Toujours les croix de la discorde

Pologne: Le gouvernement veut éviter une nouvelle confrontation à propos d’Auschwitz

New York, 9 août (APIC) Le gouvernement polonais semble faire marche arrière et vouloir éviter une nouvelle confrontation avec les milieux juifs à propos d’Auschwitz, où plusieurs dizaines de croix ont été placées par des groupes catholiques conservateurs à l’extérieur de l’enceinte de l’ancien camp d’extermination.

Contrairement à sa première prise de position, où il affirmait n’avoir pas les moyens d’agir efficacement – l’exact propriétaire du terrain n’étant pas connu et la gestion des symboles religieux catholiques relevant selon le Concordat de la seule Eglise catholique – le gouvernement polonais annonce vouloir agir, annonce dimanche le quotidien israélien «The Jerusalem Post».

Dans une déclaration publiée à Varsovie, le gouvernement polonais a manifesté sa volonté de contribuer à résoudre le problème de la présence de symboles religieux à Auschwitz-Birkenau en coopération avec les autorités de l’Eglise et toutes les parties intéressées «dans un esprit de tolérance et en respectant la sensibilité religieuse des chrétiens et des juifs».

L’objet du nouveau litige – une cinquantaine de croix pour rappeler 152 prisonniers politiques polonais exécutés à Auschwitz en 1941 – a suscité de violentes protestations des milieux juifs qui préservent la mémoire des martyrs de l’Holocauste, notamment de Yad Vashem à Jérusalem.

Non à la politique irresponsable des faits accomplis

Varsovie n’a pas donné de détails sur la manière dont il entendait résoudre le problème. Dans sa déclaration, le gouvernement polonais reproche «à quelques personnes irresponsables, qui utilisent la politique des faits accomplis, de causer une escalade du conflit et de susciter la mobilisation d’éléments radicaux des deux côté.» La population polonaise a été incitée à soutenir la présence des croix «par des émissions d’une station de radio catholique renégate, Radio Maryja», écrit le quotidien israélien «The Jerusalem Post».

Cette nouvelle polémique a aussi retardé la ratification, prévue le mois dernier, d’un accord polono-juif sur la préservation du site d’Auschwitz-Birkenau. «Le gouvernement polonais est pris en otage», a déclaré un responsable juif à Varsovie qui a souhaité garder l’anonymat. «Il a peur d’irriter les milieux de droite et préférerait plutôt sacrifier Auschwitz que sa coalition gouvernementale.»

L’an dernier, le gouvernement polonais et un groupe international d’institutions juives, dont Yad Vashem et l’organisation «US Holocaust Memorial Council», sont parvenus à un accord concernant l’avenir du site des anciens camps d’extermination nazis. Il appelle au déplacement de tous les symboles religieux. Le cardinal Jozef Glemp, primat de Pologne, a déclaré jeudi dans une conférence de presse à Varsovie que l’édification des croix contestées ne portait pas atteinte au respect dû aux victimes de l’Holocauste. Il a précisé que la grande croix érigée après la visite du pape à Auschwitz en 1979 était tout à fait à sa place. C’est justement autour de cette croix – que les catholiques polonais ne sont pas prêts à voir déplacer – qu’ont été plantées d’autres petites croix, cause des nouvelles tensions.

Varsovie regrette que cette dispute «contribue à créer de fausses opinions et des stéréotypes au sujet de la société polonaise». Elle cause du tort au dialogue polono-juif qui se développe positivement «et qui a changé la qualité des relations entre les deux nations.»

La guerre des symboles

En Pologne, le problème est très délicat à manier, car les milieux catholiques – pas seulement les plus nationalistes – ne comprennent pas pourquoi ils n’auraient pas le droit de prier leurs morts à Auschwitz, où ne périrent pas seulement des juifs, mais également des tziganes, des prisonniers de guerre russes et de nombreux Polonais.

Si moins de 10% des morts d’Auschwitz étaient des Polonais (tout de même plus de 100’000!), les premiers prisonniers que le camp No1 abrita dès juin 1940 furent justement des représentants de l’intelligentsia polonaise. Là furent par exemple mis à mort presque tous les professeurs de l’Université Jagellone de Cracovie. Les autres camps – Auschwitz II (Birkenau-Brzezinka) et Auschwitz III (Monowitz) – auxquels les nazis adjoignirent une quarantaine de camps satellites plus petits, furent érigés après.

Pour les Allemands, les peuples slaves, donc les Polonais, étaient aussi des «Untermenschen», des sous-hommes à réduire en esclavage. C’est pourquoi de nombreuses personnes à Oswiecim avaient signé, lors de l’affaire du carmel, une lettre ouverte de soutien aux religieuses «au nom du droit à la prière pour les victimes d’Auschwitz».

Pas de culte catholique sur le territoire d’Auschwitz-Birkenau

Suite aux protestations des milieux juifs au niveau mondial – qui menaçaient de couper toutes les relations de la communauté juive avec le Vatican et faisaient valoir que l’engagement avait été pris de maintenir les lieux en l’état et d’y préserver une zone de silence -, des délégations comprenant des personnalités juives et catholiques, dont les cardinaux Macharski (Cracovie), Lustiger (Paris), Decourtray (Lyon) et Danneels (Malines-Bruxelles), s’étaient réunies à deux reprises à Genève.

A l’issue de la seconde «rencontre de bonne volonté» à Genève (22 février 1987), elles s’étaient engagées dans une déclaration commune: «Il n’y aura pas de culte catholique sur les territoires d’Auschwitz-Birkenau. Chacun pourra s’y recueillir selon son cœur, sa religion, sa foi.» (apic/jpost/kna/be)

20 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!