La querelle plus vive que jamais dans le pays
Philippines: Les Eglises réclament le rapatriement des biens de la famille Marcos
Manille, le 28 mai 1999 (APIC) Plusieurs responsables d’Eglise, dont Teodoro Bacani, évêque auxiliaire de Manille, ont signé une déclaration commune pour demander au gouvernement philippin qu’il exige le rapatriement des richesses «mal acquises» par les membres de la famille de Ferdinand Marcos jusqu’à la chute de celui-ci, en 1986. La querelle est plus vive que jamais dans le pays. Des documents fournis par une agence gouvernementale chargée de recouvrer la fortune des Marcos indiquent qu’un montant de 13,2 milliards de dollars a été déposé dans un compte auprès de la plus grande banque suisse, l’UBS, et que des tonnes de lingots d’or seraient entreposés chez Freilager AG, à l’aéroport de Kloten à Zurich
L’étendue et le sort de la fortune immense de la famille Marcos sont devenus un sujet de débat national. La plupart des avoirs sont aujourd’hui en Suisse. La procédure se heurte à de nombreuses querelles politico-juridique.
Ferdinand Marcos est décédé à Honolulu en 1989, et son corps est conservé dans la ville de Batac, dans la région d’Ilocos Norte, en attendant l’issue de la campagne que mène sa famille. Sa veuve, Imelda Marcos, âgée de 69 ans, joue encore un rôle important dans la vie publique. L’an dernier, elle s’est présentée à l’élection présidentielle, mais s’est retirée peu avant la tenue de celle-ci.
Leur fils, Ferdinand Jr, est gouverneur du bastion des Marcos, Ilocos Norte, et leur fille aînée, Imée, siège à la Chambre des représentants, également pour un district d’Ilocos Norte.
Roman Tiples, évêque de l’Eglise philippine indépendante et secrétaire général du Conseil national des Eglises des Philippines, ainsi que Mgr Teodoro Bacani, prennent actuellement une part importante dans la campagne menée pour que les avoirs de la famille Marcos soient restitués aux Philippines. Ils ont signé la déclaration publique – «Stolen Wealth, Return it to the People» (Restituez la richesse volée) – avec 33 autres opposants bien connus au régime Marcos.
La campagne a cependant pris un tour nouveau depuis la décision, la semaine dernière, de la Cour suprême de Manille, de casser un accord conclu entre le gouvernement et la famille Marcos. Selon les termes de cet accord, signé en 1993, le gouvernement a promis à la famille Marcos l’immunité contre des poursuites civiles et criminelles en échange de 75 % de sa fortune. Ce compromis avait été atteint sous la présidence de Fidel Ramos, chef d’état-major des armées par intérim, qui avait conduit le coup d’état ayant entraîné la chute du gouvernement Marcos.
Tractations secrètes du gouvernement
La Cour suprême a reproché au gouvernement de mener des tractations secrètes et de prendre des dispositions pour accorder à la famille Marcos l’immunité civile et criminelle et l’exemption fiscale.
Selon la déclaration publique signée par les deux évêques, les avoirs sont «infiniment plus élevés que les ’misérables’ 590 millions de dollars» aujourd’hui en dépôt dans une banque des Philippines. Les documents fournis par une agence gouvernementale chargée de recouvrer la fortune des Marcos indiquent qu’un montant de 13,2 milliards de dollars a été déposé dans un compte auprès de la plus grande banque suisse, l’UBS, et que des tonnes de lingots d’or seraient entreposés chez Freilager AG, à l’aéroport de Kloten à Zurich.
Pour certains commentateurs, malgré une décision des tribunaux suisses déclarant que les avoirs étaient de «provenance illégale», les gouvernements successifs philippins ne se sont pas penchés sérieusement sur les documents relatifs à ces biens. Les signataires de la déclaration affirment que la Commission philippine chargée de cette affaire (Philippine Commission on Good Governement) a fait preuve de «graves négligences» concernant le gel et la restitution de ces biens.
Transparence
L’évêque Tiples et le président du Conseil national des Eglises des Philippines, l’évêque Daniel Arichea de l’Eglise méthodiste unie, réclament la «transparence la plus complète» dans les transactions du gouvernement avec la famille Marcos, proche de l’actuel président Joseph Estrada. Les représentants des Eglises demandent aussi que la famille Marcos et les auteurs de violations graves des droits de la personne et du pillage de l’économie locale (sous le régime Marcos) reconnaissent leurs fautes et se repentent pour en finir avec la division du peuple philippin.
Le débat porte aussi sur la question de savoir comment les avoirs, s’ils sont restitués, seront distribués. Le problème du dédommagement des 9’539 victimes d’abus des droits de la personne sous le gouvernement Marcos est déjà au centre d’une action juridique entre les Etats-Unis et les Philippines. A ce jour, le seul verdict contre la famille Marcos émane d’un tribunal américain, qui a demandé à cette famille de verser 2,35 milliards de dollars en dommages aux victimes.
Selon l’accord passé avec la famille Marcos, le montant avait été réduit à une somme qualifiée par l’évêque Tiples de «vraie bonne affaire» pour les Marcos – soit 150 millions de dollars – ce qui devrait laisser très peu aux plaignants après le règlement des frais juridiques.
La décision récente de la Cour suprême d’annuler l’accord avec la famille Marcos a déclenché une nouvelle action pour stopper la remise de 150 millions de dollars aux Etats-Unis, où le montant devait être réparti entre les avocats, la plus grande partie de l’argent, et les requérants, qui en seront aux miettes. (apic/eni/pr)