Les femmes pakistanaises privées de toute protection

Pakistan: Amnesty International dénonce les crimes d’honneur

Karachi, 17 avril 2002 (APIC) Amnesty International (AI) dénonce les crimes d’honneur dont sont victimes les femmes au Pakistan, et s’insurge contre le gouvernement pakistanais qui ne fait rien. Privées de toute protection, les femmes pakistanaises subissent une violence en forte augmentation, que ce soit au sein de leur famille, de leur communauté ou en détention. Autorités, justice et police sont montrées du doigt, pour leur laxisme voire leur complicité.

En mars 2001, Bakhsh Ali, 55 ans, et Hidayat Khatoon, une veuve de 60 ans, ont été tués par le fils de celle-ci dans le village de Chandan (district de Sukkur). Lorsqu’il s’est livré à la police, le meurtrier a déclaré qu’il avait tué ces deux femmes parce que des villageois l’avaient provoqué en insinuant que sa mère avait une liaison.

En novembre 2000, Mohammad Umar Magsi a tué à coups de hache sa fille de onze ans, qu’il soupçonnait d’entretenir une relation illicite. Il a également tué son épouse et sa fille cadette, qui avaient tenté d’intervenir. Le 8 janvier 2001, Riaz Ahmed, qui soupçonnait son épouse d’adultère, l’a tuée à coups de hache ainsi que ses trois filles et ses deux fils. Le 16 janvier 2002, Jamal a jeté des grenades sur la maison de son beau-père car sa femme refusait de reprendre la vie commune. Cinq personnes de la famille ont été tuées et huit autres blessées.

L’apparition récente de faux meurtres d’honneur est inquiétante, note AI dans son rapport. Des hommes accusent leurs épouses de les avoir déshonorés avec des hommes riches simplement pour en retirer un profit. La femme est déclarée  » kari  » (femme noire, celle qui apporte la honte) et tuée, tandis que le suspect doit payer le mari pour être «gracié».

Les meurtres pour des questions d’honneur sont commis par des hommes qui considèrent que leur épouse, leur fille ou leur soeur n’a pas respecté, d’une manière ou d’une autre, les normes qui régissent le comportement des femmes, et qu’un tel manquement rejaillit sur l’»honneur» des hommes et peut lui porter atteinte. Bien souvent, les soupçons reposent sur des motifs futiles qui ne sont rien de plus que des suppositions quant à l’éventuelle infidélité d’une femme. Certains hommes se sentent également déshonorés si «leur» femme sollicite le divorce ou est victime d’un viol.

La peur de déposer plainte

Le rapport publié par Amnesty International, le cinquième sur la situation des femmes au Pakistan, résume par ailleurs les engagements que le gouvernement actuel a pris en faveur des droits des femmes. Il expose en outre des cas de violences et les insuffisances du système de justice pénale, avant d’énoncer des recommandations.

Les violences domestiques, entre autres les coups, le viol, le jet d’acide, les brûlures et les homicides, sont répandues au Pakistan. Rares sont les femmes qui déposent une plainte, celles qui font cette démarche ne sont souvent pas prises au sérieux et elles sont renvoyées chez leur mari violent. La loi n’est pas appliquée de manière égalitaire et les décisions rendues reflètent souvent le parti pris sexiste des juges.

Selon AI, les femmes très pauvres, de même que celles qui appartiennent aux minorités religieuses et celles qui sont soumises au travail forcé risquent tout particulièrement d’être victimes de violences dans leur foyer et au sein de leur communauté.

Le jet d’acide est de plus en plus fréquemment utilisé. Les brûlures qu’il provoque n’entraînent généralement pas la mort, mais les victimes souffrent et perdent l’estime d’elles-mêmes. Horriblement défigurées, elles restent confinées à leur domicile. Le gouvernement n’a pratiquement rien fait pour restreindre la vente d’acide ni pour punir ceux qui s’en servent pour s’en prendre aux femmes.

Esclaves

La pratique des mariages forcés de très jeunes filles continue et, bien que l’esclavage soit illégal au Pakistan, des femmes et des jeunes filles sont toujours utilisées comme monnaie d’échange pour régler des dettes ou des conflits. Des ventes publiques de jeunes filles et de femmes sur des marchés ont été signalées dans des régions sous-développées, notamment certaines parties du Baloutchistan.

Pour AI, le Pakistan est un pays à la fois d’origine et de transit pour le trafic des femmes à des fins de travail domestique, de mariage forcé ou de prostitution. Cette forme d’esclavage est organisée par des réseaux criminels qui s’étendent à toute l’Asie du Sud. Pakistanaises ou étrangères issues de ce trafic, des femmes sont tuées si elles refusent de se livrer à la prostitution.

Malgré des promesses de réforme, la police n’a pas cessé d’avoir recours à la torture pour intimider les prisonnières, les harceler, les violer et les humilier dans le but de leur extorquer de l’argent ou d’obtenir des informations. (apic/com/pr)

17 avril 2002 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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