220 ordinations en 20 ans

Paris: Les prêtres mariés de Jean Paul II

Par Jean-Claude Noyé, correspondant pour l’APIC

Paris, 9 décembre 2002 (APIC) Depuis 1980, l’Eglise catholique a donné l’ordination sacerdotale à plus de deux cents hommes mariés, anciens pasteurs protestants ou anglicans. Selon l’hebdomadaire «La Vie», qui a rencontré plusieurs de ces prêtres, tous ne vivent pas forcément bien cette situation. A tout le moins, l’ordination des hommes mariés, y compris de l’avis de ces derniers, n’est pas la panacée pour remédier à la crise des vocations.

«C’est une exception à la règle canonique. Mais une exception qui fait nombre. En l’espace de vingt ans, le pape a ordonné en Occident, plus de 220 hommes mariés, le plus souvent pères de famille. Ce n’est pas rien», commente Jean Mercier, l’auteur de l’enquête de La Vie sur «Les prêtres mariés de Jean-Paul II». La première à brosser un large tour d’horizon sur ces prêtres catholiques latins d’un nouveau type croisés au Royaume-Uni (au moins 120), en Allemagne (20), aux USA et au Canada (70 à 80), en Belgique (1), aux Pays Bas (3). Qui sont-ils ? Ils ont été pasteurs dans les Eglises protestantes et surtout dans l’Eglise anglicane, qui sont ensuite «passés» au catholicisme.

Du coup, ils ont été réduits à l’état de simples laïcs car l’Eglise catholique ne reconnaît pas les ministères d’autres confessions. Le pape a ensuite accédé à leur désir d’exercer le ministère pastoral. «L’étonnant est qu’il est viscéralement attaché au principe du célibat. Il aurait pu refuser de leur accorder cette dérogation ou simplement leur demander de devenir diacres», souligne le journaliste de La Vie, laissant entendre que Jean-Paul II a fait preuve d’une étonnante ouverture.

Sans doute parce que la conversion de ces pasteurs au catholicisme ne pouvait le laisser indifférent… Conversion provoquée par l’ordination de femmes au sein de l’Eglise épiscopalienne (anglicane) des Etats-Unis et de l’Eglise d’Angleterre, jugée inacceptable par ces pasteurs, par ailleurs rebutés par les évolutions libérales de leur Eglise en matière de meurs (homosexualité, divorce, etc.).

Une situation pas simple

Comment ces prêtres catholiques latins (non orientaux) mariés, leurs familles et les fidèles vivent-ils cette situation ? La réponse est loin d’être univoque. Le Père Peter Gerland, aumônier catholique du campus de Canterbury (Angleterre), très estimé de ses étudiants, considère que sa femme «le rend meilleur et l’aide à soigner son ego surdimensionné». Le Père Allan Hawkins, 68 ans, curé d’une paroisse catholique du Texas, marié depuis 38 ans, fait valoir quant à lui que «si l’Eglise doit être la première servie n’implique pas que la famille vienne en second». Non sans préciser que la tâche lui est plus facile depuis que ses enfants sont adultes.

De fait concilier vie de famille et sacerdoce n’est pas simple, ainsi que le remarque le Père Ulrich Nölle, ancien pasteur luthérien, prêtre à Würzburg, en Bavière (Allemagne). «Je suis heureux de ma vie de prêtre marié. Mais c’est difficile. Certains n’ont pas tenu.» Et d’évoquer un confrère qui a craqué nerveusement, un autre qui a divorcé et un troisième qui s’est découvert homosexuel. Le ton du Père Bernard Longley, chargé de ce dossier à la Conférence des évêques d’Angleterre, est plus positif. «L’intégration de ces prêtres a été facile et bien acceptée. La présence de leurs épouses est aussi une chance pour l’Eglise. Nous n’avons eu aucun problème conjugal, familial ou pastoral», observe-t-il.

A la lumière de l’expérience de ces 220 prêtres catholiques latins mariés, peut-on conclure que l’ordination des hommes mariés serait la panacée pour l’Occident? Pour «La Vie», c’est loin d’être évident. Mgr Michel Hrynchyshyn, exarque (évêque) de l’Eglise ukrainienne (75% de prêtres mariés) en France, est quant à lui formel : «Cela ne réglera rien de la crise de vocations sacerdotales. C’est un leurre de le croire». JCN

Encadré:

Des prêtres mariés pendant plus d’un millénaire

L’Eglise indivise ordonnait dans les premiers siècles des hommes mariés à la prêtrise et même à l’épiscopat. Première inflexion à cet usage: le concile d’Elvire, vers l’an 300, a demandé l’abstinence rituelle (la veille de l’eucharistie) au clergé marié, mais non la séparation des époux. C’est en 1139 que le concile Latran II a introduit une mesure disciplinaire interdisant le mariage des clercs. Dans les Eglises orientales de rite catholique, on compte, selon les estimations de La Vie, près de 5’000 prêtres mariés, dont 750 sur 1’000 dans l’Eglise ukrainienne, 250 sur 600 dans l’Eglise maronite, 100 sur 300 dans l’Eglise melkite et seulement 4 sur 120 dans l’Eglise arménienne. (apic/jcn/sh)

9 décembre 2002 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!