Sentier Lumineux et les forces armées unies pour un désastre
Pérou: les droits de l’homme plus menacés que jamais (050891)
L’organisation maoïste contrôlerait plus d’un cinquième du territoire
Lima, 5août(APIC) Les droits de l’homme sont plus que jamais menacés au
Pérou. La situation en ce qui les concerne s’aggrave chaque jour un peu
plus: déplorable hier, elle semble aujourd’hui plus désastreuse que jamais.
Amnesty International (AI) s’en inquiète. C’est du moins ce qui ressort
après la visite d’une semaine récemment effectuée dans ce pays par une délégation d’AI emmenée par Ian Martin, secrétaire général de l’Organisation.
Durant les cinq premiers mois de l’année, statistiques à l’appui, le Sentier lumineux (SL) et le Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA) ont
mené 660 attaques. Un record. Que partage l’armée en alourdissant le bilan
des détenus-disparus et les actes répressifs commis tous azimuts.
Une année après avoir officiellement succédé à Alan Garcia, le président
Alberto Fujimori, qui s’était engagé en faveur du respect des droits de
l’homme, mesure aujourd’hui le fossé le séparant du discours de la volonté
de les faire respecter, comme il mesure la véritable étendue du pouvoir de
l’armée. D’une armée qui depuis belle lurette déjà agit impunément, en se
plaçant au-dessus des lois et du gouvernement au besoin. Un Etat dans
l’Etat pour qui la démocratie n’est bonne à servir que dans les discours.
Durant une semaine, la délégation d’AI a rencontré des organisations des
droits de l’homme, le président Fujimori, des membres de son gouvernement,
ainsi que des officiers des forces armées, Une visite d’une semaine, mais
qui coïncidait, écrit «Noticias Aliadas» dans son dernier bulletin, avec
une des époques les plus sanglantes d’un conflit commencé il y a 11 ans.
D’un conflit peu à peu transformé en une véritable «guerre sale» par les
protagonistes: la guérilla d’un côté, l’armée de l’autre.
Triste honneur
Les statistiques sont formelles: durant les 5 premiers mois de 1991, 660
attaques du SL et du MRTA ont été enregistrées sur l’ensemble du territoire
péruvien. Selon le sénateur de la gauche unie, Enrique Bernales, 17 personnes en moyenne ont été quotidiennement victimes en mai dernier des violences politiques. Le 13 mai, un commando du SL assassinait Paul Poblet, maire
de Pachacamac, dans le district de Lima, portant ainsi à 139 le nombre de
maires assassinés par le groupement maoïste depuis 1984.
Durant la même période, les groupes de défense des droits de l’homme ont
constaté une nette aggravation des violences perpétrées par les forces armées dites de sécurité. Dans la seule région Andrés Avelino Caceres – qui
comprend les départements de Junin, Pasco et Huanuco – 106 cas de personnes
détenues, disparues, exécutées et torturées ont été dénoncés. Depuis que le
président Fujimori assume le pouvoir, en juillet 1990, 400 de ces cas sont
venus s’ajouter aux milliers d’autres depuis plus de 10 ans maintenant. Selon les Nations Unies, le Pérou détient depuis 1987 un triste record mondial: le plus grand nombre de détenus-disparus.
Le SL renforce ses positions
Triste record, triste honneur: dans un document émanant de la Commission
interaméricaine des droits de l’homme présenté en juin 1991, 86 cas ont été
présentés. 50 parmi ceux-ci concernent le Pérou. Tous sauf un font état
d’exécutions extra-judiciaires et de tortures commises par les Forces de
l’ordre.
Pour de nombreux politiciens et hommes d’Eglise, la violence et la répression ne peuvent rien apporter au Pérou. L’échec de la politique gouvernementale et militaire dans la lutte menée contre le terrorisme est d’autant plus grand que la présence du SL est de plus en plus forte.
Les résultats des élections municipales du 12 novembre 1989, dont SL
s’est efforcé d’empêcher la tenue en vue de créer un vide politique au niveau local, manifestent l’emprise territoriale de l’insurrection, note pour
sa part la dernière livraison de la revue «Etudes». Ces élections n’ont pas
eu lieu ou ont dû être annulées dans 28 provinces (sur 183, soit 15,3%) et
275 districts (sur 1775, soit 15,5%), alors qu’en 1986, à la suite des
élections municipales immédiatement antérieures, seulement 5 provinces (sur
180, soit 2,8%) et 103 districts (sur 1755, soit 5,9%) étaient demeurés
acéphales. En tenant compte des districts dont le conseil, dûment élu le 12
novembre 1990, a démissionné sous la menace des sentiéristes dans les jours
ou les semaines qui ont suivi la proclamation des résultats, on peut estimer que le Sentier lumineux contrôle actuellement plus d’un cinquième du
territoire péruvien. (apic/na/et/pr)