Retro 2023: le pape à l’épreuve de la guerre
La Terre sainte et le conflit russo-ukrainien restent deux épines douloureuses pour le pape François, qui ne cesse, à chaque angélus et chaque audience générale, d’appeler à l’arrêt des combats. Une douleur d’autant plus amère que sur ces deux fronts belliqueux, le pape François et la diplomatie vaticane se sont dépensés toute l’année, et le bilan reste pour l’heure assez infructueux.
Après une première année de tentatives tous azimuts pour la résolution du conflit russo-ukrainien, le pape avait conclu l’année 2022 en sanglots pour le peuple ukrainien, au pied de la Vierge de la place d’Espagne à Rome. En 2023 encore, la diplomatie vaticane ne s’est pas épargnée pour encourager la recherche de la paix, même si sa voix semble rester peu audible.
L’année a vu notamment la première visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky au Vatican depuis le déclenchement de l’offensive russe. Le pontife argentin l’a reçu le 13 mai durant une quarantaine de minutes en privé. Une audience très médiatisée, où les deux dirigeants se sont accordés sur la «nécessité de continuer les efforts humanitaires en soutien à la population». Mais par la suite, le président ukrainien s’est montré peu enthousiaste à l’idée d’une médiation vaticane.
Mission pour les enfants ukrainiens
Quelques jours auparavant, le 30 avril, dans l’avion de retour de la Hongrie, le pape François avait exprimé la disponibilité du Saint-Siège pour une médiation en faveur des enfants ukrainiens enlevés et transférés en Russie. Cette médiation s’est concrétisée avec les voyages du cardinal Matteo Zuppi, président de la Conférence épiscopale italienne, comme envoyé spécial du pape sur ce sujet.
Le prélat italien membre de la communauté Sant’Egidio s’est rendu à Kiev début juin, où il a pu s’entretenir avec le président Zelensky, puis à Moscou pour y rencontrer le patriarche Cyrille, ainsi que la commissaire pour les droits de l’enfant. Il a aussi fait étape à Washington en juillet, où il a été reçu par le président Joe Biden, puis enfin à Pékin mi-septembre.

Mais peu de résultats tangibles sont sortis de cette mission de bons offices. Dans un entretien à L’Osservatore Romano le 1er décembre, le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin indiquait que cette initiative avait permis d’enquêter sur des dizaines d’enfants, et de rapatrier le jeune ukrainien Bogdan Yermokhin, la veille de ses 18 ans, in extremis avant qu’il ne soit obligé de prendre les armes contre son propre pays.
Une source diplomatique contactée par I.MEDIA avait vu dans cette diplomatie parallèle une «mission un peu désespérée», qui avait cependant le mérite d’être «une tentative» vers la résolution.
Terre sainte, une neutralité impossible?
Depuis le raid meurtrier du Hamas en Israël, le 7 octobre, le pape martèle deux messages: faire taire les armes dans la bande de Gaza, et libérer les otages israéliens retenus par le Hamas. Et il n’a cessé d’exprimer son souci de ne pas privilégier l’une ou l’autre partie.
Les visites successives du cardinal Parolin dans les ambassades d’Israël et de Palestine ont ainsi manifesté la sollicitude du pontife pour les deux populations concernées. Dans la même ligne, le 22 novembre, le 266e pape a choisi de recevoir des familles des otages israéliens retenus à Gaza, puis, séparément, des proches de Palestiniens souffrant du conflit à Gaza.
Néanmoins ces événements ont généré confusion et mécontentement, illustrant les difficultés de la diplomatie vaticane à tenir sa ligne de neutralité. Du côté israélien d’abord, une polémique s’est embrasée après que le pape François a déploré durant l’audience générale que les affrontements en Terre sainte ne soient pas «une guerre», mais «du terrorisme», en semblant viser les deux parties du conflit.
L’Association des rabbins italiens est montée au créneau dans un communiqué, reprochant au pontife d’avoir effectué une «acrobatie diplomatique», et critiquant «l’équidistance glaciale» de l’Église catholique. Côté palestinien, une conférence de presse a généré la confusion, entre la délégation affirmant que le pape avait prononcé le mot «génocide» en évoquant la situation de la Palestine, et les démentis immédiats du Vatican, par la voix du directeur du Bureau de presse du Saint-Siège.
Défense de la ligne du Saint-Siège
À la suite de ces controverses, le secrétaire d’État a défendu la ligne du pontife, expliquant que «le Saint-Siège cherche par tous les moyens d’être juste, de tenir compte de la souffrance de tout le monde». Le cardinal Parolin a rappelé que dans l’histoire des conflits, la position prudente des papes avait souvent été incomprise, à l’instar de Benoît XV qui pendant la Première guerre mondiale «a été attaqué des deux côtés parce que lui aussi, disait-on, a une position de neutralité, il ne reconnaît pas l’agresseur et l’agressé».
Le numéro 2 du Vatican a également invité à plusieurs reprises, malgré le peu de résultats dans la recherche de la paix, à ne pas « éder au désespoir et au fatalisme». (cath.ch/imedia/ak/rz)