Plaidoyer en faveur des «viri probati»
Fribourg: L’avenir des ministères laïcs et ordonnés sous la loupe de la Faculté de théologie
Fribourg, 6 mars 2013 (Apic) L’avenir des ministères laïcs et ordonnés dans l’Eglise catholique était sous la loupe mercredi 6 mars 2013 à l’Université de Fribourg. Organisée conjointement par le Centre interdiocésain de formation théologique (CIFT) et la Faculté de théologie, cette 6e Journée d’études bilingue a attiré une bonne centaine de personnes: étudiants, prêtres, diacres, religieuses, religieux et laïcs venus de toute la Suisse.
A plusieurs égards, la question des ministères constitue une problématique d’importance pour l’avenir de l’Eglise catholique. Ce n’est pas seulement le cas pour la vieille Europe avec son manque de prêtres, a déclaré en introduction l’abbé François-Xavier Amherdt, professeur de théologie pastorale, de pédagogie religieuse et d’homilétique à l’Université de Fribourg.
Quel visage aura demain le ministère du prêtre ?
«Cette problématique surgit dans tous les continents, aussi dans l’hémisphère Sud, avec la volonté de valoriser la place des laïcs, par exemple pour la conduite des petites communautés de base». Sans oublier les «mokambis» au Congo RDC ou les «délégués de la Parole» au Honduras, a-t-il poursuivi. «Nul doute qu’elle constitue l’un des défis qu’aura à relever le futur pape, en communion avec le collège épiscopal et le peuple de Dieu tout entier!» Et de se demander quel visage est appelé à prendre demain le ministère du prêtre: «Celui d’un curé modérateur manager, ou d’un serviteur de l’unité au sein des communautés chrétiennes ?»
La question se pose également pour le diaconat permanent, et surtout pour les agents pastoraux laïcs, dont la place est encore à trouver entre les fidèles, invités à exercer leur sacerdoce baptismal dans le monde et dans l’Eglise, et les ministères ordonnés, prêtres et diacres. De l’avis de Martin Grichting, vicaire général du diocèse de Coire, la profession d’assistant pastoral telle que vécue en Suisse est un échec, car pour lui, le Concile Vatican II a envoyé les laïcs dans le monde et ne les a pas appelés dans la sacristie.
L’ordination n’est pas nécessaire pour toute responsabilité ministérielle
Cet avis, cité par Eva-Maria Faber, professeure de dogmatique et doyenne de la Faculté de théologie de Coire, met en lumière une situation pastorale peu satisfaisante au plan de la théologie des ministères. Elle rappelle que les ministères pastoraux des laïcs ont émergé dans l’espace germanophone dès le début des années 70 (à Bâle en 1970, en Allemagne et à Coire en 1971). «Les premiers assistants pastoraux ont été nommés sans que leur ministère ait été au préalable théologiquement réfléchi». Pour elle, on a fait de la pratique avant la théorie, alors que jusqu’à aujourd’hui, la discussion sur l’enracinement théologique des nouveaux ministères n’est pas terminée.
La théologienne allemande relève que l’ordination n’est pas nécessaire pour toute responsabilité ministérielle. Par conséquent, de nouveaux ministères avec un profil propre pourraient être confiés à des laïcs. Ces ministères laïcs seraient développés à partir du sacerdoce baptismal et non à partir du sacerdoce ordonné.
«Trop d’assistants pastoraux exercent des tâches qui requérraient qu’ils soient ordonnés. Il faut donc trouver des solutions à ce problème». Elle confie à l’Apic que l’une des solutions serait notamment l’ordination de «viri probati» (»des hommes ayant fait leurs preuves» dans le mariage, dans l’Eglise, au niveau professionnel et social). La théologienne plaide pour un retour à la «diversité de ministères», perdue dans l’histoire au profit du trinôme évêque, prêtre et diacre, puis au profit d’une concentration sur le ministère du prêtre.
«Il faut arrêter de poser la question des ministères confiés aux laïcs uniquement par rapport au manque de prêtres», pouvait-on lire dans l’exposé de l’abbé Laurent Villemin, prêtre du diocèse de Verdun et professeur d’ecclésiologie à l’Institut catholique de Paris. Ce spécialiste reconnu, «l’un des meilleurs de l’espace francophone», a précisé François-Xavier Amherdt, n’était pas présent à Fribourg: il a eu un accident de voiture près de Reims.
C’est le théologien laïc Philippe Hugo, directeur du CIFT, qui a relayé le professeur Villemin en lisant sa conférence. Pour ce dernier, «il y a des offices qui nécessitent une ordination: celui d’évêque, de curé. Ce sont des offices réservés. Pourquoi ne pas penser des ministères réservés aux laïcs, étant donné justement leur état de vie, ou aux diacres permanents ?» Cette vision, estime l’abbé Villemin, «permet de ne pas se focaliser sur un type de ministère confié à des laïcs et ainsi d’entrer dans une pluri-ministérialité, et donc dans une heureuse collaboration de type synodal!». JB
Encadré
Avec l’apparition des agents pastoraux laïcs et la réintroduction du diaconat permanent, la réflexion sur les ministères, 50 ans après le Concile Vatican II, est en pleine effervescence dans l’Eglise catholique. De nombreuses thèses lui sont consacrées. Quel profil à l’avenir pour les ministres ordonnés (prêtres et diacres) ? Comment développer les ministères laïcs à partir du sacerdoce baptismal et non à partir du sacerdoce ordonné ? Quelles lumières la conception réformée des ministères peut-elle apporter à la réflexion catholique ? Telles étaient quelques unes des questions posées lors de la journée d’études bilingue sur l’avenir des ministères laïcs et ordonnés qui s’est tenue le 6 mars à l’Université de Fribourg. (apic/be)