Chili: L’Église chilienne appelle à la clémence pour les militaires de la dictature sanglante

Polémique: la gauche condamne, la droite applaudit

Santiago, 23 juillet 2010 (Apic) L’Église catholique chilienne a demandé la grâce de certains militaires condamnés pour des exactions pendant la dictature. Cette demande suscite la polémique, dans ce pays, victime de la dictature sanglante de Pinochet

Plus de 36 ans après le coup d’État du 11 septembre 1973 au Chili, les blessures restent toujours ouvertes. La proposition de l’Église catholiques appelant à la clémence pour certains militaires coupables de violations des droits de l’homme sous la dictature, entre 1973 et 1990, remise mercredi au président Sebastian Piñera suscite ainsi des controverses, indique «La Croix».

Depuis le départ de Pinochet en 1990, l’Église catholique du Chili multiplie les appels à la réconciliation nationale. Certains responsables catholiques avaient d’abord considéré comme une « délivrance divine » le coup d’État militaire de 1973, avant de prendre une certaine distance avec le régime qui a causé la mort de plus de 3’000 opposants. Et fait de nombreux «disparus».

Selon La Croix», dans un pays où 72% de la population se dit catholique, la dernière proposition des évêques ne fait pas consensus. L’appel à la clémence suscite une vive opposition de la gauche, notamment le parti d’opposition de centre gauche, qui a beaucoup souffert de la répression après le coup d’État de Pinochet, et des familles de victimes, qui ont manifesté leur colère. Pour eux, il ne peut y avoir de paix sans justice, d’autant plus que la justice au Chili a été longue et difficile à obtenir.

Quant à Sebastian Piñera, premier président de droite depuis le retour à la démocratie, a plutôt bien accueilli la proposition.

Avec l’Argentine, et d’autres pays latinos américains, victimes des pires exactions sous les dictatures durant la seconde moitié du XXe siècle, l’Amérique latine fait face à son passé et juge ses tortionnaires. Contrairement à l’Espagne, encore et toujours incapable de regarder son passé en face, sous Franco, aidé par la hiérarchie catholique d’Espagne et par le fondateur de l’Opus Dei, aujourd’hui saint Josemaría Escrivá de Balaguer, ami du général Franco.

Contrairement à l’Espagne, le Chili fait aujourd’hui également face à son passé. Mais la sympathie de la hiérarchie de l’Eglise catholique à l’égard du régime de Pinochet fait encore et toujours tâche au Chili. Personne, dans ce pays, n’oublie pas que le principal artisan de cette « collaboration » fut le cardinal Sodano, l’ex Secrétaire d’État du Saint- Siège et nonce apostolique au Chili durant onze années (de 1977 à 1988).

Ce prélat italien d’influence n’a jamais caché son amitié pour le général Pinochet. Une « blessure ouverte » encore aujourd’hui pour nombre de chiliens mais aussi d’hommes et de femmes (chrétiens ou pas) défenseurs des droits de l’homme.

Le cardinal Angelo Sodano n’abandonnera du reste jamais « le général » vieillissant. En 1993, il fit parvenir aux époux Pinochet deux lettres de félicitations pour leurs noces d’or ! Une missive en son nom propre et une autre signée par le pape Jean Paul II en personne. En 1999, lorsque l’ex-dictateur fut arrêté à Londres et bloqué pendant plusieurs mois en raison d’un bras de fer entre les pays européens (qui voulaient le juger pour ses crimes) et la Grande-Bretagne qui refusait de l’extrader pour des « raisons de santé », le cardinal Sodano ne manqua pas, une fois de plus, d’apporter son soutien au dictateur chilien, « faisant des vœux » afin que prenne fin au plus vite « l’odyssée » d’un « pauvre vieil homme (sic) ». (apic/cx/gol/archive/pr)

23 juillet 2010 | 14:11
par webmaster@kath.ch
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