Rome: exhortation apostolique du pape Jean Paul II (070492)
«Pastores dabo vobis»
La formation des prêtres dans les circonstances actuelles
Rome, 7avril(APIC) Le pape Jean Paul II a publié mardi une exhortation
apostolique sur «la formation des prêtres dans les circonstances actuelles». Intitulée «pastores dabo vobis» (je vous donnerai des pasteurs) cette
exhortation reprend en détail le thème du synode des évêques d’octobre
1990. Ce document de 230 pages est articulé en 6 chapitres. Il s’agit pour
le pape de «recueillir le fruit des travaux synodaux» et «de préciser quelques points acquis, de désigner les objectifs auxquels on ne peut renoncer,
et de mettre à la disposition de tous la richesse des itinéraires de formation déjà expérimentés de manière positive». Si la règle du célibat sacerdotal est réaffirmée, le document insiste aussi sur la nécessité d’une solide formation humaine, spirituelle et intellectuelle ainsi que sur l’importance des stages pastoraux.
Une brève introduction décrit les circonstances actuelles qui justifient
le thème du synode des évêques et de l’exhortation apostolique. «Les nouvelles générations d’appelés au sacerdoce ministériel présentent des caractéristiques différentes de celles de leurs prédécesseurs immédiats et vivent dans un monde nouveau sous bien des aspects, en continuelle et rapide
évolution.»
L’évangile aujourd’hui: espoirs et obstacles
Dans un premier chapitre, le pape décrit le monde nouveau. Il relève les
nombreux facteurs qui dénotent une «nouvellle ouverture aux valeurs religieuses, à l’Evangile et au ministère sacerdotal» qui offrent des «possibilités nouvelles et inespérées», mais aussi des éléments problématiques ou
négatifs comme le rationalisme, le subjectivisme ou encore un athéisme pratique: «On n’a plus besoin de combattre Dieu, on se passe tout simplement
de lui.»
Dans les milieux d’Eglise également, le pape observe des «phénomènes inquiétants et négatifs» comme l’ignorance religieuse, la faible influence de
la catéchèse étouffée par les médias, un pluralisme mal compris, «la persistance d’une méfiance et d’une quasi intolérance envers le magistère» des
interprétations réductrices du message évangélique conduisant à un relativisme encore aggravé par l’individualisme. Une appartenance à l’Eglise devenue de plus en plus partielle et conditionnelle a ainsi une influence négative sur l’éclosion de nouvelles vocations au sacerdoce, sur la conscience que le prêtre a de son identité et sur son ministère dans la communauté.
Ces phénomènes affectent particulièrement les jeunes «victimes d’une interprétation individualiste, matérialiste et hédoniste de la vie», qui se
répercute spécialement dans une conception de la sexualité réduite à un
bien de consommation. Les jeunes risquent d’être abandonnés à eux-mêmes,
«insatisfaits et critiques face à un monde d’adultes, qui ne vivant pas
leur foi de façon cohérente et mûre, ne se présentent pas comme des modèles
crédibles.
Face à cette situation complexe, Jean Paul II invite «au discernement
évangélique» qui est «un devoir, un défi pour la liberté responsable, soit
de la personne seule, soit de la communauté». Ce défi est lié a un appel de
Dieu à faire en sorte que «’l’Evangile de la vocation et du sacerodce’ exprime la perénnité de la vérité dans les circonstances changeantes de la
vie.»
Un don spécifique, un appel spécifique à la sainteté
Dans le deuxième chapitre, Jean Paul II invite à une connaissance profonde de la nature et de la mission du sacerdoce ministériel. Cela est nécessaire pour sortir de la crise de l’identité du prêtre «née d’une interprétation erronée et parfois même volontairement tendancieuse de la doctrine conciliaire» et qui est «une des causes d’un grand nombre de défections
subies alors par l’Eglise».
Le prêtre trouve la pleine vérité de son identité, souligne le pape,
dans «une participation spécifique et une continuation du Christ lui-même».
Le sacerdoce ministériel n’est pas en soi un degré de sainteté plus élévé
que le sacerdoce commun des fidèles, mais c’est un «don spécifique».
A ce don spécifique correspond un appel spécifique à la sainteté, le pape dans le troisième chapitre consacré à la vie spirituelle du prêtre. Le
principe en est la charité pastorale «don total de soi-même à l’Eglise».
D’où un rapport intime entre la vie sprituelle du prêtre et son ministère
en particulier la célébration des sacrements. Le pape souligne la place
centrale de l’Eucharistie comme «principe de sainteté et appel à la sanctification».
Les exigences évangéliques s’imposent au prêtre en particulier «l’obéissance apostolique qui reconnait, aime et sert l’Eglise dans sa structure
hierarchique». A propos du célibat «à cause du règne de Dieu», le pape rapelle que les évêques présents au synode se sont exprimés «avec clarté et
avec force» pour dire «que la chasteté parfaite dans le célibat sacerdotal
est un charisme» et qu’elle constitue «un don insestimable de Dieu à
l’Eglise et représente une valeur prophétique pour le monde actuel».
L’Eglise a la volonté de «maintenir la loi qui exige le célibat librement
choisi et perpétuel pour les candidats à l’ordination dans le rite latin».
Dans le quatrième chapitre, l’exhortation situe la vocation sacerdotale
dans la pastorale, en mettant en évidence le lien entre la grâce divine et
la responsabilité humaine. L’histoire de toute vocation est «l’histoire
d’un ineffable dialogue entre Dieu et l’homme». Le pape évoque alors les
obstacles à la réponse de l’homme: Une vision erronée de Dieu dont la volonté est conçue comme un destin immuable et inéluctable auquel l’homme n’a
qu’à se résigner ou s’adapter en pleine passivité». Vision fausse de l’homme aussi qui le conduit à comprendre sa vie et sa liberté «comme totalement
déterminées et conditionnées par des facteurs externes d’ordre éducatif,
psycologique, culturel et social.» Une liberté entendue en des termes absolus, une tendance à penser que le rapport de l’homme avec Dieu relève de
l’intimisme et de l’individualisme, «comme si l’appel de Dieu était adressé
à chaque personne de manière directe sans aucune médiation communautaire et
comme s’il avait pour objectif un avantage ou même le salut pour chaque
candidat et non pas le don total de lui-même fait à Dieu, pour le service
de la communauté». la menace est alors de ne plus reconnaître la dimension
ecclésiale de toute vocation chrétienne.
Le pape en vient alors aux contenus et au moyens de la pastorale des vocations: la prière comme base indispensable, la célébration de la liturgie
la prédication et la catéchèse et l’accompagnement individuel, dont le pape
souhaite qu’on redécouvre la grande tradition. Avec le synode il invite à
une prédication directe qui «dissipe les doutes, combat les idées unilatérales et déviées sur le ministère sacerdotal, ouvre également les coeurs
des croyants à l’attente du don et crée des conditions favorables pour la
naissance de nouvelles vocations». Le pape souligne combien il est urgent
que ce répande la conviction que ce sont «tous les membres de l’Eglise,
sans en exclure aucun, qui ont la grâce et la responsabilité du souci des
vocations».
La formation sacerdotale
En traitant de la formation au sacerdoce, le pape précise que dans des
modalités différentes, l’esprit qui l’anime est le même: «mener au sacerdoce seulement ceux qui y sont appelés». Le séminaire est plus qu’un lieu, il
«est un itinéraire de vie, une atmosphère» qui doit permettre à celui que
Dieu appelle de devenir «une image vivante de Jésus-Christ, tête et pasteur
de l’Eglise».
la formation humaine est une base indispensable de la formation sacerdotale. Le pape relève la particulière importance de la relation avec les autres, à une époque où beaucoup souffrent de la solitude, et donc d’une maturité affective et sexuelle qui ouvre à l’amour vrai. La vie communautaire
du séminaire doit favoriser cette éducation à une liberté mûre.
Dans la vie spirtiuelle s’impose l’exigence «d’une vie intimement unie
au Christ». L’exhortation indique trois chemins dans la recherche de Dieu,
la méditation fidèle de la Parole, la participation active aux sacrements
de l’Eglise – le pape souligne la place centrale de l’eucharistie et souhaite que les séminaristes y participent chaque jour – et enfin le service
de la charité à l’égard «des petits». Jean Paul II rappelle à ce propos
l’option préférentielle pour les pauvres.
Concernant le célibat, il importe qu’il soit présenté au séminaire «avec
clarté, sans aucune ambiguité et de façon positive». Le candidat doit avoir
«un degré suffisant de maturité physique et sexuelle et une vie assidue de
prière» et se placer sous la direction d’un père sprituel. Ce qui lui permettra de prendre une «décision mûre et libre». «Il est nécessaire qu’il
connaisse la nature chrétienne et vraiment humaine de la sexualité dans le
mariage et dans le célibat ainsi que sa finalité». L’exhortation rappelle
en outre que les laïcs doivent aussi être instruits «des motifs évangéliques, spirituels et pastoraux qui justifient le célibat sacerdotal, de façon qu’ils aident les prêtres de leur amitié, de leur compréhension et de
leur collaboration».
La formation intellectuelle
La formation intellectuelle est rendu plus urgente par le défi de la
nouvelle évangélisation, souligne le pape, mais aussi par les interrogations nouvelles suscitées par les découvertes scientifiques et technologiques ainsi que par le pluralisme. L’étude de la philosophie et les sciences
humaines tendra vers un exercice aussi «incarné» que possible du ministère
pastoral. La théologie qui «provient de la foi et entend conduire à la
foi», doit aider le candidat à «posséder une conception des vérités révélées par Dieu en Jésus-Christ, et de l’expérience de la foi de l’Eglise qui
soit complète et unifiée». Rappelant les difficultés dans le domaine, le
pape a souhaité une claire distinction «entre la doctrine commune de
l’Eglise et les opinions des théologiens, ainsi que les tendances qui passent,(les modes)».
Le synode a souligné également la nécessité «que soit appliqué dans les
séminaires et les maisons de formation le programme fondamental des études
qu’il s’agisse du programme universel ou de celui des différents pays ou
Conférences épiscopales. Le pape combat la tendance à abaisser le niveau et
le sérieux des études, qui se manifeste dans certains secteurs de l’Eglise
et qui est due en partie aux faiblesses et «aux lacunes de la formation intellectuelle de base reçue par les étudiants». «La situation actuelle exige
que les maîtres «soient en mesure d’affronter avec compétence, clarté et
profondeur d’argumentation les questions sur le sens posées par les hommes
d’aujourd’hui, questions auxquelles seul l’Evangile de Jésus Christ apporte
une réponse pleine et définitive».
Concernant la formation pastorale le pape suggère que les stages soient
un «vrai noviciat pastoral» qui dure un certain temps et soit évalué de façon méthodique. La conscience que l’Eglise est «communion» préparera le
candidat à une «pastorale communautaire en collaboration avec tous les membres de l’Eglise, en particulier les laïcs.
L’attention au candidat
Les contenus et les formes de la formation exigent que le grand séminaire ait une programmation précise qui soit «sans hésitation ni flottement au
service de sa finalité spécifique… la préparation des futurs prêtres».
Des normes particulières doivent ordonner la vie communautaire en fixant
des moyens et des rythmes temporels précis.
Sous un autre aspect, il s’agit d’accompagner «des personnes concrètes
qui vivent dans l’histoire, qui marchent vers des choix et vers l’adhésion
à certains idéaux de vie». Cela exige une sage souplesse qui signifie amour
véritable et respect sincère pour celui qui avance vers le sacerdoce dans
ses dimensions personnelles.
Dans ce sens il convient d’introduire «diverses modalités de formation
qui doivent répondre aux besoins des peuples de culture dite autochtone,
aux besoins des vocations d’adultes, des vocations pour les missions, etc».
Propédeutique
Vu le constat de l’écart entre le style de vie et la préparation de base
des jeunes et les exigences du séminaire, le synode a rappelé les qualités
requises pour l’entrée au séminaire: intention droite, maturité humaine
suffisante, assez ample connaissance de la doctrine de la foi, initiation à
la prière et style de vie conforme aux exigences chrétiennes. La connaissance de la foi étant souvent lacunaire, le pape invite à prolonger la phase actuelle d’expérimentation d’une formation propédeutique ou préparatoire
au séminaire.
Le document parle aussi des petits séminaires et des autres formes d’accompagnement des vocations. Il évoque à ce porpos le phènomène réconfortant
des vocations nées à l’âge adulte. Comme «il n’est pas toujours possible,
ni même opportun bien souvent» de leur proposer l’itinéraire du séminaire,
il préconise de présenter après un soigneux discernement de l’authenticité
de la vocation «quelque forme spécifique d’accompagnement et de formation,
de manière à assurer moyennant les adaptations voulues, l’indispensable
formation spirituelle et intellectuelle.»
Les protagonistes de la formation sacerdotale
Le cinquième chapitre s’intéresse aux protagonistes de la formation sacerdotale: L’Eglise, les évêques, la communauté éducative du séminaire – où
la participation des laïcs hommes et femmes peut apporter «une saine influence de la spiritualité laïque et du charisme de la féminité» – les professeurs de théologie, la famille, la paroisse, les mouvements de jeunes et le
candidat lui-même. Au sujet des candidats issus des mouvements de jeunes,
le document précise qu’ils ne devront pas se sentir invités à se déraciner
de leur passé, ni à gommer la spiritualité qu’ils y ont reçue.
Le sixième et dernier chapitre est consacré à la formation permanente
des prêtres, Jean Paul II rappelle qu’elle «doit être présente dans la vie
des prêtres à tout âge et dans toute condition de vie, quel que soit le
niveau de responsabilité ecclésiale». Le pape souligne aussi l’importance
des familles en particulier la famille du prêtre lui-même «qui peut offrir
à sa mission une contribution originale et précieuse». Au titre de formation permanente le pape cite: les rencontres avec l’évêque, les rencontres
de spritualité sacerdotales, les rencontres d’étude et de réflexion, les
différentes formes de vie commune, les associations sacerdotales et la pratique de la direction spirituelle.
Dans la dernière page du document le pape appelle encore à faire croitre
«une tendre et solide dévotion envers la Vierge Marie, à la manifester en
imitant ses vertus et en la priant fréquemment.» (apic/cip/mp)