et l’épiscopat catholique autour du contrôle des naissances

Philippines: Le débat entre le gouvernement (020992)

Manille, 2septembre(APIC) Le gouvernement philippin du président Fidel

Ramos, qui est protestant, s’est engagé dans un programme de contrôle des

naissances contre lequel l’épiscopat catholique réagit avec vigueur. Recevant les évêques le 22 juillet 1992, Fidel Ramos leur a rappelé son objectif: faire que les Philippines rattrapent les pays voisins du sud-est asiatique et deviennent à leur tour un «tigre» économique. Le président considère que l’augmentation rapide de la population saigne les maigres ressources d’une économie molle.

Ce raisonnement est développé par le secrétaire d’Etat à la santé, Juan

Flavier. Un taux élevé des naissances fait croître la pauvreté. Observant

que la population du pays augmente plus de deux fois plus vite que sa production agricole (2,3 % par an contre 1 %), M. Flavier pense que l’idéal

serait deux enfants par couple, juste assez pour compenser les décès. Or

les couples philippins ont en moyenne 4,8 enfants. Il insiste aussi sur

l’aspect sanitaire: «Si nous pouvions convaincre les femmes d’espacer d’au

moins deux ans leurs grossesses, la mortalité des mères et des nouveaux-nés

serait réduite de 25 %».

Le président Ramos base son programme sur une action pédagogique, qui

laisse les couples libres de choisir: «Nous leur laissons, déclare-t-il, le

soin de déterminer le nombre de leurs enfants en fonction de leurs ressources». Le plan d’action préparé par la commission gouvernementale de la population s’étalera sur dix ans. Il sera financé par des prêts étrangers à

hauteur de 200 millions de dollars et pourra s’appuyer sur un impressionnant réseau de 600 hôpitaux et de 1 500 unités sanitaires rurales. Les moyens matériels doubleront l’action éducative: «Nous allons faire de la vente

au détail, annonce Juan Flavier, nous vendrons les préservatifs et les pillules contraceptives à bas prix». En outre, le gouvernement continuera

d’encourager la stérilisation.

Les chefs de l’Eglise catholique contestent l’inspiration du programme,

son but, sa méthode. Faisant écho à certains rapports de presse, Mgr Leonardo Legaspi, ancien président de la Conférence épiscopale des Philippines, estime que le gouvernement n’a pas à définir sa politique démographique d’après les ordres d’instances internationales. «Nous ne devons pas devenir les esclaves des organismes qui nous prêtent des capitaux». Mgr Legaspi pense que le plan gouvernemental vise rien moins qu’une croissance

nulle de la population, grâce à l’acceptation généralisée des moyens contraceptifs.

Certains leaders catholiques disent que le président Ramos exagère la

nécessité d’amputer le taux de natalité. Mgr Legaspi souligne un fait: «La

croissance de la population a ralenti de façon critique, notre taux de fécondité diminue plus vite que nous pensons.» En 1983, rappelle-t-il, les

démographes prévoyaient qu’il y aurait 62,4 millions de Philippins en 1990.

Or, sept ans plus tard, la population a seulement atteint le chiffre de

60,5 millions, accusant ainsi un déficit de 2 millions de personnes.

Lors d’une entrevue avec Juan Flavier, le 3 août 1992, le cardinal de

Manille, Mgr Jaime Sin, lui a répété les positions de l’Eglise en matière

de régulation des naissances.

Au nom de ce qu’il appelle le «libre choix des couples, le gouvernement,

a souligné le cardinal, fait une promotion agressive des moyens artificiels

que nous n’admettons pas, sans encourager le recours aux méthodes naturelles, telle que l’abstinence périodique des relations entre époux, qui exige

de ceux-ci discipline et sacrifice, méthodes auxquelles l’Eglise ne fait

pas objection de principe. De plus, a ajouté Mgr Sin, certains moyens artificiels sont susceptibles de provoquer l’avortement, que l’Eglise réprouve

aussi. Quant à la stérilisation, «il est contre-nature, a-t-il dit, de détruire une partie du corps naturel».

En donnant au prélat l’assurance que le gouvernement enseignerait aussi

le contrôle familial naturel, M. Flavier a toutefois ajouté que sa propre

expérience en milieu rural le faisait douter de la discipline des couples.

Outre le débat théorique, vigoureusement engagé, le gouvernement et

l’Eglise catholique mobilisent leurs forces. Le président de la commission

épiscopale pour la vie familiale, Mgr Jesus Varela, vient d’appeler à une

accélération de la campagne contre la contraception. Il compte s’appuyer

sur les gouvernements locaux, dotés désormais de pouvoirs accrus, pour populariser les méthodes non artificielles de régulation des naissances. En

milieu populaire, dit-il, «l’Eglise a un mandat moral plus large, et elle

bénéficie du soutien de beaucoup de dirigeants locaux».

De son côté, le secrétaire d’Etat à la santé vient de recevoir le soutien public des dirigeants de deux dénominations chrétiennes: Iglesia ni

Cristo, indépendance, et l’Eglise philippine unifiée du Christ, protestante. Admettant l’une et l’autre la nécessité d’un contrôle de la croissance

démographique dans le pays, elles acceptent le nouveau programme officiel

de planning familial, mais restent opposées à l’avortement comme moyen de

limitation des naissances. (apic/eda/ak)

2 septembre 1992 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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