Populations durement touchées tenues à l’écart, selon des ONG

Paris: Après le tsunami, le travail de reconstruction des ONG confessionnelles

Paris, 11 février 2005 (Apic) Des populations entières, durement touchées par le tsunami en décembre dernier, sont tenues à l’écart des secours d’urgence, ont dénoncé vendredi à Paris des oeuvres d’entraide catholique et islamique.

A l’initiative de l’Association des journalistes de l’information religieuse (AJIR), des représentants du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) et du Secours islamique ont confronté leurs points de vue sur les actions mises en oeuvre.

Le CCFD, un collectif de 29 mouvements catholiques et services d’Eglise placé sous le patronage des évêques de France (son action est relayée par 15’000 bénévoles!), travaille directement avec des acteurs- partenaires locaux organisés, de confession chrétienne ou non. Il intervient moins en urgence que sur des actions de développement de longue durée. Le tsunami, précisément, remet en question cette action par la destruction des infrastructures existantes.

Discrimination dans l’aide d’urgence

Autre problème: les secours d’urgence et la reconstruction peuvent renforcer les inégalités locales, en privilégiant telle ethnie plutôt que telle autre. Ainsi, au Tamil Nadu, les populations tribales et les intouchables n’ont pas été recensés par le gouvernement indien comme victimes du tsunami.

En Thaïlande, les réfugiés birmans et les musulmans du sud n’ont pas été secourus. Dans des zones côtières destinées à accueillir un tourisme de masse, de nouveaux hôtels sont déjà en reconstruction alors que dans les villages voisins entièrement détruits, on n’a pas même commencé à faire place nette. Sans compter que les pêcheurs sont dissuadés par les autorités de se réinstaller en bord de mer en raison d’une possible nouvelle catastrophe. En réalité, pour que le littoral soit dévolu aux touristes, estiment les oeuvres d’entraide françaises.

Risque de corruption et de détournement de l’aide

Au Sri Lanka, seulement un tiers de la population a reçu une aide d’urgence. La faiblesse du réseau de communications routières, largement imputable à la guerre civile, rend difficile l’accès aux populations retirées dans le nord et l’est du pays. «En réponse, le CCFD insiste auprès de ses partenaires pour que les ONG locales travaillent davantage en coordination», précise Laurence Kwark, chargée de mission pour l’Asie du Sud-Est, l’Indonésie et le Sri Lanka.

Cette coordination des ONG locales est essentielle, en particulier au Tamil Nadu. Dans cet Etat, en effet, considéré comme l’un des plus développés du pays, les ONG internationales se sont largement retirées, et ce bien avant le tsunami. Autre accent de l’action du CCFD: exercer une vigilance accrue sur les risques de corruption et de détournement de l’aide humanitaire et en alerter les pouvoirs publics.

Fabienne Michalon, chargée de mission en Indonésie, rappelle que dans ce pays la société civile est très organisée et que la dénonciation de dérives possibles a fait l’objet d’une belle mobilisation interreligieuse. Les régions touchées par le tsunami en Indonésie devraient rester dans une situation d’urgence jusqu’en avril.

La question religieuse est très sensible en Indonésie

Dans la région d’Aceh, où sévit la guerre civile depuis des années, cette aide est entièrement supervisée par l’armée indonésienne. Ce qui complique le travail des ONG: lourdeurs administratives, multiplication des points de contrôle.L’aide y a-t-elle été apportée prioritairement aux population musulmanes, comme l’a dénoncé la presse? Selon des partenaires locaux du CCFD, rapporte Fabienne Michalon, cette affaire a été exagérément amplifiée par les médias. Les dérapages restent minimes, même si, de fait, la question religieuse est une question très sensible en Indonésie.

Djamel Misraoui, du Secours islamique, ONG fondée il y a 20 ans, précise que son organisation n’a jamais cautionné de telles dérives et se demande si celles-ci ne résultent pas davantage d’un manque d’organisation ou de coordination que d’une volonté discriminatoire. Le Secours islamique cordonne plus spécialement ses efforts avec le Croissant rouge, un Fonds des Nations Unies et diverses Caritas. Il intervient selon deux axes prioritaires : le développement durable et les secours d’urgence.

«Dans les pays en développement, les ONG locales sont le plus souvent des ONG confessionnelles et parmi celles-ci, la palme revient sans conteste aux ONG chrétiennes,» fait valoir Laurence Kwark. Fair-play, Djamel Misraoui admet que le Secours islamique et ses antennes locales ne peuvent se prévaloir de la même efficacité. Faute de moyens, et, peut-être aussi, faute d’une organisation plus performante. (apic/jcn/be)

11 février 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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