Ouvert à tous les horizons spirituels

Paris: Le Forum interreligieux des maristes célèbre ses 20 ans d’activités

Paris, 9 février 2003 (APIC) Le Forum des maristes fête 20 ans d’activités interreligieuses et interculturelles. Situé en plein centre de Paris, ce lieu accueille des dizaines d’associations, organise un programme culturel ouvert à tous les horizons religieux et offre l’accès à une documentation interreligieuse variée.

Un colloque: «L’identité au risque de l’étranger: le métissage religieux est-il de règle?». Une conférence: «Vivre de plusieurs traditions», avec Doudou Diene, ancien directeur chargé des relations interreligieuses à l’UNESCO. À elle seules, ces deux activités organisées par le Forum du 104 rue de Vaugirard (Paris , 6°arrondissement) pour célébrer ses vingt ans en disent long sur ce qu’il est: un espace ouvert très grand à la rencontre.

Ce lieu, situé en plein centre de Paris, est la propriété des Pères mariste, mais les laïcs y tiennent une place active. À commencer par la directrice, Marie-Françoise de Billy. L’enjeu ? «Les questions qui remuent notre société. Qu’il s’agisse de mondialisation, de guerres de religions, de recherches spirituelles, de questions philosophiques ou théologiques, de la place donnée au corps dans les nombreuses pratiques qui voient le jour, ou qu’il s’agisse de création artistique, c’est toujours de l’homme et de sa quête de sens dont il est question ici», explique-t-elle en introduction de la plaquette de présentation intitulée : «Espace de rencontre».

Trois services en font l’originalité. Une maison des associations qui accueillent plusieurs dizaines d’entre elles. Un programme culturel ouvert aux questions relatives à la philosophie, à la psychologie, l’art, la spiritualité. Enfin, un centre de ressources qui met à la disposition du visiteur une documentation variée, principalement sur les questions interreligieuses.

Pas de diabolisation

Ce centre culturel constitué en association entend notamment être un espace de dialogue avec les nouvelles quêtes spirituelles. Dès le départ, refusant toute diabolisation à priori, le Forum a voulu accueillir la vague New Age. Puis un de ses animateurs, le Père Bernard Rérolle (aujourd’hui décédé), a mis l’accent sur l’ouverture à l’Orient: sessions de méditation zen, de yoga, mais aussi accueil de confrérie soufies, ou de tel ou tel lama tibétain: le dialogue interreligieux et interspirituel tient une bonne place ici.

Mais pas seulement: les nouvelles thérapies et thérapies alternatives, l’ésotérisme ont également droit de cité. «C’est un lieu de risque. Nous devons nous laisser interpeller par les questions qui nous sont posées par toutes ces nouvelles quêtes . Sans que notre fidélité au Christ soit remise en question», souligne le Père Olivier Laurent, mariste.

La vocation d’accueil du christianisme

La limite ? Les associations «consommatrices» de ce lieu magnifique peuvent être plus soucieuses d’en jouir librement que de rencontrer les chrétiens qui l’animent. Le Père Laurent n’ignore pas cet écueil. Mais continue à penser que les chrétiens ont une particulière vocation à être en relation avec ceux qui sont hors du sérail ou sur le parvis.

Et de regretter la fermeture et les crispations identitaires d’un nombre croissant de clercs. Ou de se référer aux divers textes du magistère romain encourageant le dialogue interreligieux. Ou encore d’expliquer qu’il ne suffit pas d’afficher haut et fort son identité catholique. «Encore faut-il que cette proclamation soit audible par nos contemporains. Et, pour cela, s’interroger sur sa formulation, prise aux pièges des formules toutes faites et de la langue de bois». JCN/SH

Encadré

Le Père Olivier Laurent Un homme de dialogue

Le Père Olivier Laurent, Père mariste, est aujourd’hui l’un des responsable du Forum 104, rue de Vaugirard (Paris). Avant d’occuper ce poste, il a vécu trente ans en Afrique, surtout au Sénégal, pays très majoritairement musulman. Et il entend bien revivre, tôt ou tard, auprès du peuple noir, «son» peuple. La silhouette replète, le regard pétillant de malice, l’allure débonnaire, on le voit d’humeur égale et un éternel rire aux lèvres. «Il est des nôtres», disent volontiers de lui les Africains qui fréquentent le Forum de la rue de Vaugirard.

L’africanité du Père Laurent ? La décontraction et un certain lâcher prise. «À l’école de l’Afrique, j’ai découvert les vertus de la patience et de la souplesse face aux événements. À goûter ce qui vient comme il vient. Car, comme le dit saint Ignace de Loyola, «Ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie l’âme, mais de sentir les choses intérieurement», concède notre homme.

Responsable d’un projet de développement d’un bidonville situé dans la banlieue de Dakar, à Grand Yof, il a travaillé avec hommes et femmes de toutes couleurs et de tous horizons, croyants ou non. «Cette expérience de fraternité agissante et d’un respect mutuel m’a conduit à repenser le salut. N’est-ce pas d’abord mettre «tout l’homme et tous les hommes debout», selon la formule de Jacques Lebret. Ou, comme le dit saint Irénée, que «La gloire de Dieu c’est l’homme vivant.»

Autre tâche d’envergure: former les novices maristes africains. «Cette nouvelle responsabilité – être un aîné dans la vie spirituelle – jointe à mon expérience précédente d’appui au développement m’a renvoyé à la nécessité de dire ma foi avec des mots moins usés, plus adaptées au contexte africain, des mots qui sortent plus de mon ventre que de ma tête. Comprendre en profondeur que nous sommes appelés à vivre la rencontre avec le christ, c’est autre chose que de disserter sur Lui à partir d’une foi somme toute extérieure à nous-mêmes», raconte-t-il.

Celui que certains Sénégalais appelaient «le curé des musulmans» parce qu’il entendait bien oeuvrer autant pour les fidèles d’Allah que pour les disciples du Christ, se souvient d’un fait marquant: sa visite à un vieux musulman chef de quartier. «Il était tellement absorbé dans la récitation de son chapelet que cela forçait le respect. C’était un représentant authentique de cet islam confrérique, islam mystique à la fois «au ras des pâquerettes» et très profond. Je me suis dit: serais-je moi aussi capable de m’absorber ainsi dans la prière ?

Par contraste, je nous voyais, nous chrétiens blancs, nous agiter dans tous les sens. Et j’ai perçu clairement que personne ni aucune religion ne saurait avoir la propriété exclusive de la vérité ni mettre la main sur Dieu car il est bien au-delà de nos concepts et de nos mots». Une conviction qui ne l’a plus quitté. (apic/jcn/sh)

9 février 2003 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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