Russie: Le débat sur Staline se poursuit au sein de l’Eglise orthodoxe russe

Rôle croissant de l’Eglise orthodoxe russe dans le débat public

Moscou, 11 octobre 2009 (Apic) L’Eglise orthodoxe russe s’est prononcée en septembre contre la mise en place d’une phrase faisant l’éloge de Joseph Staline dans une station de métro de Moscou. Dans le même temps, l’Eglise se retrouve prise dans un débat sur l’héritage d’un général de l’armée soviétique qui a rejoint les nazis pour lutter contre le dictateur soviétique.

Ces deux affaires reflètent la confusion qui règne au sein de la société russe au sujet de cette période de l’histoire du XXe siècle, ainsi que le rôle croissant de l’Eglise orthodoxe russe dans le débat public.

Des usagers du métro se sont montrés ravis en voyant les deux phrases sur Staline, mais des militants des droits de l’homme se sont dit choqués lorsque la station de métro Kourskaïa a rouvert le 25 août après une année de restaurations minutieuses. Epelé en lettres dorées dans la rotonde de la station restaurée se trouve une strophe de l’hymne national à l’époque de Staline, tel qu’il était chanté quand la station a ouvert, en 1950.

«Staline nous a élevés — il nous a inspiré la foi dans le peuple, l’effort et les exploits», peut-on lire dans la station de métro. Ces mots avaient été enlevés pendant la période de la déstalinisation qui avait suivi la mort du dictateur et remplacés par un slogan moins controversé sur Vladimir Ilitch Lénine, le leader bolchevik de la révolution russe de 1917.

«C’est la restauration du mythe stalinien, un mythe qu’il a lui-même inculqué, le mythe d’un surhomme à qui nous devons tout dans la vie», a déclaré Arseny Roginski, président de Memorial cité par l’Agence ENI, une organisation qui s’efforce de recenser les crimes soviétiques et d’aider les victimes de la répression.

Le père Vsevolod Tchapline, président du Département des relations entre l’Eglise et la société du Patriarcat de Moscou, a déclaré en septembre lors d’une conférence de presse que les places publiques symboliques «ne sont pas des endroits pour mettre des images et des citations liées aux personnes coupables de la mort d’un grand nombre d’innocents, qui ont exterminé des gens sans chefs d’accusation ni procès».

Au milieu de l’année, le patriarche Kirill Ier de l’Eglise orthodoxe russe et l’archevêque Hilarion de Volokolamsk, qui est à la tête du Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, ont attiré l’attention en condamnant ouvertement les crimes de l’époque stalinienne.

Cependant, le débat sur cette période s’est agité à cause de passages d’un livre, «La tragédie de la Russie», écrit par le père Georgy Mitrofanov, un prêtre historien qui enseigne à l’Académie théologique de Saint-Pétersbourg. Le thème du livre est que la Russie ne pourra pas aller de l’avant tant qu’elle ne règlera pas ses comptes avec son passé.

Le père Mitrofanov évoque l’affaire du général Andreï Vlasov, un militaire de l’armée soviétique qui a été fait prisonnier par les nazis puis a fait allégeance au camp allemand pour mener une armée de déserteurs et d’émigrés de l’URSS qui espéraient renverser Staline. Le général Vlasov avait étudié dans un séminaire orthodoxe russe avant la révolution bolchevik.

Le livre raconte que le général a pris la décision de lutter contre Staline pour se repentir d’avoir servi le régime soviétique. Il a été exécuté en Union soviétique après la seconde guerre mondiale.

De nombreux commentateurs orthodoxes se sont déchaînés contre le livre du père Mitrofanov et d’autres membres du clergé l’ont également pris à partie.

Le père Tikhon Chevkounov, abbé du monastère Sretensky à Moscou, a déclaré dans le journal Izvestiya le 15 septembre que la collaboration «n’est tout simplement pas un débat historique, mais l’un des dangers les plus sérieux, consciemment ou inconsciemment attisé en Russie aujourd’hui.»

Le Synode des évêques de l’Eglise orthodoxe russe hors frontières, un groupe émigré autrefois farouchement antisoviétique qui a été réunifié avec le Patriarcat de Moscou en 2007 avec le soutien du président d’alors, Vladimir Poutine, a publié un communiqué en septembre prenant fait et cause pour le général Vlasov.

L’Eglise a indiqué que le général «était et reste une sorte de symbole de la résistance au bolchévisme athée au nom du renouveau de la Russie historique». Parmi les membres de l’Eglise orthodoxe russe hors frontières se trouvent des survivants de l’armée du général Vlasov et leurs descendants.

Selon des documents soviétiques déclassifiés, près de 700’000 personnes ont été mises à mort pendant les purges staliniennes. Les historiens occidentaux estiment que plus d’un million de personnes sont mortes en détention ou en captivité sous Staline. (apic/eni/pr)

11 octobre 2009 | 10:48
par webmaster@kath.ch
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