Mgr Alain de Raemy réagit à la condamnation à du sursis du prêtre tessinois pour abus sexuels sur mineurs | © catt.ch
Suisse

Procès du prêtre abuseur au Tessin: Mgr Alain de Raemy reste «très attristé»

Mgr Alain de Raemy, administrateur apostolique du diocèse de Lugano, revient pour catt.ch sur le procès du prêtre tessinois auteur d’abus sexuels sur mineurs qui s’est tenu le 14 août dernier. Le prêtre, condamné à 18 mois de prison avec sursis, est interdit de tout ministère en attendant la réponse de Rome quant à un procès canonique.

Cristina Vonzun, catt.ch / traduction et adaptation Bernard Hallet

Le prêtre, incarcéré depuis août 2024, a été condamné à 18 mois de prison avec sursis et est ressorti libre du tribunal. La procureure, qui comptait requérir 5 ans de prison, a annoncé à l’issue de l’audience qu’elle ferait appel du jugement. Le prêtre est interdit de tout ministère en attendant la réponse de Rome sur l’éventualité d’un procès canonique.

Mgr de Raemy a confié à catt.ch qu’il «reste très attristé pour toutes les personnes impliquées». «Nous sommes toujours disposés à accueillir ceux qui souhaitent partager un malaise personnel. Le diocèse collabore désormais officiellement avec les centres LAVI (Centres d’aide aux victimes d’agressions), a-t-il indiqué.

Au cours du procès, le témoignage du premier jeune qui a brisé le silence s’est révélé fondamental. Vous avez rencontré le jeune en question qui, entre autres, comme on l’a appris au procès, est venu vous voir inquiet pour le danger auquel pouvait être exposé un mineur proche de lui. Qu’est-ce qui vous a frappé dans ce témoignage?
Mgr Alain de Raemy: La difficulté d’une personne qui admirait celui qu’elle dénonçait, qui avait confiance en l’autre et qui vit maintenant la destruction de cette confiance. Il a vécu et ressenti un profond malaise en devant dénoncer une personne qui l’avait aidé à grandir dans la foi. Il faut dire que le jeune homme a également été aidé par une personne proche de lui et appartenant au monde ecclésiastique à qui il s’est confié et avec laquelle il a pris conscience de la gravité des faits vécus.

Le procès a révélé qu’il y avait d’autres victimes, dont des mineurs. Quelle attention l’Église du Tessin compte-t-elle désormais accorder à ces jeunes?
Nous sommes toujours disposés à accueillir ceux qui souhaitent partager un malaise personnel. Le diocèse collabore désormais officiellement avec le LAV (Servizio per l’aiuto alle vittime di reati – Les centres LAVI). La procédure auprès du LAV est confidentielle, la personne est aidée gratuitement, de manière professionnelle, avec la garantie d’une indépendance totale vis-à-vis de l’Église, d’une liberté totale et d’une discrétion absolue. Le LAV se charge également d’engager avec les victimes les procédures d’indemnisation dues par l’Église. Il y a également Le Groupe d’Ecoute pour les Victimes d’abus dans le domaine religieux (Il Gruppo di Ascolto per Vittime di Abusi in Ambito Religioso – GAVA), un lieu de dialogue avec des personnes qui ont subi le même type d’abus et qui se mettent à la disposition d’autres personnes. Je le recommande vivement! 

Le jugement a imposé un accompagnement psychologique au prêtre. Cela dépend-il maintenant de lui ou du diocèse?
De lui, conformément à la décision du tribunal qui lui est adressée. Le diocèse peut apporter son aide.

Y aura-t-il donc un procès canonique à Rome?
Il y aura une procédure canonique, qui pourra ou non impliquer un procès, selon la décision de Rome.

Rome devra-t-elle attendre l’issue du recours du ministère public?
Nous informons Rome, nous envoyons toute la documentation, puis c’est Rome qui décidera. 

Le prêtre en question est rentré chez lui, pourra-t-il célébrer la messe et exercer son ministère pastoral auprès des adultes, étant donné que le juge lui interdit uniquement tout contact avec des mineurs?
Pour l’instant, il est soumis par l’Église à une mesure préventive d’interdiction du ministère sacerdotal; il ne peut donc pas exercer son ministère pastoral ni célébrer la messe, et ce jusqu’à ce que le résultat de la procédure canonique soit communiqué.

Le prêtre devra désormais faire face à une procédure canonique. Que lui réserve la justice de l’Église?
L’affaire implique des mineurs, elle relève donc de la compétence de Rome. Pour rendre son jugement, Rome disposera également du verdict et des actes du procès civil.

«L’affaire implique des mineurs, elle relève donc de la compétence de Rome.»

Au cours du procès, il a été question de l’évêque Lazzeri. Le jeune homme, qui est venu vous voir en 2024, s’était déjà adressé à Lazzeri en 2021 pour signaler une situation de grave détresse vécue (à l’âge adulte) avec le prêtre. Au procès, il a été question d’une aide apportée par l’évêque Lazzeri au prêtre. Selon vous, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné?
La décision a été prise en fonction des informations dont disposait la Curie à ce moment-là, en prenant les mesures appropriées et en orientant le prêtre vers un psychologue, où il s’est rendu. Le jeune homme, adulte au moment des faits, a décidé de ne pas porter plainte.

Que nous enseigne cette affaire à l’Église du Tessin?
Elle nous enseigne à toujours être très attentifs à ceux qui expriment leur malaise, non seulement dans le domaine des abus sexuels, mais aussi dans celui des abus de pouvoir et des abus spirituels. Il faut promouvoir la liberté d’expression dans les relations spirituelles. Nous avons déjà lancé dans les vicariats un programme de prévention destiné aux prêtres, et nous l’avons également fait avec le personnel du diocèse et les collègues de la Conférence missionnaire. Et nous continuons.

«Il faut promouvoir la liberté d’expression dans les relations spirituelles.»

Que pensez-vous de la décision du Conseil d’État concernant l’obligation de dénonciation dans la loi cantonale sur l’Église catholique et réformée au Tessin?
Cela me semble juste. Si l’État a l’obligation d’informer l’Église lorsqu’un membre du clergé est accusé, l’Église doit également avoir l’obligation de dénoncer un cas à l’État. Il s’agit d’un aspect prévu par le droit canonique et qui est désormais appliqué à la loi cantonale sur l’Église. (cath.ch/catt.ch/cv/bh)

Mgr Alain de Raemy réagit à la condamnation à du sursis du prêtre tessinois pour abus sexuels sur mineurs | © catt.ch
17 août 2025 | 13:50
par Rédaction
Temps de lecture : env. 4  min.
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