Les propriétaires terriens exploitent et assassinent
Philippines: Des évêques catholiques plaident pour les droits des paysans
Manille, 19 octobre 2004 (Apic) Dans la province de Negros Occidental, aux Philippines, les évêques catholiques plaident pour une juste et pleine application de la réforme agraire votée en 1988. Les grands propriétaires terriens utilisent intimidations, violence et corruption pour garder leurs privilèges menacés par cette loi.
Trois évêques de cette région appellent aujourd’hui à une juste et pleine application de la loi de 1988, rapporte «Eglises d’Asie». Le 7 octobre dernier, Mgr Vicente Navarra, de Bacolod, Mgr Patricio Buzon, de Kabankalan, et Mgr Jose Advincula, de San Carlos, ainsi que les responsables des Commissions pour l’action sociale de chacun de ces trois diocèses ont signé une «Déclaration au sujet des violences liées aux questions agraires à Negros Occidental».
Réagissant au meurtre le 3 septembre dernier d’une femme âgée de 60 ans, Teresa Mameng, assassinée par les gardes armés d’un grand propriétaire terrien, les évêques ont mis au défi les propriétaires d’haciendas de respecter la loi, ainsi que le droit des paysans à manger.
Une loi restée lettre morte
Pour ces responsables de l’Eglise, la justice et la paix ne peuvent être réalisées que si les propriétaires terriens respectent la loi, si le ministère de la Réforme agraire s’implique réellement dans son application, si les tribunaux prennent à coeur d’administrer la justice en toute impartialité et si les autorités locales et la police s’engagent à faire appliquer les décisions de justice.
Pour l’heure, dans une région aux mains des grands propriétaires, la réforme agraire qui, à travers le pays, devait aboutir à la redistribution de 10 millions d’hectares à 3,7 millions de paysans sans terre et d’ouvriers agricoles est restée «quasiment lettre morte», estiment les trois évêques.
Menaces, intimidations, manoeuvres dilatoires en justice, corruption des juges et des forces de l’ordre, tous les moyens sont bons pour ces grands propriétaires terriens afin de ne pas appliquer la réforme agraire, dénoncent les évêques. Depuis la chute des cours de la canne à sucre au début des années 1980, la province connaît des heures difficiles et de nombreux ouvriers agricoles ne trouvent plus à s’employer.
Une situation explosive
En l’absence de tout progrès de la réforme agraire, les évêques mettent en garde contre le danger d’explosions de violence: «Les paysans sont perdus lorsqu’ils sont harcelés par les hommes de mains des grands propriétaires [.] et malheureusement peuvent être poussés à des actions violentes pour se défendre, eux, leurs familles et leurs biens». Ils déplorent également la violence mise en oeuvre par les propriétaires : Ils déplorent l’utilisation de la violence par les propriétaires. Comme le cas de Teresa Mameng le montre ?
Selon des statistiques rassemblées par l’Eglise à Negros Occidental, entre 2000 et septembre 2004, 39 paysans ont été illégalement arrêtés, 57 ont été blessés et 15 tués sur les terres des 45 grandes propriétés concernées par la réforme agraire. Par ailleurs, toujours dans le contexte de la réforme agraire, 58 actions en justice ont été lancées contre plus de 3’000 paysans. Le 11 octobre dernier enfin, environ 50 paysans ont entamé une grève de la faim devant les bureaux de l’application de la réforme agraire à Negros Occidental. (apic/egas/rz)