Pologne: Environ 10 % des prêtres polonais auraient «collaboré avec le régime communiste»
Embarras côté catholique: chiffres contestés
Varsovie, 15 janvier 1999 (APIC) Environ 10% du clergé catholique de Pologne auraient soutenu le régime communiste, affirme une revue polonaise, qui vient de publier les archives d’un mouvement d’Eglise pro-communiste. Embarras côté catholique. Ces affirmations ont été aussitôt contestés par un spécialiste de l’Eglise.
Onze documents ont été publiés dans l’édition d’hiver de la revue trimestrielle «Karta», avec des déclarations de prêtres catholiques favorables au régime communiste. Dans un article accompagnant ces documents, l’historien Antoni Dudek affirme que le mouvement des «prêêtres patriotes» avait été mis en place grâce aux fonds de l’Etat, et selon les instructions du dictateur soviétique Joseph Staline, dans le but de diviser l’Eglise polonaise.
Selon Antoni Dudek, de nombreux ecclésiastiques recrutés étaient des anciens aumôniers militaires ou des prisonniers des nazis, même si certains avaient aussi été convaincus par la propagande communiste.
Ainsi, en 1952, un groupe de «comités de prêtres de districts» avait déjà recruté 485 membres, a expliqué l’historien, et comptait un dixième des prêtres polonais comme «sympathisants».
Entre autres, le mouvement réclamait la «démocratisation» au sein de l’Eglise, ignorant les menaces d’excommunication du primat catholique romain, le cardinal Stefan Wyszynski. Pour Antoni Dudek, «l’existence de ce groupe représentait un problème difficile pour la hiérarchie de l’Eglise. Mais après 1970, son importance a peu à peu diminué, alors que le régime communiste acceptait le fait que l’Eglise avait conservé son indépendance».
Le régime communist a été imposé dans la Pologne occupée par les soviétiques après la deuxième guerre mondiale, et a duré jusqu’à la fin des négociations entre le gouvernement et l’opposition en 1989. L’Eglise catholique, à laquelle appartiennent au moins 95 % des 38 millions de Polonais, a été souvent louée pour avoir résisté aux violations commises par les communistes.
Les méthodes d’investigation du journal ont été immédiatement critiquées par Witold Zdaniewicz, archiviste de l’Eglise polonaise, qui conteste les affirmations de «Karta» et accusé le journal de «jongler avec les faits». «Sans une liste des prêtres membres du mouvement, il est impossible de parler de pourcentages, en particulier puisque personne n’a vu ces prêtres participer aux réunions ni pu compter combien de fois ils l’auraient fait», a-t-il confié à l’Agence œcuménique ENI.
Mise à la retraite
Les évêques catholiques polonais avaient reçu des appels leur demandant de «mettre à la retraite» les membres du clergé qui avaient donné des informations au régime communiste. Même si la plupart des documents donnant l’identité des prêtres-collaborateurs ont été détruits après la chute du régime communiste. Mgr Tadeusz Pieronek a néanmoins confirmé en 1996 que le cas de certains membres du clergé avait été «examiné». Il avait appelé les membres de l’Eglise à se préparer «au repentir et à la réconciliation».
Les documents publiés par «Karta» comprennent le protocole d’une réunion de prêtres en 1952 à Szczecin dénonçant «les impérialistes américains» en Corée et exhortant les prêtres à se joindre au mouvement. Une lettre au président polonais d’alors, Boleslaw Bierut, fait l’éloge du chef du parti communiste pour avoir servi «le bonheur et le bien-être de la nation», et adresse des voeux chaleureux à «l’Union soviétique fraternelle».
Selon le secrétaire général de la Conférence épiscopale polonaise, Adam Schulz, le chiffre de 10% est «exagéré». Evaluer les affirmations de «Karta», a-t-il fait remarquer, est «l’affaire des historiens».
Un petit nombre de prêtres catholiques auraient collaboré avec la police secrète communiste, ou Statni Bezpecnosti, en Tchécoslovaquie, et un plus faible pourcentage dans l’ancienne Allemagne de l’Est. Dans la plupart des anciens pays communistes, de telles allégations ont été aussi portées contre les Eglises orthodoxes et protestantes. (apic/eni/pr)