Rome: Canonisation Place St-Pierre d’Edith Stein: juive, athée, moniale

«Parce que juive, Edith Stein fut déportée et mourut à Auschwitz»

Rome 11 octobre 1998 (APIC) Le 9 août, date de la fête de sainte Edith Stein, en religion sœur Thérèse Bénédicte de la Croix, sera l’occasion pour les catholiques de faire mémoire d’année en année de la Shoah, «ce terrible plan pour éliminer un peuple, un plan qui a coûté la vie à des millions de frères et soeurs juifs», a souligné dimanche Jean Paul II. Lors de la canonisation place St-Pierre le pape n’a pas hésité à mettre au premier plan l’appartenance de la nouvelle sainte au peuple juif et le fait que c’est parce qu’elle était juive qu’elle a été déportée et mise à mort à Auschwitz le 9 août 1942. «

Lors de la célébration de canonisation de la carmélite le pape a lancé, place Saint-Pierre, un «cri» à l’adresse de «tous les hommes et les femmes de bonne volonté», à «tous ceux qui croient dans le Dieu éternel et juste». Que plus jamais une tragédie comme celle de la Shoah ne se reproduise. «Pour l’amour de Dieu et de l’homme, encore une fois, j’élève la voix pour crier : que jamais plus une initiative aussi criminelle ne se reproduise pour aucun groupe ethnique, aucun peuple, aucune race, nulle part dans le monde!»

Parce que juive, Edith Stein fut déportée, rappelle le pape, avec sa soeur Rosa [baptisée en 1936 et membre du tiers ordre carmélitain, ndlr], et de nombreux autres Juifs des Pays-Bas, au camp de concentration de Auschwitz, où elle a trouvé la mort avec eux dans les chambres à gaz. De tous nous faisons aujourd’hui mémoire avec un profond respect».

La carmélite ne voulut tirer en ce temps de persécution aucun avantage de son baptême, insiste le pape. «Quelques jours avant sa déportation, la religieuse avait répondu à qui lui offrait de faire quelque chose pour lui sauver la vie: ’N’en faites rien! Pourquoi devrais-je faire exception? N’est ce pas précisément justice que je ne puisse tirer aucun privilège de mon baptême? Si je ne peux pas prendre part au sort de mes soeurs et frères, ma vie est comme détruite’».

Pour Jean Paul II le témoignage d’Edith Stein doit donc servir «à rendre toujours plus solide le pont de la compréhension réciproque entre juifs et chrétiens».

Qui cherche la vérité, cherche Dieu

Le pape fixe le point de départ: de l’itinéraire intérieur de la sainte philosophe, dans son éducation juive croyante, et sa grande aspiration à la liberté, accompagné d’une grande soif de la vérité. «Qui cherche la vérité, consciemment ou non, cherche Dieu»., disait Edith Stein.

Jean Paul II s’adresse alors aux jeunes chrétiens: «Gardez-vous, dit-il, de concevoir votre vie comme une porte ouverte à tous les choix! Ecoutez la voix de votre coeur! Ne restez pas à la superficie, mais allez au fond des choses! Et quand ce sera le moment, ayez le courage de vous décider! Le Seigneur attend que vous mettiez votre liberté dans ses mains miséricordieuses!»

Il les invite aussi à imiter la passion d’Edith Stein pour la vérité, sans jamais l’opposer à l’amour. «A notre époque, on confond souvent la vérité avec l’opinion du plus grand nombre. Et l’on a souvent la conviction que l’on doive servir la vérité contre l’amour ou vice versa. Mais la vérité et l’amour ont besoin l’une de l’autre». Soeur Thérèse Bénédicte en est témoin. «Martyre par amour», elle a donné sa vie pour ses amis. Elle nous dit: «N’acceptez rien comme vérité si manque l’amour. Et n’acceptez rien comme de l’amour si la vérité manque».

«Beaucoup de nos contemporains voudraient faire taire la croix»

Quant au martyre de la sainte, le pape revient à son amour de la Croix du Christ dont elle a choisi de porter le nom, «Beaucoup de nos contemporains voudraient faire taire la Croix…. le vrai message de la souffrance est une leçon d’amour. L’amour rend la souffrance féconde et la souffrance approfondit l’amour», explique Jean Paul II

C’est dans cette expérience, que la sainte a pu faire une nouvelle «rencontre du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, Père de Notre-Seigneur Jésus Christ… Mûrie à l’école de la Croix, elle découvrit les racines auxquelles était lié l’arbre de sa propre vie. Elle comprit qu’il était pour elle très important d’être ’fille du peuple élu et d’appartenir au Christ non seulement spirituellement mais par les liens du sang’».

Le chancelier allemand Helmut Kohl et le premier ministre polonais

Parmi l’assistance cosmopolite venue à Rome, le pape a salué nommément le chancelier allemand sortant, Helmut Kohl, ainsi que le premier ministre polonais Jerzy Buzek. Outre les membres de la famille du Carmel, très nombreux, on a noté la présence entre autres des cardinaux, Friedrich Wetter, archevêque de Munich et Freising; Henryk Roman Gulbinowicz, archevêque de Wroclaw (Breslau, ville natale d’Edith Stein); Joachim Meisner, de Cologne; Franciszek Macharski, de Cracovie, et de nombreux évêques.

Une autre présence remarquée à l’autel, a été celle du Père Emmanuel Charles MacCarthy, prêtre de rite melkite catholique (qui connaît des prêtres mariés), dont la fillette âgée alors de deux ans et demi a été miraculeusement sauvée en 1987 par l’intercession la nouvelle sainte d’un empoisonnement massif après l’absorption de produits toxiques. Ce miracle reconnu par la Congrégation pour les causes des saints en avril 1997 avait définitivement ouvert la voie à la canonisation de la carmélite.

Concert au Vatican

Un concert a eu lieu dimanche soir salle Paul VI, à l’occasion de la canonisation de Edith Stein et des 20 ans de pontificat de Jean-Paul II, et en sa présence, avec la participation du choeur de la Mitteldeutscher Rundfunk. De nombreux représentants de la communauté juive, en particulier des Etats-Unis, et de membres de la famille de Edith Stein, que Jean-Paul II a salué particulièrement, ont pris part à la manifestation. (apic/imed/mp)

27 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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