Jordanie : ›Béthanie au-delà du Jourdain’ attend la visite du pape François
Pèlerinage ›œcuménique’ au lieu du baptême du Christ
Wadi al Kharrar, 20 mai 2014 (Apic) C’est à ›Béthanie au-delà du Jourdain’ sur le lieu présumé du baptême du Christ que le pape François a choisi de rencontrer les pauvres et les défavorisés, dans la soirée du 24 mai 2014, lors de sa visite en Jordanie. La venue du pape François, après celles de Jean Paul II et de Benoît XVI, devrait donner un nouvel élan à ce lieu de pèlerinage ›œcuménique’ ouvert depuis une quinzaine d’années seulement. L’église du Patriarcat latin du Baptême du Christ, encore en construction, sur la rive jordanienne du fleuve accueillera à cette occasion 450 personnes parmi lesquelles des réfugiés syriens et irakiens.
Les cinq églises alignées à la frange du désert, visibles de loin sur le rebord de la falaise dominant le Jourdain, semblent incongrues dans ce paysage. Perdues au milieu de nulle part, elles paraissent avoir été jetées là comme les plots d’un jeu de construction. Dans un joyeux élan ›œcuménique’, le clocher anglican côtoie une coupole copte, une basilique luthérienne, une rotonde arménienne et une chapelle maronite. Dans la vallée au bord de l’eau, orthodoxes-grecs, catholiques-latins, orthodoxes-russes et grecs-melkites se sont attribués la meilleur part. C’est à qui aura le bulbe le mieux doré, le clocher le plus haut, la mosaïque la plus belle, les couleurs les plus vives. Un peu partout les ouvriers s’affairent à construire, à peindre, à planter.
Un parc naturel touristique
Le site du baptême de Jésus à ›Béthanie au-delà du Jourdain’ ou Wadi al Kharrar (la vallée mélodieuse), à 25 kilomètres de la capitale Amann, est aujourd’hui un parc naturel touristique créé par la Jordanie autour des fouilles archéologiques réalisées à partir de 1996. Les découvertes, avec pas moins de neuf églises et chapelles, plusieurs monastères, des piscines baptismales, des bassins et des aménagements hydrauliques, datant des époques romaine et byzantine, ont été si abondantes et si riches qu’une remise en valeur de l’endroit s’imposait.
Le caléidoscope des églises actuelles n’est peut-être pas si différent de ce qu’il pouvait être aux temps paléochrétiens où les pèlerins affluaient en nombre pour se faire baptiser dans les eaux du Jourdain en suivant le récit des évangiles.
Détruit par les guerres successives et les tremblements de terre, couvert d’alluvions, envahi par les marais et la forêt de tamariniers, le site était tombé dans un oubli quasi-total depuis des siècles. Durant près de trente ans de 1967 à 1994, il fut même totalement interdit d’accès puisque situé à la ligne de démarcation de deux Etats alors en guerre, Israël et la Jordanie. La signature d’un traité de paix en 1994, suivie du déminage de la zone, a permis les premières fouilles qui ont vite persuadé une majorité de chercheurs qu’ils se trouvaient bien sur le lieu même où Jésus fut baptisé par Jean-Baptiste.
Certes le site de ›Qasser El Yehud’, légèrement plus au nord, sur l’autre rive du Jourdain, en territoire palestinien, sous l’obédience de l’église orthodoxe grecque et de la Custodie franciscaine de Terre Sainte, prétend toujours détenir la palme de l’authenticité. Le débat pourra-t-il être tranché un jour en faisant fi de tout nationalisme ? Rien n’est moins sûr. Les papes Jean Paul II en 2000 et Benoît XVI en 2009 se sont rendus sur les deux sites, histoire de ne privilégier personne.
Douze églises pour un seul Jésus-Christ
Consciente du potentiel touristique du site de Wadi al Kharrar, la monarchie hachémite a décidé d’offrir gratuitement aux diverses confessions chrétiennes des parcelles de terrain, charge à elles d’y construire de nouveaux édifices religieux, sanctuaires, monastères ou maisons de pèlerins. La floraison est toute fraîche. L’église évangélique luthérienne a été consacrée le 6 janvier dernier. Une fois achevé, le site devrait comprendre une douzaine de lieux de culte, tous construits en l’honneur du seul et même Jésus-Christ !
Le sentier se faufile dans le bosquet dense de tamariniers pour aboutir jusqu’à la ›chapelle sur le Jourdain’. Les archéologues ont mis au jour un vaste escalier de marbre du V-VIe siècle descendant d’une grande basilique, qui pourrait être l’église de Jean Baptiste décrite par les voyageurs antiques, jusque dans le lit de la rivière. Le Jourdain capricieux a depuis déplacé ses méandres quelques dizaines de mètres plus loin, mais la preuve archéologique est assez convaincante. A côté de l’excavation, une mosaïque représente le pape Benoît XVI lors de sa visite en 2009. Il est assis dans une voiturette électrique avec à ses côtés la reine Rania et le roi Abdallah de Jordanie.
A quelques pas, couvert d’une claie de roseaux, un bassin moderne en ciment a été aménagé pour les baptêmes par immersion. On y descend par de larges degrés et le gardien se fait un plaisir d’ouvrir le robinet d’où jaillit une eau claire. «C’est bien de l’eau du Jourdain, celle qui a baptisé le Christ. Nous l’avons seulement filtrée», assure-t-il.
Pas de foules compactes
Les pèlerins n’arrivent cependant pas encore en foules compactes. Méconnaissance du lieu, impossibilité de le rejoindre depuis la rive droite du Jourdain, mesures de sécurité persistantes sont sans doute parmi les raisons qui freinent le flux des visiteurs. Pour rejoindre le site, il faut en effet franchir deux barrages de l’armée jordanienne, déposer son véhicule au parking, remettre son passeport aux gardiens et emprunter un bus navette sur un bon kilomètre.
Une fois sur place, la magie du lieu opère. Le Père Rifat Bader, un des organisateurs de la prochaine visite du pape François, plonge un rameau dans l’eau boueuse de la rivière, grosse de la pluie de la veille, pour en asperger la délégation d’Aide à l’Eglise en détresse (AED). Le prêtre jordanien n’a pas hésité à anticiper la canonisation de Jean XXIII et de Jean Paul II, son étole est brodée des portraits des deux saints papes.
Sur l’estrade au bord de l’eau, au milieu des chants des oiseaux et du vol des hirondelles, les paroles de la messe retrouvent pour les pèlerins leur vitalité originelle.
Des photos de ce reportage sont disponibles auprès de l’apic au prix de 80.– francs la permière, 60.– francs les suivantes.
Aide aux chrétiens de Terre Sainte
Ce reportage a été réalisé dans le cadre d’une visite en Terre Sainte organisée par l’œuvre d’entraide internationale Aide à l’Eglise en Détresse (AED). AED soutient divers projets d’aide aux Eglises et aux réfugiés en Jordanie, en Palestine et au Liban. En Suisse, les dons peuvent être versés au CP 60-17700-3.
(apic/mp)