De Lourdes à Loyola en passant par Javier

Pèlerinage de Loyola: sur les traces de saint Ignace (060891)

Par Edith Castel

Loyola/Fribourg, 6août(APIC) «Au long de ces 14 jours de pèlerinage, j’ai

découvert que ce qui nous unit est dix fois plus important que ce qui nous

sépare», s’est écriée une étudiante à son arrivée à Loyola. Elle résumait

par ces mots l’expérience que beaucoup de «Pèlerins de Dieu» ont pu faire

sur les routes qui les ont conduit à Loyola du 18 au 31 juillet pour y célébrer le 500e anniversaire de la naissance de saint Ignace.

Partis de Lourdes le 20 juillet après deux jours passés dans la ville de

Bernadette, 1’800 jeunes et moins jeunes – parmi eux 1’100 Français et 700

autres de diverses nationalités, dont une cinquantaine de Suisses – se sont

lancés, à la suite d’Ignace, sur les chemins d’un profond renouvellement

intérieur et de rencontre avec l’autre. Une aventure de foi préparée par un

réseau de chrétiens: jésuites, religieuses et mouvements de laïcs se réclamant de la spiritualité ignatienne. Une aventure universelle puisque 27 nationalités se trouvaient réparties sur les quatre routes de pèlerinage,

accomplissant ainsi les paroles du «tube» du «Pèlé» que les pèlerins ont

repris tout au long de la route: «Pèlerins de Dieu, peuple sans frontières,

marche avec lui parmi tes frères»…

Ces frères de races et de cultures différentes dont parle Ignace dans sa

méditation sur l’incarnation. Ces frères «différents par leur costume, par

leur visage, qu’ils soient blancs ou qu’ils soient noirs…» Ces frères

tous embrassés d’un même regard d’amour et de miséricorde par les Personnes

divines» parce que tout homme est créé «à l’image et comme à la ressemblance de Dieu». Et ainsi, chacun a pris conscience du fait que, bien que nous

soyons «tous d’une même terre, tous de terres différentes» (étape de Lourdes), «tout homme est une histoire sacrée» (étape de Javier), et, par làmême appelé à «demeurer dans l’amour du Christ» (étape de Loyola).

Afin que chacun participe des richesses de l’autre, les arrivants étaient invités à sortir de leur groupe d’inscription: Suisses, Maltais, Philippins, Mission étudiante, Mouvement des cadres chrétiens (MCC)…, pour

constituer des groupes de marche de 12 personnes chacun, des villages (4

groupes de marche), et enfin 4 routes internationales (bleue, rouge, jaune,

verte) où chacun a pu faire «la bonne expérience de la diversité des hommes

et de l’Eglise», comme on pouvait le lire dans le «carnet du pèlerins». A

travers la marche, la prière, le partage, la réconciliation, la rencontre

de témoins de notre temps.

Un temps pour marcher

Un temps pour marcher… un temps pour admirer la beauté de la Création

en cette terre de Navarre. Une nature belle et sauvage qui a aidé chacun à

remonter jusqu’au Créateur. «Toutes les choses sur la surface de la terre

sont créées pour l’homme et pour l’aider à poursuivre la fin pour laquelle

il a été créé» et qui est de «louer, révérer et servir Dieu notre Seigneur». En parcourant les canyons arides et les combes verdoyantes, les sentiers ombragés et les routes goudronnées… A travers le chaleureux soleil

de Navarre, la «tormenta» (la pire, de mémoire de paysans navarrais) qui a

emporté les tentes et trempé les pèlerins, sans pour autant altérer la

bonne humeur… Dans le calme de la nuit d’été ou dans la brume du petit

matin…, chacun a pu relire la ou les motions intérieures qui agitaient

son âme. Remuant par là-même avec l’expérience personnelle d’Ignace quant

au discernement des esprits.

«A travers la marche et tout ce qu’elle implique de souffrance, de par

sa longeur – jusqu’à 7 heures de marche par jour parfois selon les routes la chaleur de l’été, le poids du sac – 12 kilos en moyenne – les ampoules

qui brûlent les pieds… et le tout sans que l’on puisse s’arrêter en route, je voulais me retrouver en profondeur et rejoindre l’humanité en marche», confiait un jeune Romand de la Croix Rouge. Tandis que de son côté un

«spirituel» de la route verte faisait sa propre actualisation de la Parole

contenue dans le Deutéronome. «Vous connaîtrez Dieu par les pieds, qu’ils

nous avaient dit. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de

toute ton âme, de toute ton intelligence». Ca, on connaissait. Mais par les

pieds… c’était nouveau et surprenant. Et pourtant… de jour en jour, les

pieds se sont éveillés; eux aussi ont senti et goûté la terre.»

Un temps pour marcher avec d’autres…»je suis venu vivre un temps fort

avec d’autres que je n’ai pas choisis, partager avec eux l’aventure du quotidien et l’expérience de ma propre vie» devait déclarer un autre pèlerin.

Rude école, où chacun doit apprendre à marcher au pas de l’autre, à se mettre à l’unisson avec les 11 autres de son groupe pour «ne faire plus

qu’un». La marche, un temps pour s’accepter soi-même et pour accepter les

autres avec patience, amour et surtout humour…même lorsqu’une charmante

religieuse de la route jaune qui «raccourcissait sa jupe dans un garage» a

fait arriver tout son groupe avec trois quarts d’heure de retard à l’étape!

Un temps pour rencontrer des témoins

De Lourdes à Loyola en passant par Javier, «les Pèlerins de Dieu» ont

rencontré leurs «aînés» dans la foi. Les grands témoins d’un passé toujours

vivant: Bernadette, François-Xavier, Ignace. Mais aussi des témoins d’aujourd’hui qui façonnent, par leur engagement, quelque chose du visage de

l’Eglise et du monde de demain.

A l’étape de Javier, Guy Aurrenche, président de l’ACAT-France, et Jérôme Vignon, chef du Cabinet de Jacques Delors, ont partagé leur expérience

de chrétiens engagés dans le monde. Guy Aurrenche a rappelé «qu’il faut se

battre jusqu’au bout de ses idées sous peine de se faire avoir par un système qui n’est pas le nôtre». Jérôme Vignon a parlé de la responsabilité

du chrétien: «Etre responsable ce n’est pas seulement être capable de prendre des décisions à la place des autres, mais de faire en sorte que les autres soient responsables».

A Loyola, dans le jardin du centre spirituel des Pères jésuites, deux

autres témoins ont pris la parole. Il s’agissait cette fois de Mgr Albert

Rouet, évêque auxiliaire de Paris, et de Mme Maria-Lourdes Pintasilgo, Premier ministre du Portugal de 1979 à 1980 et députée au Parlement européen

de 1987 à 1989. Mgr Rouet a appelé chacun à «être serviteur de l’espérance». Mme Pintasilgo s’est exprimée sur «le nouvel ordre mondial»: «Toute ma

vie j’ai lutté pour une économie au service de l’homme. Ma priorité, alors

que j’étais au gouvermenent, a toujours été de devenir la voix des ’sans

voix’, ce qui se paye toujours très cher!» Ce témoignage faisait écho aux

paroles que Mgr Charles Vandame, archevêque de N’Djamena (Tchad), avait

prononcées pendant la messe à Javier: «Il faut s’oublier soi-même pour vivre la radicalité de l’Evangile».

Un temps pour être «envoyés» au monde

«…Nous sommes invités à un nouveau départ dans notre vie. Nous sommes

appelés à être apôtres pour l’aube du troisième millénaire», précisait «le

carnet du pèlerin». Le mardi 30 juillet au matin, les pèlerins arrivés la

veille au soir à Azpeitia, se sont retrouvés sur l’esplanade de la basilique qui jouxte la maison natale d’Ignace de Loyola. Les y attendaient entre

autres les Pères jésuites Gélard, Provincial de France, et Cacho, Supérieur

de la communauté de Loyola. Lors de son discours d’accueil, le Père Cacho

a, prélude à l’envoi du lendemain, rappelé en quelques phrases la mission

du chrétien: «Pèlerins de Dieu, l’Eglise du 20e siècle a besoin de vous.

Soyez les mains de Dieu pour guérir et soulager. Soyez la voix de Dieu pour

dénoncer l’injustice. Soyez le Coeur de Dieu pour donner la vie au monde»

Le 31 juillet enfin, c’était la fête au Pays basque! Fête pour les pèlerins fatigués, mais heureux de s’associer à celle de tout un peuple. «Pendant la messe concélébrée en fin de matinée par deux cardinaux, 25 évêques

et une centaine de prêtres, en présence du roi Juan Carlos et de la reine

Sophie, on sentait l’attachement du peuple basque pour son saint patron»,

faisait alors remarquer une participante. A la fin de cette dernière journée tous se sont retrouvés le soir sur l’esplanade pour être «envoyés au

monde» par le Père Jésuite Maurice Joyeux. apic/ecl/pr)

ENCADRE

Un temps pour prier…

Durant ces quatorze jours de pèlerinage, la prière a été découverte par

les uns, redécouverte par les autres, approfondie par les «vieux routards»

de la spiritualité ignatienne. Prière communautaire pour le lancement de la

journée alors que l’estomac plein, les jambes fourmillantes et l’esprit vaguement préoccupé par l’itinéraire de cette journée, on se prépare à prendre la route.

Les chants en plusieurs langues, un psaume, ainsi qu’un passage de l’

Evangile fournissent à chacun la nourriture spirituelle pour la route. Le

«carnet du pèlerin», véritable bréviaire, contenait les références bibliques et les conseils nécessaires pour la rencontre avec le Seigneur. Le

tout pouvant être repris et approfondi dans le cadre de l’accompagnement

spirituel, ce «lieu de vérification de la rencontre de Dieu avec l’histoire

de tout homme» à travers une personne formée au discernement des esprits.

(apic/ecl/pr)

ENCADRE

Un «Pèlé», c’est tout une organisation

Pour Loyola 91, les pèlerins n’ont pas manqué de souligner la qualité de

la «logistique». Depuis les équipes de balisage…. qui chaque matin partaient très tôt pour marquer le chemin, en passant par la «Table de Cana»,

ce «traiteur» pas comme les autres, puisqu’il fait travailler ceux qui,

pour des raisons particulières à chacun, sont à un moment de leur vie marginalisés par la société. D’un traiteur qui a assuré la partie culinaire de

cette organisation. Tout cela sans oublier le service de santé: une équipe

constituée de 8 médecins, 8 infirmières et de 3 secouristes bénévoles de la

Croix Rouge de Tours.

Tout au long du pèlerinage, le soir à l’étape ou au détour d’un chemin,

cette équipe de santé a pu se pencher sur les ampoules, les maux de tête,

ou encore les foulures et entorses que les chemins parfois rudes faisaient

subir à des pieds fatigués.

Sans oublier non plus ceux qui conduisaient les camions contenant le matériel, la sono, les instruments de musique qui ont permis l’animation des

temps de prière et de détente. Camions qui au fil des étapes se sont alourdis des sacs des pèlerins trop fatigués pour les porter. Sans oublier

l’équipe de préparation de ce pèlerinage, au travail, elle, depuis des mois

pour la réussite de ce pèlerinage afin de faire vivre aux participants

l’aventure d’un pelerinage pas comme les autres. (apic/ecl/pr)

Des photos de ce pèlerinage peuvent être obtenues à l’agence APIC

6 août 1991 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 7  min.
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