Porrentruy: après 120 ans la page se tourne pour «Le Pays» (010693)
Exit «Le Pays», vive «Le Quotidien Jurassien»
Porrentruy, 1erjuin(APIC) Né le 3 août 1873 comme journal de combat catholique en plein Kulturkampf, «Le Pays» de Porrentruy a définitivement
tourné la page samedi après 120 ans d’existence. Cet organe qui fut l’expression de l’identité catholique et jurassienne vient de fusionner avec
son concurrent le «Démocrate» de Delémont. Nécessités économiques obligent,
les Jurassiens ne disposeront plus à l’avenir que d’un seul quotidien: «Le
Quotidien Jurassien».
«La tâche, nous le sentons, est lourde. L’épreuve est solennelle. (…)
Quant à nos principes, ils sont très nets, nous sommes jurassiens, nous
sommes catholiques.» C’est en ces termes que l’éditorial du dimanche 3 août
1873 annonce la couleur. A l’instar du «Courrier» de Genève en 1869 puis de
«La Liberté» de Fribourg en 1871, le journal jurassien est un organe de
combat pour la défense du catholicisme. A cette époque, Mgr Lachat, évêque
de Bâle est en exil, et son clergé est en butte à de nombreuses restrictions. La première du premier numéro du «Pays» reproduit d’ailleurs le mémoire de défense adressé à la Cour d’appel et de cassation du canton de
Berne par les 69 curés du Jura contre leur révocation. Au départ, «Le Pays»
est l’affaire d’un homme, Ernest Daucourt. Le jeune avocat rachète en 1873
la «Gazette jurassienne». Pendant un demi-siècle il sera propriétaire, directeur et rédacteur principal du «Pays». Par son journal mais aussi par
son activité politique – il fut député, préfet puis conseiller national il s’engage à fond dans la lutte pour la défense des intérêts catholiques
et jurassiens. Il suscitera non seulement l’opposition des radicaux, mais
aussi celle des catholiques libéraux regroupés autour du doyen Hornstein et
du journal l’»Union du Jura», né en 1883.
Les années 1890 à 1920 marquent la consolidation et l’apogée de la presse catholique qui s’inscrit totalement dans le projet de contre-société
catholique grâce à un étroit réseau d’organisations religieuses, sociales
et politiques. Cette situation perdure jusque dans les années 1950.
Les quarante dernières années sont le temps de l’ouverture hors d’un
cantonalisme étroit et d’un catholicisme rigoriste, qui va encore s’affirmer avec le Concile Vatican II. C’est aussi la fin progressive de la société catholique: les sociétés s’affaiblissent, les liens avec les partis se
distendent. Pour «Le Pays», cette période est aussi celle de la question
jurassienne. Dès 1947, «Le Pays» s’engage pour le séparatisme, même si la
conversion ne fut au départ pas tout à fait franche et immédiate. Le journal navigue entre les avertissements de l’évêque et le mécontentement de
certains lecteurs. Sans être farouchement nationaliste, «Le Pays» saura
garder une franchise qui l’honore encore 15 ans après la création du canton
du Jura.
Les années 80 et 90 sont marquées par les profonds changements technologiques et structurels que connaît la presse suisse. On s’aperçoit alors que
dans le Jura un seul quotidien peut survivre et être l’expression de la région toute entière. Exit «Le Pays» vive «Le Quotidien Jurassien».(apic/mp)