexuelles.
«Il a présenté le cas précise-t-il, devant son conseil des chefs, qui a
jugé les jeunes selon les lois coutumières en vigueur. Aujourd’hui nous
avons des gens qui sont accusés de trahison, et certains d’entre eux sont
condamnés à mort et exécutés. Peut-on pour autant en faire des martyrs ?
Ceux qui soutiennent leurs activités diront que oui. Mais ceux qui soutiennent le MNR ne partagent assurément pas cette opinion. Pour tout patriote
africain qui s’enorgueillit de ce qu’on fait nos ancêtres pour défendre
l’Afrique contre l’impérialisme des Blancs, les pages étaient des traîtres
à la vraie cause. Les véritables martyrs sont Mwanga et Kabalega, affirme
le commissaire politique (apic/cip/ak).




