Le cardinal Becciu, impliqué dans l'affaire de l'immeuble de Londres, clame son innocence | © Vatican Media
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Retour sur la nuit passée par Cecilia Marogna chez le cardinal Becciu

Le commissaire de la Gendarmerie vaticane, Stefano De Santis, a été auditionné pour le second jour de suite par le tribunal de la Cité du Vatican, le 13 octobre 2022, dans le cadre du procès de ‘l’immeuble de Londres’. Il a expliqué pourquoi ses services s’étaient intéressés à la nuit que Cecilia Marogna a passé dans les appartements du cardinal Angelo Becciu, au Vatican, en septembre 2020.

L’agence I.MEDIA, qui a assisté à cette 29e audience, fait le point sur les principaux enseignements de cette journée.

1- Le gendarme maintient sa version

La veille, le cardinal Becciu avait donné une version différente de celle du commissaire De Santis de la rencontre survenue entre ce dernier, le commandant Gianluca Gauzzi Broccoletti et lui-même dans ses appartements du Vatican, le 3 octobre 2020. Le commissaire a maintenu sa version, niant avoir conclu le moindre «pacte de secret» avec le cardinal sur leur rencontre et assurant que ce dernier ne lui avait pas semblé surpris de le voir ce soir-là. Il ne s’agissait alors pas d’enquêter sur l’ancien préfet, a-t-il aussi précisé, mais uniquement sur Cecilia Marogna.

Le chef de la gendarmerie a assuré que le cardinal l’avait bien mis en garde contre le «grave préjudice pour lui et sa famille» – Becciu avait nié avoir évoqué sa famille – que faisait peser le risque de voir le nom de Cecilia Marogna s’ébruiter.

Le gendarme a expliqué que le cardinal Becciu ne l’avait pas mis au courant de l’opération ordonnée par le pape pour libérer une religieuse otage de djihadistes dans le Sahel avec les services de Cecilia Marogna – corroborant sur ce point la version du Sarde. Le commissaire a aussi expliqué que ce 3 octobre 2020, le cardinal était déjà au courant des problèmes que posaient les dépenses de l’Italienne, ayant été informé par Mgr Alberto Perlasca en avril 2020.

2- Pourquoi la gendarmerie a enquêté sur la nuit de Cecilia Marogna au Vatican

Pendant l’audience, le commissaire a commenté les images de surveillance qui montrent que Cecilia Marogna a passé la nuit au domicile du cardinal Becciu dans la nuit du 16 au 17 septembre 2020.

Stefano De Santis a expliqué que le 17 septembre, la gendarmerie avait reçu un rapport sur une transaction suspecte transmis par la Guardia di Finanza (Italie) et l’Autorité de supervision et d’information financière du Saint-Siège concernant un transfert de 1’000 euros effectué par Cecilia Marogna entre le compte courant de sa société Logsic et son compte personnel. L’opération, ont-ils remarqué, avait été faite depuis une banque de la Via du Borgo Angelico, à quelques mètres seulement du Vatican.

À partir de ce rapport, ils ont consulté les caméras de surveillance et ont reconstitué ses déplacements au Vatican. Ils ont vu que la veille, le 16 septembre, Marogna s’était rendue avec une valise à roulette au domicile du cardinal Becciu à 19h18. Le matin suivant, le cardinal Becciu est sorti de chez lui suivi peu après par les deux religieuses qui travaillaient dans sa résidence, laissant donc Cecilia Marogna seule. Les caméras permettent de voir que les religieuses sont ensuite revenues avant que ne sorte Cecilia Marogna.

C’est à ce moment qu’elle s’est rendue à la banque pour transférer les 1’000 euros, avant de revenir au domicile du cardinal avec une boîte» qui, selon le commissaire, semblait contenir des pâtisseries. Une version qu’il voit confirmée par une transaction financière effectuée par l’Italienne dans une pâtisserie du quartier. À l’heure du déjeuner, le cardinal Becciu est revenu dans ses appartements où Cecilia Marogna est restée jusqu’à 16h20, heure à laquelle la Sarde est partie définitivement.

Le cardinal avait expliqué le déroulement de cette nuit lors de l’audience du 18 mai dernier, affirmant que Cecilia Marogna était simplement «restée discuter jusqu’à tard» puis qu’au moment de partir, les religieuses qui travaillent dans ses appartements lui avaient dit «qu’elle ne voulait pas retourner à l’hôtel par peur du Covid» et qu’elle avait donc «dormi dans leurs quartiers».

Une version que le commissaire a semblé remettre en cause pendant l’audience, expliquant qu’aucune restriction concernant le Covid-19 n’était en place au moment des faits. Il a aussi affirmé qu’ils avaient des preuves que Cecilia Marogna avait séjourné dans des hôtels quelques jours auparavant en utilisant l’argent de la société Logsic.

3- La Gendarmerie vaticane a travaillé sur des libérations d’otages

Le promoteur de justice a également demandé au commissaire De Santis si lui et la Gendarmerie vaticane avaient dû travailler sur des enlèvements. Le commissaire a acquiescé, expliquant l’avoir fait «avant les événements de Cecilia Marogna» et toujours à la demande du cardinal Becciu qui était alors substitut. Il a insisté sur le fait qu’ils n’avaient pas travaillé à la libération de la religieuse colombienne au Mali pour laquelle le cardinal Becciu et Cecilia Marogna affirment avoir œuvré.

Lors de l’audience du 5 mai, le cardinal Becciu avait expliqué qu’il avait discuté de cette question directement avec le Saint-Père, qui lui avait demandé de n’évoquer cette intervention à personne, pas même au commandant de la gendarmerie vaticane, afin d’éviter «d’exposer le Vatican à une publicité inutile et même nuisible».

4- Le diocèse d’Ozieri n’était pas en difficulté

Le commissaire à mis en cause la version du cardinal Becciu selon laquelle le diocèse d’Ozieri, en Sardaigne, avait besoin d’une aide. Selon lui, les 100’000 euros envoyés par le Saint-Siège en 2018 pour aider la coopérative SPES ont fini sur un compte qui était déjà particulièrement rempli. Le diocèse aurait en effet disposé de 2 millions d’euros disponibles à cette époque, ce qui lui aurait même permis d’investir 400’000 euros quelques mois plus tard.

Le gendarme a aussi souligné qu’un compte administré par la coopérative SPES, gérée par le frère du cardinal, avait été employé pour verser 60’000 euros à une proche du cardinal Becciu. Pour De Santis, le diocèse d’origine du cardinal n’était donc manifestement «pas en difficulté».

5- La défense du cardinal Becciu contre-attaque et vise Mgr Perlasca.

L’avocat du cardinal Becciu a mentionné pour la première fois dans ce procès l’existence d’une coopérative nommée ‘Simpatia’ dont le père de Mgr Perlasca, le témoin clé du procès, était un membre. Il a expliqué que Mgr Perlasca, dans un interrogatoire, avait déclaré que le Saint-Siège avait versé 60’000 euros sur une période allant entre deux et trois ans à cette structure. L’avocat s’est aussi interrogé sur la présence de Mgr Perlasca dans les conseils d’administration de l’hôpital du Bambino Gesu et du fonds de pension du Vatican.

6- Un faux document qu’aurait produit Enrico Crasso

Le promoteur de justice Alessandro Diddi a interrogé le commissaire de la Gendarmerie vaticane sur l’existence d’une fausse lettre au format A4 avec un en-tête du Crédit Suisse – avec un logo et un code barre – qu’Enrico Crassso aurait selon lui forgée. Cette lettre, a expliqué le commissaire, a été utilisée pour permettre deux investissements du Saint-Siège vers deux sociétés – HP Finance et Dexiafin – qui étaient alors contrôlées par Enrico Crasso.

L’audience du 14 octobre sera consacrée à l’audition des témoins Andrea Pozzi et Marco Simeon. (cath.ch/imedia/ic/cd/rz)

Le cardinal Becciu, impliqué dans l'affaire de l'immeuble de Londres, clame son innocence | © Vatican Media
14 octobre 2022 | 11:15
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 5 min.
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