Vers une mise au pas du théologien péruvien de la libération?

Pérou: Nouvelles difficultés pour Gustavo Gutierrez ?

Lima, 12 février 1998 (APIC) Le dossier du Père Gustavo Gutierrez, considéré comme le père de la théologie de la libération, n’est pas clos à Rome. Ses écrits continuent d’être examinés à la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le théologien péruvien du quartier populaire du Rimac à Lima devra apporter quelques clarifications, a-t-on appris dans la capitale péruvienne.

Le cardinal Augusto Vargas Alzamora, archevêque de Lima, a reçu en janvier une lettre du cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, lui faisant part de sa «préoccupation devant le retard mis à apporter une solution». G. Gutierrez doit encore clarifier certains points de sa théologie. Le contenu exact de la lettre n’a pas été rendu public, mais on sait par une source de l’archidiocèse de Lima que le cardinal Ratzinger signale que «le cas n’est pas réglé» et invite les évêques péruviens à le faire savoir aux catholiques pour éviter «une confusion ultérieure».

Non seulement les «corrections partielles» apportées par le théologien à son oeuvre principale, «Une théologie de la Libération», n’ont pas été suffisamment distribuées et publiées, mais «son ecclésiologie requiert une clarification ultérieure», note le cardinal Ratzinger. Il ajoute que le soutien qu’il a apporté au Père Tissa Balasuriya (Sri Lanka), excommunié l’an dernier et récemment réhabilité, a été pour lui une «mauvaise surprise».

Théologie de la libération et libération de la théologie

La théologie de la libération est née dans les années du Concile Vatican II (1962-65). Gustavo Gutierrez, né en 1928 à Lima, licencié en psychologie de l’Université catholique de Louvain et licencié en théologie de la Faculté de Théologie de Lyon, a été le premier à en donner une définition qui continue de faire référence, le premier aussi dont les écrits ont été lus par un large public (ses oeuvres ont été très tôt accessibles en français).

Son premier livre, où il proposait une réflexion à la veille de la conférence de l’épiscopat latino-américain de Medellin, a paru en 1969 à Montevideo (Urugay) et peu après à Bruxelles sous le titre «Vers une théologie de la libération». Le livre le plus important, «Une théologie de la libération», paraîtra à Salamanque (Espagne) en 1972. Suivront notamment «La force historique des pauvres» (1979), «Le Dieu de la vie» (1982) et «Boire à son propre puits dans l’itinéraire spirituel d’un peuple» (1983).

Des implications politiques qui dérangent

La résistance en Occident à cette théologie née en Amérique latine tient essentiellement à ses implications politiques déclarées. Le Père. Gutierrez s’en est toujours défendu. Dans une interview accordée à l’APIC en 1995, il soulignait que l’option préférentielle pour les pauvres est un défi qui touche l’identité même de l’Eglise. En s’intéressant aux problèmes sociaux, relevait-il, celle-ci accomplit réellement sa vocation. «La raison ultime de l’option pour les pauvres tient à Dieu. Une telle option ne résulte pas de la compassion humaine, ni de l’analyse sociale; elle vient de la foi au Dieu de Jésus-Christ. Les pauvres sont des personnes soumises à des situations contraires au Règne de Dieu».

«Plus que comme père de la théologie de la libération, je préférerais être connu comme l’un de ceux qui a contribué à la libéralisation de la théologie», confiait-il y a un an à l’hebdomadaire «Famiglia Cristiana». Ne niant pas utiliser «certaines catégories d’analyse marxiste, qui sont d’ailleurs devenues courantes dans les sciences sociales», il s’insurgeait contre la «caricature» qui présente «la théologie de la libération comme le cheval de Troie du marxisme pour infiltrer l’Eglise». Le théologien ajoutait: «La théologie de la libération est un effort de réflexion chrétienne sur la situation sociale de l’Amérique latine. Elle n’aura plus d’objet quand cette situation aura changé.» (apic/cip/pr)

19 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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