Philippine: Décès du cardinal Jaime Sin, «tombeur» de 2 présidents, dont le dictateur Marcos
Le collège compte maintenant 181 membres dont 115 électeurs
Rome, 21 juin 2005 (Apic) Le cardinal Jaime Sin, archevêque émérite de Manille aux Philippines, est mort dans la nuit du 20 au 21 juin 2005, a annoncé à la presse son porte-parole, Peachy Yamsuan. Il fut l’artisan du départ deux présidents aux Philippines.
Le cardinal Sin est décédé mardi, victime d’une attaque cardiaque en octobre dernier, a succombé des suites de problèmes de reins et de diabète à l’age de 76 ans, selon des responsables religieux.
Il avait été un des rares critiques de l’instauration de la loi martiale par le président Marcos en 1972. Son courage à attaquer ouvertement le régime dans ses lettres pastorales lui avait valu une grande popularité et avait renforcé l’influence de l’église. Quinze ans plus tard, il avait également soutenu les classes moyennes appuyées par l’armée dans leur mouvement contre le président Joseph Estrada, chassé du pouvoir pour corruption en 2001.
Les présidents Marcos et Estrada avaient été remplacés par deux catholiques ferventes, Corazon Aquino et la dirigeante actuelle, Gloria Arroyo, qui toutes deux ont bénéficié de l’appui et des conseils du cardinal, un atout considérable dans ce bastion du catholicisme en Asie. L’actuelle présidente fait du reste l’objet d’une enquête ouverte par le parlement. Elle est soupçonnée de fraude électorale lors de l’élection présidentielle en mai 2004.
Avec le décès du cardinal qui, pour cause de maladie, n’avait pu se rendre à Rome pour les funérailles de Jean Paul II et l’élection de Benoît XVI, les cardinaux sont désormais au nombre de 181, dont 115 âgés de moins de 80 ans.
Né le 31 août 1928, Le cardinal Jaime Sin, d’origine chinoise, était le 14e enfant d’une famille qui en comptait 16. C’était aussi l’un des derniers cardinaux créés par Paul VI (en 1976). A la mort de Jean Paul II, ils étaient trois, outre le cardinal Sin, le cardinal Joseph Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI, et le cardinal William Baum, archevêque émérite de Washington et pénitencier majeur émérite.
Lutte contre la dictature
Le cardinal Sin souffrait depuis longtemps de diabète et de problèmes rénaux. Il avait renoncé à sa charge d’archevêque de la capitale philippine en 2003, à cause de son âge et de sa santé. Le cardinal faisait partie des figures de l’opposition et des ouvriers de la chute du dictateur philippin Fernando Marcos en 1986.
Dans la lutte contre le dictateur au pouvoir depuis 20 ans, il avait mis tout le poids de l’Eglise. Le cardinal avait réuni un million de Philippins pour former une chaîne humaine sur l’avenue la plus importante de Manille pour soutenir et protéger 300 soldats et officiers mutinés, menacés par les troupes restées fidèles à Fernando Marcos. Cette manifestation a initié la «révolte des rosaires» intégrée à la «Révolution du pouvoir populaire». Quinze ans plus tard, il avait également soutenu le mouvement contre le président Joseph Estrada, chassé du pouvoir pour corruption en 2001.
Au début des années 90, le cardinal Jaime Sin commença aussi à chercher, de sa propre initiative, s’il était possible de nouer un dialogue entre l’Eglise catholique et la République populaire de Chine. Après l’établissement d’un bureau des affaires culturelles chinois à Manille, il invita les diplomates chinois à dîner. Il évoqua alors son envie d’aller en Chine rendre visite à des parents. Il voulait en réalité évaluer sur place la situation de l’Eglise. Une invitation fut lancée, et l’astucieux cardinal philippin se rendit donc en Chine.
Hommage philippin
Dans les années 80, il avait fondé l’Institut Lorenzo Ruiz au sein de son diocèse pour former des séminaristes philippins d’origine chinoise, prêts à partir pour la Chine. En attendant ce jour, les séminaristes vivaient dans une ambiance chinoise, ils perfectionnaient leur connaissance de la langue, s’immergeaient dans leur culture ancestrale, et après leur ordination, travaillaient comme prêtres dans les paroisses chinoises des Philippines.
La dépouille du cardinal est exposée dans la cathédrale de Manille où des centaines de fidèles, dont l’ancienne présidente Cory Aquino (arrivée au pouvoir à la chute du dictateur Marcos en 1986 et à la tête du pays jusqu’en 1992), lui ont déjà rendu hommage. Près de 85 % de la population philippine est catholique. C’est le seul pays d’Asie où l’Eglise catholique est prédominante. Les musulmans sont le deuxième groupe religieux. Ils représentent 5 % de la population. Le catholicisme est l’une des forces dominantes dans l’archipel. La Constitution philippine prévoie cependant la séparation de l’Eglise et de l’Etat. (apic/imedia/hy/pr)