Le Doyen souhaite au pape de

Rome: Fond de rumeurs à l’audience du pape accordée au corps diplomatique

nombreuses années comme successeur de Pierre.

Rome/Mayence, 10 janvier 2000 (APIC) Mgr Karl Lehmann, président de la Conférence épiscopale allemande, a démenti dimanche soir avoir tenu des propos concernant la démission de Jean Paul II. La presse italienne, notamment, y ayant largement fait écho, le Vatican a répondu en citant les voeux adressés au pape par le corps diplomatique à l’occasion de la traditionnelle cérémonie d’échange des voeux de Nouvel An.

Les inégalités sociales dans le monde, le fossé entre riches et pauvres, les conflits et les violences, les problèmes de société… Jean Paul II a fait un large tour d’horizon du monde et de ses problèmes en recevant lundi les ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège, à qui il a demandé de prendre leurs responsabilité pour un millénaire plus solidaire. Un discours qui est tout d’abord passé au second plan, avec l’empressement du Saint-Siège à faire figurer au dernier moment dans son bulletin officiel l’intervention du Doyen des diplomates, faite au nom de ses collègues. Une intervention qui a résonné comme un démenti à une éventuelle démission du pape, portée à la une de l’actualité, après les propos prêtés à l’évêque allemand Karl Lehmann.

L’ombre des déclarations prêtées à Mgr Karl Lehmann, président de la Conférence des évêques d’Allemagne, au sujet d’une éventuelle démission de Jean Paul II a en effet pesé lundi à Rome au cours de l’audience accordée par le pape au corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège. Et les vœux du Doyen des diplomates présents au Vatican, l’ambassadeur de Saint-Marin, ont retenti comme une mise au point, par diplomatie interposée, en déclarant, au nom de ses collègues, souhaiter au pape «encore de nombreuses années comme successeur de Pierre».

«Nous avons besoin de vous pour nous inviter à marcher avec vous à la suite du Christ, et pour nous communiquer votre dynamisme», a précisé l’ambassadeur de Saint- Marin, alors que le pape recevait les diplomates dans la «salle royale» du Palais apostolique, pour leur adresser son discours traditionnel de voeux de début d’année.

Comme une réponse…

Ajoutée au dernier moment, cette phrase de l’ambassadeur de la République de Saint-Marin près le Saint-Siège a été publiée à part dans un bulletin officiel du Saint-Siège, après le déroulement de l’audience. Elle est apparue à beaucoup comme une réponse à la large couverture donnée le matin même par la presse aux propos de Mgr Karl Lehmann, évêque de Mayence, à qui l’on prête d’avoir évoqué la possibilité d’une démission de Jean Paul II à l’approche de ses 80 ans, du fait que sa santé décline avec l’âge et la maladie. Des propos que Mgr Lehmann dément aujourd’hui, en accusant les médias de se laisser aller à des «convoitises sensationnalistes».

«Ni le mal ni la mort n’auront le dernier mot»

«Le siècle qui s’ouvre devra être celui de la solidarité», a pour sa part déclaré le pape dans son discours en français. En ce début d’année, Jean Paul II a voulu rendre les gouvernements politiques attentifs à leur responsabilité dans la construction d’un monde solidaire. Car ils peuvent, a-t-il souligné, «par leurs options personnelles et par leurs programmes d’action, orienter des sociétés entières vers la vie ou vers la mort».

Jean Paul II s’est présenté comme «le compagnon de route de plusieurs générations du siècle qui vient de s’achever», qui a ainsi «partagé les dures épreuves de son peuple d’origine comme les heures les plus sombres vécues par l’Europe «. Depuis plus de 21 ans, en tant que Successeur de Pierre, il «se sent investi d’une paternité universelle qui embrasse tous les hommes et les femmes de ce temps, sans distinction aucune».

Des leçons du passé n’ont pas été tirées

Jean-Paul II a fait aux ambassadeurs une «confidence»: «Alors que se sont ouvertes les portes d’un nouveau millénaire, le pape se prend à penser que les hommes pourraient finalement apprendre à tirer les leçons du passé». Car des erreurs du passé se répètent aujourd’hui: «réflexes identitaires», persécutions pour des motifs religieux, recours «fréquent et parfois précipité» à la guerre, inégalités sociales, détresse des pays pauvres, confiance mise dans les seuls critères de rendement économique.

«A tous je demande, au nom de Dieu, a lancé le pape, d’épargner à l’humanité de nouvelles guerres, de respecter la vie humaine et la famille, de combler le fossé entre riches et pauvres, de comprendre que nous sommes tous responsables de tous. C’est Dieu qui le demande et il ne nous demande jamais rien au-dessus de nos forces. Il nous donne lui-même la force d’accomplir ce qu’il attend de nous».

«Le siècle qui s’ouvre devra être celui de la solidarité», a enchaîné le pape. Cela suppose des «engagements concrets», dont quatre lui semblent prioritaires: le partage de la technologie et de la prospérité – par exemple en remettant la dette des pays pauvres -; le respect des droits de l’homme, indispensable pour ne pas mettre en péril la stabilité du monde; la prévention des conflits grâce aux instances internationales; et  » le dialogue serein entre les civilisations et les religions».

Entre craintes et espoirs

Le pape trouve dans la situation internationale des motifs de se réjouir: le processus de paix au Moyen-Orient se poursuit malgré une situation toujours tendue, «les Chinois se parlent», «les deux Corées dialoguent», «certains pays africains tentent de faire se rencontrer les factions rivales», «le gouvernement et les groupes armés en Colombie cherchent à maintenir le contact», on enregistre en Amérique Latine «des avancées démocratiques encourageantes».

En revanche, ce même continent «demeure dangereusement affaibli par des inégalités sociales criantes, le commerce de la drogue, la corruption et parfois même des mouvements de lutte armée». L’Afrique est déchirée par des conflits ethniques. En Asie, on constate un «équilibre précaire» entre les peuples économiquement très développés et ceux qui deviennent de plus en plus pauvres. En Amérique du Nord, dont les critères économiques et politiques sont souvent considérés comme «normatifs», il y a aussi «de très nombreux pauvres». Le pape a évoqué encore les «terribles violences» subies en Europe en 1999, avec la crise des Balkans et «les affrontements de ces dernières semaines dans le Caucase».

Se référant au préambule de la Charte de l’ONU adoptée le 26 juin 1945, dans lequel les peuples des Nations Unies s’engageaient à associer leurs efforts pour éviter la guerre et promouvoir les droits de l’homme, Jean Paul II a insisté sur l’importance du respect du droit dans les rapports internationaux. «Ce qui fait défaut, ce ne sont certes pas de nouveaux textes ou des instruments juridiques, a-t-il affirmé. C’est tout simplement la volonté politique d’appliquer sans discrimination ceux qui existent».

Des choix quotidiens

Au moment de conclure, le pape a rappelé que «la vie prend corps dans nos choix quotidiens». Car les responsables politiques «peuvent, par leurs options personnelles et par leurs programmes d’action, orienter des sociétés entières vers la vie ou vers la mort». C’est pourquoi les chrétiens, et les catholiques en particulier, doivent «participer activement à la vie publique des sociétés dont ils sont membres. Je revendique donc pour les croyants une place dans la vie publique, a expliqué Jean Paul II, parce que je suis convaincu que leur foi et leur témoignage peuvent rassurer nos contemporains souvent inquiets et sans repères et que, malgré les échecs, la violence ou la peur, ni le mal ni la mort n’auront le dernier mot».

Au 10 janvier 2000, 171 pays sont accrédités près le Saint-Siège – plus exactement 170 pays plus l’Ordre de Malte -. Il faut y ajouter la Mission de la Fédération de Russie, avec un ambassadeur, et le Bureau de l’Organisation pour la Libération de la Palestine, avec un directeur. Au cours de l’année 1999, deux pays ont établi des relations diplomatiques avec le Saint-Siège : les Îles Cook (Polynésie) et les Îles de Saint Kitts et Nevis (Caraïbes). (apic/imed/mk/pr)

10 janvier 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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