Série Apic: Prêtres et religieuses au passé intéressant (VII) Guy Jeanmonod, un prêtre habitué à vivre dans les hautes sphères
Passer à travers le cristal des êtres sans les briser
Onnens, 29 février 2012 (Apic) Alerte, dynamique, loquace et très accueillant, l’abbé Guy Jeanmonod, curé in solidum de l’Unité pastorale Notre-Dame de la Brillaz, dans le canton de Fribourg, aime les contacts. De sa profession de steward, il a conservé ce goût pour les relations et l’ouverture au monde.
A plus de 40 ans, cet homme au parcours sinueux et riche a quitté le monde de l’aviation pour celui, tout aussi aéré, de l’esprit et de la prêtrise.
La rencontre avec l’abbé Jeanmonod dans sa cure à Onnens, dans le canton de Fribourg, est un événement riche en humanités. Ce prêtre, d’abord simple et convivial, parle avec modestie et franchise de son passé. Il ne cache ni les «joies de la vie» de sa jeunesse, ni son bonheur d’être curé. Sans rien renier d’un passé parfois rocambolesque, il se dit heureux de vivre au service de l’Evangile. A plusieurs reprises, il revient sur l’importance de la communauté et des célébrations. La catéchèse joue pour lui un rôle essentiel, non un catéchisme abstrait avec apprentissage de dogmes et autres «vérités de foi», mais une catéchèse vivante au sein d’une communauté vivante, comme il l’a vécue dans différents endroits de sa pastorale, notamment à Lutry, dans le canton de Vaud. Son ministère consiste à «passer à travers le cristal des êtres sans les briser».
Famille et découverte du travail
Né à Lausanne le 16 mars 1955 d’un père protestant et d’une mère catholique, Guy Jeanmonod a grandi à Ecublens, dans le canton de Vaud. Son père dirigeait une entreprise à Aigle. Après des études au collège Viret à Lausanne, il se lance dans l’imprimerie et étudie les arts graphiques durant quatre ans. A la séparation de ses parents, il fait la navette entre Ecublens et Aigle.
Au milieu des années 1970, la crise pétrolière fait que le travail vient à manquer. Guy, sans poste fixe, fait des remplacements pendant plusieurs années. Il part à Londres étudier l’anglais. C’est une année qu’il aimerait bien revivre. Il profitait, avec son modeste revenu, pour aller en boîtes de nuit … Ce fut pour lui une belle aventure entre 20 et 21 ans.
Il gagnait trois fois rien, mais faisait de grands progrès en anglais notamment auprès de vieilles ladies venues boire le thé. En 1977, il revient à Lausanne, pauvre comme Job. Il regagne le domicile de sa mère après avoir laissé sa montre en gage au kiosque de la gare de Lausanne pour payer son ticket de bus.
Il se rend ensuite en Allemagne, à Cologne, et entre dans le monde de l’aviation. A Genève, il se spécialise dans l’équilibrage des avions pour le décollage, il est agent de trafic. Mais comme il se sent pousser d’autres ailes, il travaille deux ans à la TSR SSR à la «disposition électronique». Peu à l’aise dans ce milieu, ou plutôt «pris en sandwich entre les réalisateurs et le personnel des plateau», il cherche autre chose.
Une amie hôtesse de l’air le pousse alors à présenter sa candidature à la compagnie Swissair. Recalé une première fois, il insiste et devient steward: «ce sont de belles années avec la belle vie».
Germes d’une vocation
Ces années dans l’aviation, dont une bonne partie en long courrier, lui permettent, aux escales, de bouquiner. Il s’intéresse aux romans, à tout ce qui touche la personne humaine et aux religions, comme le bouddhisme, l’hindouisme, etc.
Ces lectures spirituelles l’amènent à se poser des questions sur le sens de la vie et sur l’homme. «Qu’est ce que l’homme pour que tu penses à lui», dit le psaume 8. Le déclic vient de la rencontre d’un moine en bure brune qui lui suggère de faire une retraite dans un monastère. Sa marraine, qui habitait Posieux, lieu d’implantation de l’Abbaye cistercienne de Hauterive, le pousse à y faire une retraite. Après moult hésitations, il accepte de tenter une retraite à la mi novembre 1986.
Pour un homme habitué à la vie nocturne, devoir se coucher après les complies et se lever à 3 heures du matin relève de l’exploit. C’était très peu pour lui. Il fera tout de même des retraites à Hauterive en 1986, 1987 et 1988.
Habitant Morges, c’est l’abbé Paul Frochaux qui l’accueillera dans cette paroisse, qui deviendra son point d’ancrage. Après un parcours de deux ans de catéchuménat, il est confirmé en 1992 par Mgr Amédée Grab. La quarantaine arrivée, Guy navigue entre différentes voies et finit par appeler le Séminaire du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. C’est l’abbé Bernard Genoud, supérieur du séminaire et futur évêque du diocèse, qui propose une première rencontre pour se découvrir et qui lui demande du tac au tac: «Parlez-moi du Christ.» Aussitôt après l’entrevue, du tac au tac, il lui demande aussi de l’avertir s’il entre au séminaire à l’automne qui suit.
Il quitte son appartement de Morges et écrit à Swissair qu’il quitte la compagnie. «C’est comme un point de non retour», avoue le prêtre, qui a pris sa décision «la boule au ventre». Il se lance et commence l’Ecole de la foi, puis l’Université.
Etudes, ordination et ministère
Si les débuts ont été difficiles, le curé Jeanmonod est heureux d’avoir eu de bons professeurs qui ont su l’aider. Il passe une année à Angers comme étudiant où le Père Jean-Louis Bruguès, dominicain devenu évêque, lui demande d’accompagner six jeunes en discernement pour la vocation.
Le 29 juin 2003, il est ordonné prêtre en même temps que l’abbé Jean Glasson. Sa mère a été très touchée par son ordination, mais son père n’était pas d’accord.
Commence alors son ministère pastoral: prêtre à Lutry, il vit une période heureuse: «C’est le dimanche en pleine semaine». Puis nomme curé à Cressier, dans le canton de Neuchâtel, il passe une année plus difficile, car il se sent isolé. Depuis 2010, il est curé dans l’unité pastorale de Notre-Dame de la Brillaz, dans le canton de Fribourg.
Convictions personnelles
L’abbé Jeanmonod admire les dominicains du couvent St-Hyacinthe à Fribourg. Il est marqué par le livre du Père Lataste «Prêcheur de la miséricorde», qu’il montre avec plaisir. Ce qui impressionne le curé pilote, c’est la référence que ce texte fait aux femmes et aux filles-mères. Sa devise sacerdotale pourrait être «Passer à travers le cristal des êtres sans les briser», tant il aime à la fois les humains et leur créateur. Dans la conversation, il fait souvent référence à Maurice Zundel, cet autre prêtre issu d’un canton «mixte» (catholique et protestant) qui a grandement contribué à donner à l’Eglise un visage plus lumineux et à l’homme une place centrale au sein de celle-ci.
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