Printemps 2025: deuil, adrénaline et travail pour les journalistes catholiques
C’est un lundi matin de Pâques s’annonçant des plus tranquilles. J’ai endossé la tenue du cuisinier en prévision de la visite d’une amie à la maison. Mais voilà que je reçois sur mon téléphone une notification du groupe WhatsApp de la rédaction.
Une info nous a été transférée. Le titre: «Le pape François est mort». Je crois d’abord à une blague (pas très drôle) de mon collègue, facilement farceur. Mais la plaisanterie me semble trop élaborée et la vérité froide et inattendue s’impose: il y a quelques heures, François a effectivement rejoint le Père éternel! Petit pincement au cœur pour cette personnalité que j’appréciais beaucoup, mais également grosse poussée de stress. L’action immédiate s’impose. L’expression ‘en congé’ n’a guère de sens pour un journaliste catholique dans un tel cas de figure.
Dans le cadre du Dimanche des médias, les 31 mai et 1er juin 2025, cath.ch revient, d’une manière plus personnelle, sur le ressenti et le travail de l’équipe à l’occasion des récents événements qui ont bouleversé le Vatican. La quête du Dimanche des médias ira en particulier aux centres médiatiques catholiques de Lausanne (cath.ch), Zurich (kath.ch), et Lugano (catt.ch). RZ
Programme perturbé
Jorge Bergoglio semblait pourtant aller mieux depuis qu’il était sorti de l’hôpital fin mars, après avoir suscité de grosses inquiétudes suite à la grave infection pulmonaire contractée quelques semaines plutôt. L’Argentin de 88 ans était déjà passé près du trépas à la clinique Gemelli. Les catholiques du monde entier pensaient, ou en tout cas espéraient, qu’il reprendrait des forces et resterait encore quelques mois ou années avec nous.
Le décès a donc pris tout le monde par surprise, et spécialement les journalistes, qui plus est un jour férié. Mais cath.ch ne dort jamais vraiment. Une ou un journaliste est toujours chargé sept jours sur sept, de «faire le guet» de l’actualité. Et ce jour-là, une collègue est déjà devant son ordinateur. Mon premier réflexe est d’avertir mon épouse, quelque peu décontenancée, qu’elle devra s’occuper du repas. Mon second est d’appeler immédiatement la collègue de piquet.
Les autres collègues, dont le rédacteur en chef, rejoignent rapidement la séance improvisée, et le travail est réparti. Ce sera le début de longues et intenses journées de travail.
Le pape François de l’Alpha à l’Oméga
Mais qui dit surprise ne dit pas impréparation. Malgré l’état de tension qui nous habite, l’équipe de cath.ch n’est pas prise au dépourvu. Un dispositif a été de longue date mis en place. Et au lundi 21 avril 2025, une vingtaine d’articles préparés à l’avance sont dans les starting blocks du site. Ils contiennent interviews de personnalités, témoignages, hommages, biographie, perspectives…. Objectif? Apporter au lecteur des éclairages sur l’œuvre et la pensée du pape, rappeler son apport à l’Église et à la foi chrétienne, et lui rendre ainsi hommage.

La rédaction regarde à présent avec un brin de fierté le résultat. Toujours consultable sur internet, le dossier intitulé «Adieu pape François!» propose pas moins de 52 articles et commentaires sur des sujets variés. Le tout offrant un panorama élargi et approfondi des réalisations de ce pontife qui aura marqué l’histoire de l’Église. Réforme de la Curie, diplomatie, dialogue interreligieux, écologie, encycliques… le lecteur naviguant dans ce dossier peut facilement compléter ses connaissances.
Tuyau, fumée et goélands
Une fois le deuil et les funérailles passées, la deuxième étape du processus peut s’enclencher. Les journalistes catholiques n’ont entamé qu’une partie du pain sur la planche. Car survient presque immédiatement la fièvre de la succession de François. Les conclaves sont parmi les moments les plus forts de la vie de l’Église. Le mercure grimpe alors dans tous les médias du monde, a fortiori dans la presse catholique.
Là aussi, cath.ch a eu quelques coups d’avance en préparant analyses, perspectives et listes de ‘papabili’.
Revenons au 8 mai 2025. À l’instar d’une bonne partie du monde, les journalistes de cath.ch scrutent avec excitation un vieux tuyau du poêle pour vérifier la couleur de la fumée qui pourrait en sortir.
Comme mes collègues, en ce jeudi soir, je mets la table à la maison, les yeux rivés sur mon ordinateur, qui montre en direct la cheminée en question. Sans trop d’appréhension puisque les analystes n’attendent pas une élection avant les jours prochains. J’observe avec tendresse la désormais célèbre maman goéland qui nourrit son petit sur les tuiles vaticanes. Mais les volatiles sont soudainement dérangés par un épais panache de fumée… blanche et les cris frénétiques de la foule.
cath.ch pris d’assaut
La procédure d’urgence reprend pour cath.ch. Visioconférence immédiate entre tous les collaborateurs et répartition des tâches. Environ une heure plus tard, Léon XIV apparaît au balcon de la loggia.
Par chance, le correspondant de cath.ch à Rome, l’agence I.MEDIA, a également pris les devants, notamment en préparant des profils très complets des principaux papables, dont le cardinal Robert Francis Prevost.
Mais sueurs froides et jurons jaillissent alors que notre système de mise en ligne patine. Le Portail catholique suisse est perturbé par une arrivée en masse de visiteurs, bien au-delà des capacités prévues. L’informatique finit tout de même par obtempérer et le site fournit, après une vingtaine de minutes, une information détaillée sur le profil du nouveau pape.
L’actualité sera encore importante dans les jours suivants, avec notamment les réactions et analyses sur le nouveau pontife, ainsi que les cérémonies d’inauguration du pontificat. Le travail conjoint de cath.ch et d’I.MEDIA a résulté en deux dossiers supplémentaires: «Conclave» et «Habemus papam!», contenant respectivement 22 et 16 contributions.
Apport d’expertise
Les collaborateurs du Portail catholique ont également apporté, au cours de cette période, leur expertise aux autres médias. Fabien Hünenberger, directeur de Cath-Info, Bernard Hallet, rédacteur en chef de cath.ch, ainsi que le journaliste Maurice Page ont notamment éclairé divers aspects du renouvellement papal sur la RTS.
Autant les réseaux sociaux que le site de cath.ch ont vécu d’importantes hausses de fréquentation durant les dernières semaines, laissant espérer que les lecteurs ont pu y trouver une information enrichissante.Depuis un peu plus d’une semaine, j’ai pu, à l’instar de mes collègues, préparer les repas avec plus de sérénité. Au-delà du brin de fatigue qui caractérise encore l’équipe de rédaction, ses membres sont tous heureux d’avoir vécu dans l’action et l’intensité l’un de ces moments exceptionnels qui façonnent l’histoire de l’Église. (cath.ch/rz)
Effervescence à Rome
Le journaliste français Camille Dalmas, rédacteur en chef de l’agence I.MEDIA, partenaire de cath.ch, raconte comment il a vécu sur place les événements qui ont abouti à l’élection de Léon XIV.
Comment s’est passée la matinée durant laquelle la mort de François a été annoncée?
Camille Dalmas: Il faut tout d’abord dire que le lundi de Pâques est un jour de relâche habituellement très calme en Italie et au Vatican. Nous avons reçu un message au matin nous annonçant qu’il y aurait une retransmission du cardinal camerlingue Kevin Farrell sur le canal YouTube du Vatican. La plupart de mes collègues journalistes étaient en famille et n’avaient même pas prévu de venir au Vatican. Il y avait très peu de monde dans la salle de presse.
Le cardinal Farrell a lu un message d’environ une minute annonçant la mort du pape François. Autant dire que l’on est passé en peu de temps du calme plat à la frénésie la plus totale.
Comment était l’ambiance?
Je me souviens avoir été sur la Via della Conciliazone lorsque j’ai entendu le glas sonner. L’atmosphère était assez particulière. Les gens dans la rue ont commencé petit à petit à comprendre et à affluer sur la place St-Pierre.
À I.MEDIA, nous avons tenté à ce moment-là de faire vivre ce qui se passait à Rome, de transmettre la grande émotion et stupéfaction qui saisissait le monde catholique.
Et le climat de travail?
Nous avons rapidement vu débarquer des journalistes en très grand nombre de médias du monde entier. Plusieurs milliers ont été accrédités. Nous nous sommes retrouvés entourés de collègues que nous ne voyions pas habituellement. Une partie d’entre eux ne connaissaient pas forcément les usages du Vatican. Lorsqu’il fallait interviewer des cardinaux, ils avaient tendance à se ruer et à agir comme s’il s’était agi d’hommes politiques qui doivent une réponse au public. Cela a créé quelques tensions, mais finalement tout s’est bien passé.
Pour notre équipe, les journées ont été longues bien sûr, avec peu d’heures de sommeil. Le mot d’ordre qui circulait parmi les journalistes était: «Attention, ce n’est pas un sprint, mais un marathon». Heureusement, nous avions préparé beaucoup de choses à l’avance, ce qui nous a permis de fournir rapidement les nouvelles les plus fraîches à nos partenaires et à être sur le terrain pour recueillir témoignages et analyses.
Comment avez-vous vécu l’élection de Léon XIV?
Pendant cette phase, l’enjeu était d’expliquer comment le conclave se construisait, de deviner vers quel type de profil on allait et de sortir des noms. Nous avons pris du temps en amont pour établir une liste de ‘papabili’. Et nous sommes assez contents du fait que le pape actuel était dessus. Nous avions pu observer, notamment pendant le Synode sur la synodalité, que Robert Francis Prevost était une personnalité qui se démarquait.
Quel a été le ressenti de ces événements pour les journalistes «vaticanistes»?
Nous avons tous eu l’impression de passer un seuil, qu’une nouvelle page s’ouvrait. Je travaille à Rome depuis fin 2019 et je ne sais pas si je revivrai sur place un événement tel que celui-ci, donc tout a été très émotionnel. D’un point de vue médiatique, on peut avoir l’impression qu’il y a un côté superficiel, avec toutes ces traditions, ces cérémonies. Mais en fait, c’est un moment privilégié pour réaliser un travail de réflexion profonde sur ce qu’est l’Église. RZ