Pier Giorgio Frassati était un psssionné d'alpinisme | Wikimedia / Domaine public
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«Pier Giorgio Frassati était l’homme des huit béatitudes»

Le 7 septembre 2025, 100 ans après la mort de Pier Giorgio Frassati, le jeune Italien décédé subitement d’une poliomyélite aiguë sera canonisé par le pape Léon XIV à Rome. Timothée Croux, séminariste du diocèse de Meaux, actuellement en études à Rome, a été marqué par la figure du jeune Turinois. Dans un livre co-écrit avec le Père Emmanuel de Ruyver*, il retrace le parcours édifiant de celui qu’il définit comme un «saint complet». 

«J’ai l’impression que Pier Giorgio Frassati est davantage connu en France ou aux États-Unis» qu’en Italie, relève Timothé Croux. Le séminariste français estime que l’on y a beaucoup proposé cette figure du jeune chrétien aventurier qui appelle à se dépasser et à viser la sainteté. Selon le co-auteur de Pier Giorgio Frassati: Un aventurier au paradis (ed, Première Partie), ces derniers temps, en Italie, on parle surtout de Carlo Acutis. Le «geek de Dieu» sera canonisé le même jour que Le Turinois décédé en juillet 1925 à l’âge de 24 ans. 

Timothée Croux et Wanda, la nièce de Pier Giorgio Frassati | DR

En quoi la vie de Pier Giorgio Frassati peut-elle éclairer un jeune catholique aujourd’hui?
Timothée Croux
: Pier Giorgio Frassati peut donner aux jeunes le désir de la sainteté. Être saint était pour lui une quête de tous les jours. Il n’était pas prêtre et il n’a pas fini martyr. Mais il s’est évertué dès sa plus tendre enfance à vivre l’Évangile à la lettre, avec une liberté déconcertante. Les pauvres ont toujours été au cœur de ses préoccupations. Tout jeune enfant, alors qu’une pauvre mère et son enfant pieds nus frappent à la porte des Frassati, Pier Giorgio donne ses chaussures en leur demandant de filer avant que les siens ne s’en aperçoivent. Jusqu’à la veille de sa mort, il prendra soin de faire parvenir de l’argent ou bien des médicaments aux plus fragiles. Comme Jean Paul II l’avait dit, Pier Giorgio Frassati était l’homme des huit béatitudes.

D’où vient cette charité exacerbée?
La famille Frassati était très riche. Son père, Alfredo Frassati, fut sénateur, ambassadeur et directeur du grand quotidien La Stampa. Pier Giorgio a grandi dans ce milieu de la grande bourgeoisie catholique turinoise. Mais c’était un catholicisme de convention et ce ne sont pas ses parents qui l’ont poussé vers les pauvres. D’ailleurs, eux n’ont découvert qu’à sa mort l’ampleur de son action, quand des milliers de personnes ont voulu lui rendre hommage. 

«Il avait compris que l’eucharistie était le sacrement de la charité.»

Je crois que sa générosité est une grâce de Dieu qu’il a su cultiver au fil des ans. Son élan vers les pauvres est aussi lié à son amour pour l’eucharistie. À l’âge de 13 ans, il a obtenu l’autorisation de sa mère de participer à la messe tous les jours. Il dira alors: «Jésus me rend visite chaque jour par la communion, et moi, je la lui rends bien modestement en visitant les pauvres». Il avait compris que l’eucharistie était le sacrement de la charité. 

Vous avez mentionné ses parents. Quelles relations entretenait-il avec eux?
On a souvent mis en avant une opposition supposée entre eux. Je parlerais davantage d’incompréhension. Pier Giorgio a reçu une éducation stricte. Malgré ses efforts, il n’a pas été un très bon élève et son père a été très sévère avec lui. Il souhaitait que son fils puisse reprendre un jour la direction de La Stampa. Pier Giorgio, lui, s’est lancé dans des études pour être ingénieur des mines afin d’être au plus près des pauvres. Mais il avait un très grand respect pour ses parents. Il savait bien que, le jour où son père lui demanderait de prendre la suite, il le ferait. 

Quand le jeune Frassati tombe amoureux d’une jeune femme, il décide finalement de renoncer à son sentiment. Est-ce dû à la pression familiale?
Il est en effet tombé amoureux de Laura Hidalgo, une jeune fille issue d’un milieu beaucoup plus modeste que lui. Mais il savait au fond qu’une telle histoire ne pourrait se conclure par un mariage. Sans doute n’a-t-il pas voulu blesser ses parents. Alors, par amour pour eux mais aussi pour Laura qu’il ne voulait pas faire souffrir, il a choisi de renoncer à son sentiment. 

C’est un épisode peut-être difficile à comprendre aujourd’hui mais qui témoigne de la grandeur d’âme de Pier Giorgio. Pour lui, commencer une relation, c’était déjà se tourner vers le mariage. Son témoignage montre aussi qu’il y a toujours un choix à poser en matière d’amour. Il y a quelque chose de rassurant. Ce n’est pas parce qu’un séminariste ou un prêtre tombe amoureux qu’il doit abandonner le célibat! 

Des jeunes Valaisans ont créé un spectacle en 2019 sur la vie du futur saint. Ici à Pollone, en Italie, avec Wanda (g.), la nièce de Pier Giorgio Frassati. | © Gauthier Tschopp

Pier Giorgio Frassati était un homme d’action, engagé pour la justice sociale mais aussi pour la paix. Comment peut-il être une source d’inspiration aujourd’hui?
Pier Giorgio a pris des positions courageuses contre la guerre. En 1923, quand l’armée française a envahi la Ruhr en réponse au non-paiement des réparations de guerre par l’Allemagne, il a pris la plume pour écrire dans un journal allemand un message de soutien à la jeunesse catholique. Il était inadmissible pour lui qu’une armée étrangère foule les frontières d’un État souverain. Dans le contexte européen actuel, cela donne à réfléchir. D’ailleurs, Pier Giorgio s’était engagé dans un projet d’étudiants catholiques prônant la Pax Romana en Europe. Il sentait que les chrétiens européens avaient un rôle pour établir la paix véritable. La dernière fois que j’ai vu Wanda Gawronska, la nièce de Pier Giorgio âgée de 97 ans, elle se désolait de voir que la guerre était de retour en Europe. Elle m’a demandé si des étudiants avaient l’idée de relancer la Pax Romana.

Et alors?
Il y a plusieurs initiatives qui se sont développées en Europe, comme le scoutisme européen ou bien l’Erasmus. À l’échelle mondiale, on peut mettre en avant les Journées mondiales de la Jeunesse qui visent à réunir la jeunesse chrétienne et à promouvoir la paix, comme l’a fait le pape Léon XIV lors du jubilé des jeunes.

«Jamais il n’a accepté la moindre amitié avec le fascisme.»

Quelle a été la position de Pier Giorgio Frassati face au fascisme?
Jamais il n’a accepté la moindre amitié avec le fascisme. Pier Giorgio a été proche du Parti populaire italien, fondé par un prêtre, et qui véhiculait les principes de la démocratie chrétienne. Mais il a été déçu lorsque ce mouvement s’est compromis avec les fascistes en 1922. L’année suivante, il a aussi démissionné d’un groupe d’étudiants catholiques, le cercle Cesare Balbo, en apprenant que la bannière du groupe avait été sortie sur un balcon en l’honneur de Mussolini qui passait dans les rues de Turin. Pour Pier Giorgio, la politique était un service, notamment envers les plus pauvres. Il était impossible de cautionner un mouvement fondé sur l’exaltation de la force. Sa force morale lui a permis de rompre avec des mouvements, quand bien même certains de ses proches y adhéraient. (cath.ch/imedia/cd/hl)

Comment avez-vous rencontré Pier Giorgio Frassati? 
C’est par le scoutisme que j’ai fait sa connaissance. J’ai découvert un modèle pour le jeune que j’étais, un témoin qui a pratiqué une charité débordante, qui avait noué des amitiés chastes et solides, et qui avait comme moi l’amour de la nature et de la montagne. Au lycée, à Paris, mon père spirituel m’avait aussi donné sa biographie à lire. L’an passé, j’ai effectué une année de stage dans une paroisse du diocèse de Rome. Dans la chapelle de l’adoration, le curé avait installé un portrait de Pier Giorgio Frassati. Le futur saint m’a en fait accompagné tout au long de mon parcours vocationnel. HL

Pier Giorgio Frassati était un psssionné d'alpinisme | Wikimedia / Domaine public
1 septembre 2025 | 17:00
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 5  min.
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