Le cas Edgardo Mortara au cœur de la polémique
Rome: Campagne de presse contre Pie IX à la veille de sa béatification
Rome, 28 juillet 2000 (APIC) Le pape Pie IX est au cœur d’une polémique. Et sa béatification ne plaît pas à tout le monde. A la veille de sa béatification, le 3 septembre, 122 ans après sa mort, une campagne de presse a été lancée contre Giovanni Maria Mastai Ferretti (1792-1878), le pape Pie IX. Ce dernier sera béatifié en compagnie d’un autre pape: Jean XXIII.
Les critiques ont commencé à se répandre lors de la publication du livre de John Cornwell «Le Pape de Hitler». L’auteur accuse Pie IX, Pie XII et Jean-Paul II d’être les papes les plus autoritaires de l’histoire. Cornwell attaque Pie IX pour la proclamation des dogmes de l’Immaculée Conception et de l’infaillibilité du pape.
Accusations d’antisémitisme
Début mai, l’agence de presse italienne ADISTA publie un dossier intitulé «La légende du saint ravisseur» qui recueille les anciennes polémiques sur le cas Edgardo Mortara, l’enfant juif qui, à l’âge de deux ans, risqua de mourir pour avoir été baptisé en cachette par une personne qui le connaissait. L’enfant ne mourut pas mais son histoire posa un problème à l’Eglise de l’époque: que faire de cet enfant baptisé que ses parents ne voulaient pas éduquer dans la foi catholique? L’Eglise décida de s’occuper directement de son éducation, contre l’avis des parents. En 1873, le jeune Edgardo Mortara devint prêtre. Beaucoup utilisèrent ensuite cette histoire pour accuser le pape d’antisémitisme.
La polémique sur le cas Mortara a été relancée par le «Washington Post», le 22 juin, et les accusations reprises le 27 juin par l’Union des Communautés Juives Italiennes (UCEI) dans le cadre d’un congrès. Amos Luzzatto, président de l’UCEI, déclara: «Nous ne voulons pas entrer dans le procès de béatification de Pie IX: ceci est de la compétence exclusive de l’Eglise. Mais il est clair que cette décision aura des conséquences sur nos relations avec le Vatican».
Le mouvement «Nous sommes l’Eglise», qui réclame l’ordination sacerdotale des femmes, l’abolition du célibat sacerdotal et l’acceptation du divorce, s’est également prononcé contre la béatification de Pie IX. Dix-neuf théologiens, qui ont à d’autres occasions contesté le magistère de l’Eglise, parmi lesquels figurent Hans Küng, Hermann Häring et Edward Schillebeeckx ont demandé que l’Eglise catholique renonce à la béatification de Pie IX.
La réponse du Vatican
La Congrégation pour les causes des saints, qui a mené une longue enquête, a déclaré qu’elle n’avait pas de doutes sur la bonté des actions de Pie IX.
Le 7 février dernier, Mgr José Saraiva Martins, préfet de la Congrégation, déclarait: «Comme prêtre, comme évêque et comme pape, ce serviteur de Dieu semblait être, et fut réellement un `homme de Dieu’, un homme qui priait avec assiduité, sans autre désir que de tout faire pour la gloire de Dieu, le bien de l’Eglise et le salut des âmes; il ne cherchait qu’une chose: faire la volonté de Dieu, quelles que soient les souffrances qu’il devait endurer».
«La sainteté du pape Pie IX est liée aux événements les plus connus de son pontificat», a expliqué Mgr Saraiva Martins dans l’homélie de la messe anniversaire de la mort de Pie IX, le 7 février dernier, ajoutant que Pie IX serait béatifié exclusivement pour les mérites religieux qui caractérisent son ministère en tant que pape. «Son action dans la préparation et la formation du clergé a été décisive, il s’est beaucoup penché sur la vie religieuse, il a fondé l’Action Catholique, il a convoqué le Concile Vatican I, proclamé les dogmes de l’Immaculée Conception et de l’infaillibilité du pape».
En ce qui concerne les accusations d’antisémitisme, Mgr Carlo Liberati, de la Congrégation pour les causes des saints, a déclaré, dans deux interviews accordées aux quotidiens italiens «Corriere delle Sera» et «Avvenire», que Pie IX fut «le promoteur de la libération des juifs du ghetto. Dans la nuit du 17 au 18 avril 1848, il ordonna d’abattre les portes du ghetto. Il fit supprimer les tâches indignes et humiliantes qui éétaient assignées aux juifs. Il déclara que ce n’était pas des `étrangers’ et ordonna la mise en place de patrouilles chargées de les protéger contre une révolte populaire qui éclata effectivement contre cette émancipation du ghetto».
S’agissant du cas Edgardo Mortara, Mgr Liberati a déclaré que «ce dont personne ne veut jamais se souvenir, c’est que lorsque Edgardo Mortara atteint l’âge de l’adolescence, on le laissa libre de rentrer chez lui. Il a passé un mois avec ses parents mais ensuite il a décidé de rester à Rome et de devenir prêtre. Une fois prêtre, il s’est réconcilié avec ses parents. Edgardo Mortara fut l’un des premiers témoins qui se sont prononcés en faveur de la béatification de Pie IX, en faisant une déposition dans le procès canonique».
Pour ce qui est de la question de la perte du pouvoir temporel des papes, Pie IX ne se souciait pas de perdre le pouvoir mais du fait que l’Eglise aurait été à la merci d’un Etat. «Il s’opposait aux régimes politiques qui, en dehors de l’Italie – par exempl au Mexique et au Portugal – persécutait l’Eglise et lui imposait le silence». (apic/zn/pr)