Pour un recours à la force du droit plutôt qu’au droit de la force

Rome: Jean Paul II lance un appel fort en faveur du respect du droit international

Rome, 16 décembre 2003 (Apic) Le droit international doit être adapté au cadre nouveau de la lutte anti-terroriste, estime Jean Paul II. Dans son message pour la Journée mondiale de la paix, publié le 16 décembre, le pape n’hésite pas à critiquer des Etats qui recourent «au droit de la force plutôt qu’à la force du droit», sans honorer les accords internationaux auxquels ils ont souscrit.

Le pape demande également que l’on analyse les causes du terrorisme, qui recourt à des moyens de lutte «inacceptables», tout en mettant en garde les Etats démocratiques contre la tentation de renoncer aux principes de l’Etat de droit pour lutter contre la menace terroriste.

Sans nommer d’Etats en particulier ni mentionner l’attaque et l’occupation américaine de l’Irak sans mandat de l’ONU, Jean Paul II a souhaité mardi une réforme du fonctionnement des Nations Unies afin de renforcer le respect du droit international. Dans son message pour la Journée mondiale de la paix, le pape souligne avoir passé les 25 ans de son pontificat à demander aux hommes «d’embrasser la cause de la paix».

Non aux moyens inacceptables du terrorisme

A l’occasion de cette Journée de la paix voulue par Paul VI en 1968 et qui est célébrée chaque 1er janvier, Jean Paul II reprend les notions clefs du droit international dans une sorte de leçon magistrale adressée aux responsables politiques en charge de la lutte contre le terrorisme. Mais son message est aussi adressé aux juristes, aux éducateurs de la jeunesse et encore «à vous aussi, hommes et femmes qui êtes tentés de recourir aux moyens inacceptables du terrorisme, compromettant ainsi à sa racine la cause pour laquelle vous combattez !».

Le Souverain pontife souligne que la plaie du terrorisme est devenue ces dernières années «plus virulente» et qu’elle a produit d’atroces massacres, qui ont rendu le chemin du dialogue et de la négociation toujours plus hérissé d’obstacles, en exacerbant les esprits et en aggravant les problèmes, en particulier au Proche-Orient. Il montre à cette occasion les faiblesses du droit international qui a aujourd’hui du mal à offrir des solutions aux situations conflictuelles découlant des transformations de la physionomie du monde contemporain.

«L’ordre juridique, insiste-t-il, constitué de normes élaborées tout au long des siècles pour réguler les rapports entre Etats souverains, a du mal à faire face à des conflits dans lesquels agissent également des organisations qui ne peuvent être identifiées aux caractéristiques traditionnelles du concept d’Etat. Ceci vaut, en particulier, dans le cas de groupes terroristes». Ces groupements, explique le pape, sont issus de la désagrégation des Etats, liés à des revendications indépendantistes ou encore associés à des organisations criminelles structurées.

Pour une analyse courageuse et lucide des motivations sous-jacentes aux terroristes

Jean Paul II, qui n’illustre pas sa démonstration avec de cas concrets, souligne que, pour être victorieuse, la lutte contre le terrorisme ne peut se limiter seulement à des opérations répressives et punitives. «Il est essentiel que le recours à la force, s’il est nécessaire, soit accompagné d’une analyse courageuse et lucide des motivations sous-jacentes aux attaques terroristes».

Justifiant le titre de son message, «Un engagement toujours actuel: éduquer à la paix», le pape précise que la lutte contre le terrorisme doit aussi être menée sur le plan politique et pédagogique: «d’un côté, en supprimant les causes qui sont à l’origine de situations d’injustice qui incitent souvent aux actes les plus désespérés et les plus sanguinaires; de l’autre, en insistant sur une éducation inspirée du respect de la vie humaine en toute circonstance».

La fin ne justifie jamais les moyens

Rappelant aux gouvernements démocratiques que l’usage de la force contre les terroristes ne peut justifier le renoncement aux principes d’un Etat de droit, il prévient que des choix politiques qui rechercheraient le succès sans tenir compte des droits fondamentaux de l’homme seraient inacceptables, «car la fin ne justifie jamais les moyens».

Pour soutenir et renforcer le droit international, Jean Paul II  insiste sur le rôle des Nations Unies qui, «même avec des limites et des retards liés pour une grande part à des défaillances de ses membres, a contribué notablement à promouvoir le respect de la dignité humaine, la liberté des peuples et l’exigence du développement, préparant ainsi le terrain culturel et institutionnel sur lequel peut être édifiée la paix».

Le rôle des Nations Unies doit être renforcé

C’est alors qu’il insiste pour entreprendre une réforme qui mette l’Organisation des Nations Unies en mesure de fonctionner de manière efficace afin d’atteindre ses fins statutaires, qu’il considère comme «toujours valables». Reformulant une proposition faite en 1995, il demande ainsi à ce que l’ONU «s’élève toujours plus du stade d’une froide institution de type administratif à celui de centre moral, où toutes les nations du monde se sentent chez elles, développant la conscience commune d’être, pour ainsi dire, une famille des nations».

Décrivant la mission des Nations Unies, Jean-Paul II en profite pour rappeler que l’interdiction du recours à la force a été établie comme axe central du système. Une interdiction qui prévoit «deux seules exceptions». Il s’agit tout d’abord du «droit naturel à la légitime défense, qui doit s’exercer selon les modalités prévues et dans le cadre des Nations Unies: par conséquent, également dans les limites traditionnelles de la nécessité et de la proportionnalité».

Vient ensuite le système de sécurité collective, qui attribue au Conseil de Sécurité de l’ONU la compétence et la responsabilité en matière de maintien de la paix «avec les pouvoirs de décision et une grande faculté discrétionnaire». Au cours des 25 ans de son pontificat, rappelle le pape dans un passage très personnel, «je n’ai pas cessé de faire entendre ma voix, devant l’Eglise et devant le monde, pour inviter les croyants, ainsi que tous les hommes de bonne volonté, à faire leur la cause de la paix, pour contribuer à mettre en oeuvre ce bien primordial, assurant ainsi au monde des temps meilleurs, dans une convivialité sereine et dans un respect réciproque».

Au-delà de la simple justice, il y a le pardon

Complétant alors son exposé sur l’importance du respect «du droit international comme gage de paix», Jean Paul II insiste sur l’importance du pardon «pour résoudre les problèmes entre les personnes comme entre les peuples». «Il n’y a pas de paix sans pardon! Et je le répète encore en cette circonstance, alors que j’ai en particulier sous les yeux la crise qui continue à se déchaîner en Palestine et au Moyen-Orient: une solution aux très graves problèmes dont souffrent depuis trop longtemps les populations de ces régions ne pourra pas être trouvée tant que l’on ne se décidera pas à dépasser la logique de la simple justice pour s’ouvrir aussi à celle du pardon».

Pour le pape Jean Paul II, «seule une humanité dans laquelle règne la ’civilisation de l’amour’ pourra jouir d’une paix authentique et durable». (apic/sr/imedia/be)

16 décembre 2003 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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