Pas de poursuites pour les soldats impliqués dans le Bloody Sunday
Quinze soldats britanniques soupçonnés d’avoir menti lors de l’enquête sur le Bloody Sunday qui a coûté la vie à 13 jeunes militants catholiques irlandais le 30 janvier 1972, ne seront pas poursuivis faute de preuve, a annoncé le 19 avril 2024 le parquet nord-irlandais. Les familles des victimes contestent cette décision.
Le Bloody Sunday est considéré comme l’un des jours les plus sombres du conflit nord-irlandais, qui a fait 3’500 morts en trois décennies. Le dimanche 30 janvier 1972, une manifestation pacifique contre les discriminations à l’encontre de la minorité catholique d’Irlande du Nord se tient dans la ville de Derry. Des parachutistes britanniques tirent sur la foule, tuant 13 civils, dont six âgés de 17 ans.
Une première enquête, menée à la hâte, exonère les soldats, affirmant que ceux-ci avaient simplement répondu aux tirs et aux bombes des manifestants. Le rapport est alors largement critiqué pour son manque d’objectivité. Une nouvelle enquête s’ouvre en 1998. Au final, plus de 900 témoins seront entendus dans cette enquête, la plus longue et la plus coûteuse de l’histoire judiciaire britannique. Mais il faudra encore douze ans pour que le rapport, qui reconnaît l’innocence des victimes, soit rendu public, le 15 juin 2010.
Des faits injustifiés et injustifiables
Il en ressort qu’aucun des treize militants catholiques tués lors du Bloody Sunday »ne représentait une menace mortelle ou risquant de provoquer des blessures graves». Les soldats avaient «sciemment avancé de fausses déclarations afin de chercher à justifier leurs coups de feu». Le Premier ministre britannique de l’époque, David Cameron, avait alors présenté des excuses officielles, qualifiant les faits d’»injustifiés et injustifiables»
Suite à ces révélations, 15 soldats britanniques, ainsi qu’un membre présumé de l’IRA, ont fait l’objet d’une enquête visant à déterminer s’ils devaient être poursuivis pour avoir menti lors de leur témoignage. Le parquet nord-irlandais a finalement jugé insuffisantes les preuves disponibles pour obtenir une «perspective raisonnable» de condamnation.
Le parquet nord-irlandais se dit conscient que sa décision sera décevante pour les familles des victimes, mais assure qu’elle a été prise «de manière impartiale et indépendante.»
Du côté des victimes, on dénonce «un affront à l’Etat de droit et une continuation de l’injustice perpétrée lors du Bloody Sunday«. On regrette que cette décision ait été communiquée 14 ans après les conclusions sans équivoque de l’enquête de 2010.
Le gouvernement britannique a en effet adopté l’année dernière une loi qui vise à abandonner, dès le 1er mai 2024, les poursuites en lien avec le conflit nord-irlandais pour les soldats et les paramilitaires décidant de coopérer avec les autorités. La loi, dénoncée comme une amnistie, avait suscité de vives critiques. Aucun soldat britannique n’a jamais été jugé pour le Bloody Sunday. (cath.ch/ag/mp)





