Il rappelle depuis 40 ans les positions éthiques de l’Eglise

Rome: Entretien avec le père Gino Concetti, théologien moral de ’L’Osservatore Romano’

Antoine Soubrier correspondant de l’agence APIC à Rome,

Rome, 1er juillet 2001 (APIC) Dans sa bure marron de franciscain, le père Gino Concetti, 74 ans, semble bourré d’énergie. Petit Italien du nord, il ne se laisse pas marcher sur les pieds et reste ferme dans ses positions. Parfois même, il n’hésite pas à remettre des personnalités politiques à leur place par des propos durs. Un caractère, en somme, qui convient à son travail de théologien moral du Vatican. Il est en effet chargé depuis près de 40 ans, de rappeler régulièrement dans ’L’Osservatore Romano’ la position de l’Eglise sur les sujets touchant notamment à la bioéthique ou au respect de la vie. APIC l’a rencontré.

«Après mes études de journaliste, j’ai commencé à travailler à l’Avvenire d’Italia, le journal catholique italien. Mon directeur de l’époque a été nommé par Jean XXIII directeur du quotidien du Saint-Siège. C’est alors qu’il m’a appelé pour continuer à travailler avec lui. Je suis donc arrivé en 1964», rappelle Gino Concetti au sujet de sa trajectoire journalistique et de son arrivée au quotidien du Vatican. «En 1968, le cardinal Jean Villot, secrétaire d’Etat du Vatican, m’a demandé de m’occuper plus particulièrement des questions touchant à la morale. Je m’étais déjà beaucoup intéressé à la bioéthique».

Q: En quoi votre travail consiste-t-il exactement ?

G. Concetti: Je suis chargé de réagir au nom du journal, et non pas au nom du Saint-Siège comme certains l’entendent, pour rappeler la position de l’Eglise sur des sujets comme l’avortement, l’euthanasie, la peine de mort, ou encore, ce qui m’est arrivé récemment, sur la ’pilule du lendemain’.

Mon premier article concernait la peine de mort, suite à une exécution aux Etats-Unis. Je me souviens qu’à l’époque, j’étais le premier à prendre ouvertement position contre la peine de mort au sein de la curie romaine, ce qui m’a valu de nombreuses réactions de la part des conservateurs. Le substitut de la secrétairerie d’Etat, Mgr Benelli, m’a même fait parvenir, dès le lendemain, un «monitum», une mise en garde, m’ordonnant de ne plus écrire d’articles sans les faire vérifier par la secrétairerie d’Etat. Cela a duré 7 ou 8 mois, jusqu’à son départ.

Ensuite, ma deuxième bataille a concerné l’avortement. Le représentant italien près l’UNESCO, Buzzatti Traverso, avait présenté à Paris un projet de loi visant à l’instauration d’une carte pour limiter le nombre d’enfants par femme. J’avais alors écrit un article pour dénoncer le caractère aberrant et dégradant de ce projet qui n’a heureusement jamais abouti. Ensuite, suivant l’évolution de la société, j’ai été amené à traiter de sujets tels que l’insémination artificielle, la fécondation in vitro, ou encore plus récemment, les expériences sur des embryons avec des cellules staminales, c’est-à-dire suffisamment jeunes pour être manipulées.

Q: Avez-vous des réactions suite à la publication de vos articles ?

G. Concetti: Oui, et pas des moindres! Au sujet de l’homosexualité, par exemple, le chef du groupe homosexuel de Rome a déclaré il y a quelques jours que j’avais écrit 25 articles touchant à l’homosexualité, précisant que s’il me rencontrait dans la rue, il m’étranglerait !

Il y a eu aussi la ministre française de la santé qui m’a écrit au mois de janvier dernier, suite à mon article dénonçant la légalisation en France de la ’pilule du lendemain’. Elle voulait me démontrer que cette pilule n’est pas abortive. Je lui ai répondu ce que j’en pensais !

Q: Comment choisissez-vous les occasions de réagir ?

G. Concetti: Nous réagissons quand une grande partie des journaux internationaux reprennent une décision au niveau de la loi dans un pays. Au début de l’année, on a dû réagir à plusieurs reprises, lorsqu’un ministre italien a proposé la libéralisation de la drogue faisant beaucoup de remous chez les politiques italiens. Mais en général, nous décidons lors des conférences de rédaction.

Q: Pourquoi avoir choisi ’L’Osservatore Romano’ ?

G. Concetti: Parce que c’est un journal atypique. Alors que des journaux nationaux ont tous des «idées politiques», le quotidien du Saint-Siège, lui, se veut plus une autorité morale. C’est pourquoi nous mettons l’accent sur l’information de l’Eglise, alors que pour l’information générale, nous réutilisons simplement des dépêches d’agences.

Q: Est-ce le journal officiel du Saint-Siège ?

G. Concetti: Surtout pas ! Même si on retrouve de temps en temps des articles signés avec trois étoiles, ce qui veut dire «signé par une grande autorité», ’L’Osservatore Romano’ n’est en aucun cas le journal officiel du Saint-Siège. On dirait plutôt «officieux». Les seules informations officielles que nous publions sont les annonces de nomination d’évêques ou de décès, qui sont d’ailleurs les lignes les plus lues dans le journal !

Q: Qui sont vos principaux lecteurs ?

G. Concetti: Ce sont des catégories très spécifiques de personnes. On a tout d’abord les évêques, intéressés par ce qui se passe au Vatican, puis ceux qui ont un intérêt propre, comme les pèlerins qui veulent retrouver le discours du pape qu’ils ont entendu lors de leur passage à Rome, ou encore les journalistes, en particulier pour mes articles qui sont souvent repris dans les journaux internationaux ! En fait, j’ai l’impression que peu de personnes lisent ’L’Osservatore Romano’, mais que tout le monde le connaît par les journaux internationaux Et puis il y a également les ambassadeurs auprès du Saint-Siège ou les membres de la curie romaine. En tout, avec les sept éditions, en italien, français, espagnol, portugais, anglais, allemand et polonais, on tire à environ 100’000 exemplaires.

Q: Avec l’arrivée d’Internet et notamment du site officiel du Vatican, ne peut-on pas craindre une diminution de l’intérêt porté au journal ?

G. Concetti: Sûrement pas! ’L’Osservatore Romano’ restera toujours indispensable. Et puis, peut-on imaginer un Etat sans journal d’information ? (apic/imed/as/bb)

1 juillet 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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