Par son importance et par sa beauté, la grande mosquée d’Almaty est la principale mosquée de toute l’Asie Centrale. Chaque vendredi, elle accueille au moins cinq mille fidèles pour la prière. Wungar Haj Omirbeg est fier de cet édifice en marbr

La mosquée, commencée il y a sept ans, est un peu le symbole de la liberté que les religions ont conquise avec l’indépendance du pays en 1991. Wungar, 59 ans, après 35 ans comme journaliste au «Kazakhstan Jegemen» (Le Kazakhstan Indépendant), a accepté l’an dernier la charge que lui confiait le grand muphti, celle de secrétaire pour les rapports avec la presse. Il explique: «Sous l’URSS, la conscience de Dieu était à zéro. Même les meilleurs, les savants, les professeurs d’académie, les sages, ne le connaissaient pas. Aujourd’hui, (…), le pays s’est ouvert à toutes les religions. Les gens avaient besoin du spirituel. C’est comme si une lumière s’était allumée dans une chambre obscure, et les gens, comme des papillons, se dirigent vers elle. Parfois, nous avons des difficultés avec les sectes, mais c’est compréhensible».

Les musulmans kazakhs se réjouissent de la venue de Jean Paul II

«Le pape de Rome a été invité par le président, et nous sommes un peuple accueillant, précise Wungar. En tant que musulmans, nous comptons beaucoup sur cette visite, et nous pensons que nous en recevrons beaucoup de choses. Tous ceux qui travaillent pour la concorde et pour la paix dans le monde sont les bienvenus. Toutes les religions ont une base commune : Dieu, la foi, la paix».

«Le pape est connu comme une personne bonne, gentille, poursuit-il. Il est le père de nombreuses personnes et de nombreux peuples. Au Kazakhstan, nous considérons que nous avons de la chance de le recevoir. Sa visite nous aidera à reconnaître que nous sommes tous enfants d’un Dieu unique. Au fond, le seul but de la vie est de servir Dieu et de construire la paix sur la terre».

Les attentats à New York et à Washington risquent pourtant de mettre à mal les rapports avec l’islam… «C’est une question très difficile, répond le secrétaire pour les rapports avec la presse. Si un homme suit la religion, elle le porte au spirituel et à la paix. Mais on doit la suivre vraiment. Et les hommes sont différents, comme les cinq doigts de la main. Tous écoutent, puis chacun fait des choix différents. Ici, au Kazakhstan et à la mosquée, nous sommes très peinés par ce qui s’est passé aux Etats-Unis. Mon coeur est avec le peuple américain (…). Mais il faut préciser que si l’attentat a été fait par un musulman, cela ne veut pas dire que tout l’islam, en bloc, est coupable. Une mère, quand son enfant fait le mal, le corrige, et pourtant, elle lui a donné une éducation comme à ses autres enfants. C’est la même chose pour l’islam: il y a des enfants qui écoutent, mais qui ne suivent pas. Je connais très bien les extrémismes présents ici en Asie, le fondamentalisme, le terrorisme. Mais l’Occident ne doit pas pour cela faire retomber la faute sur l’islam».

Wungar Haj Omirbeg annonce que le grand muphti sera présent à la cérémonie de bienvenue et adressera un discours au pape. «Nous préparons aussi un cadeau pour le pape, confie-t-il. Mais je ne puis vous en dire plus: c’est un secret».

L’islam en Asie Centrale

En Asie Centrale, l’islam est arrivé tout d’abord avec les marchands persans, puis avec les armées arabes. La brève période persane, qui s’est imposée dans la région du Tadjikistan, a été suivie d’une colonisation arabe violente au début du 8e siècle, à laquelle s’opposa la population locale, qui était réduite en esclavage. Alors que dans le Bassin méditerranéen, on assiste au passage de la dynastie des Omeyyades à la dynastie des Abbassides, on voit s’affirmer en Asie Centrale un islam très orthodoxe qui lance des campagnes contre les nomades, fidèles du chamanisme, et contre les populations chrétiennes de la région.

La voie kazakhe vers l’islam

Aux 11e et 12e siècles, sous l’occupation, on assiste à l’oeuvre extraordinaire de médiation de Ahmad Hodhi Yassawi, le plus grand maître soufi du Kazakhstan, qui donne le jour à une véritable rencontre entre l’islam et les groupes de la steppe. Yassawi, poète et mystique est né à Chymkent (l’ancienne Isfijab) et meurt en 1116 dans la ville de Turkestan (l’ancienne Yasi) au nord de Chymkent, dans le sud du Kazakhstan. Alors que les Arabes persécutaient les maîtres soufis, les Turcs leur étaient très favorables.

En Asie Centrale, jusqu’à Yassawi, les Arabes, aidés par la culture perse, avaient édifié une grande civilisation, célèbre par les résultats obtenus dans les sciences (Al-Biruni), en philosophie (Avicenne), en architecture, en littérature (Firdusi ou Ferdowski, Abou Bakr) ; mais, à part des exceptions, cette culture n’a jamais été assimilée par les nomades du pays.

Le soufi Yassawi traduisit le Coran en kazakh ; il permit de continuer la tradition des arts figuratifs (interdits habituellement en milieu islamique) ; il toléra le culte des morts et de la nature, tout en les reliant au culte du Dieu unique ; il n’imposa aucun des aspects de la

20 septembre 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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