Pakistan: des centaines de «suspects de terrorisme» vendus aux Etats-Unis
Tout y passe, femmes, enfants et même nourrissons
Londres, le 28 septembre 2006 (Apic) Des centaines de «suspects de terrorisme» ont été vendus aux Etats-Unis par le Pakistan, dénonce un nouveau rapport d’Amnesty International (AI). Amnesty International estime que près de 85 pour-cent – soit plus de 700 personnes – des détenus de Guantánamo n’ont pas été arrêtés par des troupes américaines mais par des Afghans ou des Pakistanais et remis contre de l’argent aux soldats américains. Tout y passe, femmes, enfants et même nourrissons.
Sous le couvert de la «guerre contre le terrorisme» et en collaboration avec les Etats-Unis, le gouvernement pakistanais a fait «disparaître» de nombreux Pakistanais et ressortissants étrangers, les a détenus dans des prisons secrètes ou livrés à d’autres Etats.
Un rapport d’Amnesty International montre, grâce notamment à plusieurs cas particuliers, que des centaines de personnes arrêtées arbitrairement ont été vendues aux Etats-Unis: Karama Khamis Khamisain, ressortissant yéménite, qui était en prison dans la ville de Quetta au Pakistan soupçonné de trafic de drogue, a dû se laisser pousser la barbe et apprendre à faire des prières et des ablutions selon les principes de l’Islam pour qu’il puisse être vendu aux Etats-Unis comme «suspect de terrorisme» crédible.
L’exemple de Karama Khamis Khamisain figure parmi de nombreux témoignages dans le rapport d’AI, qui prouve que des centaines de personnes ont été arrêtées arbitrairement après le 11 septembre 2001 au Pakistan et vendues aux Etats-Unis.
A partir de janvier 2002, les Etats-Unis ont distribué des milliers de tracts au Pakistan en promettant des récompenses financières pour l’arrestation et la livraison de «suspects de terrorisme», relève Susanne Preisig, experte sur le Pakistan pour la Section suisse d’Amnesty International. «Cela a conduit à ce que d’innombrables personnes soient arrêtées sans indice concret, uniquement en raison de leur origine arabe, ou même enlevées par des personnes privées ou des groupes militaires et paramilitaires et vendues aux Etats-Unis». Cette pratique a entraîné des centaines de cas de «disparition» et de torture, comme le documente le rapport Pakistan: «Human rights ignored in the « war on terror».
La route pour Guantanamo
«La route pour Guantánamo commence au Pakistan», explique Susanne Preisig. Amnesty International estime que près de 85 pour-cent – soit plus de 700 personnes – des détenus de Guantánamo n’ont pas été arrêtés par des troupes américaines mais par des Afghans ou des Pakistanais et remis contre de l’argent aux soldats américains. Le rapport d’Amnesty International confirme les déclarations du président pakistanais Pervez Moucharraf, qui écrit, dans sa biographie qui vient d’être publiée, que les services secrets américains ont versé au Pakistan des millions de dollars pour la capture de «terroristes» présumés.
Selon AI, le Pakistan a ces dernières années violé systématiquement et gravement les droits humains, par sa participation à la «guerre contre le terrorisme». On ignore toujours où se trouvent de nombreux «disparus», parmi lesquels des femmes, des enfants et même des nourrissons. Des proches de «disparus» ont été menacés et découragés de rendre les cas publics ou d’entreprendre des démarches devant la justice.
Torturés, exécutés
«Avant la «guerre contre le terrorisme», les «disparitions» étaient un phénomène presque inconnu au Pakistan. C’est devenu aujourd’hui une pratique toujours plus répandue, qui touche aussi les défenseurs et défenseuses des droits humains, et les journalistes», s’inquiète Susanne Preisig. Les personnes arrêtées sont maltraitées, torturées et parfois exécutées sans procès. «Il est possible que le gouvernement pakistanais se soit senti obligé de soutenir les Etats-Unis dans la «guerre contre le terrorisme», comme le prétend Pervez Moucharraf. Mais cela ne justifie en aucun cas des violations des droits humains», insiste l’experte d’Amnesty International.
L’organisation exige du Pakistan qu’il mette immédiatement terme aux «disparitions», à la torture et aux exécutions extrajudiciaires et que les personnes suspectées de terrorisme soient traduites en justice ou libérées. Les victimes doivent obtenir une réparation appropriée. (apic/com/pr)