L’identité religieuse a fait irruption dans le monde hospitalier

Paris: Après l’interdiction du voile à l’école, faire respecter la laïcité à l’hôpital

Paris, 7 mars 2004 (Apic) La loi française sur la laïcité interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école a été adoptée par les députés et les sénateurs. Le prochain objectif du gouvernement est d’adopter une disposition législative précisant certaines conditions relatives au respect de la laïcité dans les hôpitaux. Des spécialistes révèlent que la prise en compte du sentiment religieux des patients a un effet positif sur leur santé.

Le Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin l’a annoncé le 3 février dernier, la question concernant les hôpitaux va être traitée prochainement. Pour éclairer ce nouvel enjeu, l’Association professionnelle des journalistes de l’information religieuse (Ajir) a organisé le 5 mars à Paris une rencontre-débat sur le thème «Laïcité et santé: comment l’hôpital doit accueillir le patient en respectant à la fois ses pratiques religieuses et la législation française ?».

L’Ajir avait invité Isabelle Lévy, spécialiste des questions et cultures religieuses dans le domaine de la santé, auteure de plusieurs ouvrages sur les pratiques religieuses et leur implication à l’hôpital, Anne Alix, infirmière, et le docteur Paul Atlan, gynécologue obstétricien, qui a créé à l’hôpital Béclère (Clamart) la consultation «Ethique et religion», une institution unique en son genre.

La religion des patients peu prise en compte

Isabelle Lévy, auteur de «Croyances et laïcité. Guide pratique des cultures et des religions. Leur impact sur la société française, ses institutions sociales et hospitalières» (Ed. Estem), souligne que les personnels soignants rechignent encore, très majoritairement, à prendre en compte la religion de leurs patients.

A leur décharge, il faut dire que ni les facultés de médecine ni les écoles d’infirmière ne les y préparent. Pourtant, depuis 1996-1997, la revendication de l’identité religieuse et culturelle a fait irruption dans le monde hospitalier. Il n’est désormais pas rare qu’une femme (généralement musulmane) refuse de se faire soigner par un homme, de sa propre initiative ou sous la pression de son mari, au nom du respect de la pudeur. Et, à l’inverse, qu’un homme n’accepte pas d’être soigné par une femme.

Vies en danger pour cause de religion

Cas plus rare: un médecin, homme de confession musulmane, aurait refusé à une maman qu’elle assiste à une intervention bénigne sur son propre fils, précisément au prétexte que c’était une femme. C’est encore telle Africaine qui refusera d’être soignée par le jeune personnel soignant (valorisation des anciens dans la culture africaine) ou telle autre qui n’acceptera pas une césarienne au motif que selon la culture traditionnelle, accoucher ainsi induit que la parturiente n’est pas véritablement la mère du nouveau- né.

D’autre cas, plus sérieux encore, ont surgi ici ou là de personnes – le plus souvent des femmes – qui mettaient véritablement en danger leur vie au motif de la religion. Ou plutôt d’une certaine interprétation rigide de la religion. En effet, la méconnaissance de leur propre tradition est généralement grande chez les patient(e)s qui posent problème. Car, dans les situations d’urgence – quand il s’agit de sauver des vies – les religions s’accordent à transgresser les interdits qu’elles professent.

Le dialogue plutôt que l’appel à l’intervention de la justice

Le docteur Atlan comme Isabelle Lévy et Anne Alix soulignent qu’il ne faut pas hésiter dans de tels cas à solliciter les autorités religieuses compétentes – imam qualifié ou marabout africain – pour dénouer des situations inextricables.

Une solution certes coûteuse en terme de temps – des heures passées à convaincre l’un et l’autre – mais préférable au recours au procureur de la République, toujours possible puisque la loi fait obligation aux médecins de sauver la vie des personnes en danger, même contre leur propre avis.

C’est pour remédier à ces cas problématiques, surtout quand il s’agit d’urgences médicales, et simplifier le travail du personnel soignant que le gouvernement souhaite ajouter un deuxième volet à la nouvelle loi sur la laïcité. Isabelle Lévy, pour sa part, juge celle-ci inutile. Elle estime que la loi de 1905 est suffisamment explicite et qu’il aurait suffi de l’expliquer à nouveau, avec toute la pédagogie voulue.

La base existe déjà dans la loi de 1905

En tout état de cause, l’appartenance religieuse des patients comme des détenus est envisagée par cette première loi (de 1905) puisque les hôpitaux comme les prisons doivent accueillir des aumôniers de toutes confessions. Mais les faits sont autres: si l’on rencontre des aumôniers catholiques dans la plupart des hôpitaux, tel n’est pas le cas de leur confrères musulmans, juifs ou, encore plus rares, bouddhistes.

De fait, les cas de figure sont très contrastés selon les établissements. Mais il n’est pas rare que le personnel soignant des hôpitaux se fasse encore tirer l’oreille pour satisfaire à la demande d’un patient juif ou musulman d’être visité par un aumônier de sa propre confession. Même quand les patients sont catholiques, leur demande n’est pas toujours entendue comme elle pourrait ou plutôt devrait l’être.

Patients interdits de messe et de communion: la religion, effet positif sur la santé

Et Isabelle Lévy de citer des cas où les patients chrétiens en long séjour n’ont pas l’autorisation de se rendre à la messe dominicale – dans l’enceinte même de l’hôpital – et de communier au prétexte de leur état de santé, et ce malgré leur demande récurrente. Ou le cas de cette jeune accouchée qui a du insister longuement pour qu’un aumônier vienne bénir son bébé. Cette non prise en compte du sentiment religieux des patients est d’autant plus dommageable que l’impact de ce sentiment sur la santé a toute chance d’être positif.

Le docteur Atlan se fait l’écho d’une étude menée aux USA tendant à prouver que la pratique religieuse augmenterait les chances d’être en bonne forme (selon les critères de santé définis par l’OMS). Plus troublant: toujours selon le docteur Atlan, une étude faite aux USA auprès de couples candidats à la fécondation in vitro auxquels on aurait demandé de prier pour d’autres couples dans la même situation, montre que ces couples croyants et priants auraient pu enfin avoir un bébé dans une proportion de 50 % au lieu d’une proportion habituelle de 25 à 30 %. (apic/jcn/be)

7 mars 2004 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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