Rome: Le cardinal Ratzinger dresse un sombre tableau de l’Eglise
L’Eglise est «une barque prête à couler»
Rome, 25mars 2005 (Apic) Le cardinal Joseph Ratzinger dresse un tableau plutôt noir de l’Eglise, de certains de ses prêtres ainsi que des grands de ce monde. Dans les Méditations et prières du Chemin de croix, qui se déroulera le 25 mars 2005 au Colisée, à Rome, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi n’hésite pas à y comparer l’Eglise à une «barque prête à couler».
Cette année, c’est le cardinal préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi qui a été choisi pour rédiger les Méditations du chemin de croix. Ces textes, qui seront lus dans la soirée du 25 mars au Colisée, sont axés autour d’une phrase du Christ, tirée de l’Evangile selon saint Jean : «Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruits».
Le cardinal Ratzinger commente les 14 stations du Chemin de croix qui raconte la montée du Christ vers le calvaire, au soir de sa passion. En interprétant les chutes de Jésus sous le poids de la croix, le cardinal Ratzinger écrit que le Christ doit, aujourd’hui, également «souffrir dans son Eglise». Le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi regrette ainsi les «souillures dans l’Eglise», s’arrêtant particulièrement sur les prêtres, n’hésitant pas à accuser certains «d’orgueil et d’autosuffisance».
Il s’interroge aussi : «Combien de fois abusons-nous du Saint-Sacrement, de sa présence, dans quel coeur vide et mauvais entre-t-il souvent», ou encore «combien de fois sa parole est-elle déformée et galvaudée». Il souligne ensuite le «manque de foi qui apparaît dans de très nombreuses théories» et fustige les paroles creuses.
Une barque «qui prend l’eau de toutes parts»
«Ton Eglise nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toute part», écrit le cardinal Ratzinger, s’adressant directement au Christ. «Et dans ton champ, nous voyons plus d’ivraie que de bon grain». «Les vêtements et le visage si sales de ton Eglise, écrit encore le cardinal allemand, nous effraient», ajoutant que «c’est nous-mêmes qui les salissons et qui te trahissons chaque fois, après toutes nos belles paroles et nos beaux gestes».
Evoquant aussi la condamnation de Jésus, le cardinal allemand s’exclame : «Les insignes du pouvoir portés par les puissants de ce monde ne sont-ils pas une insulte à la vérité, à la justice et à la dignité de l’homme?» Et de poursuivre, «combien de fois leurs cérémonies et leurs grands discours ne sont en vérité rien d’autre que de pompeux mensonges, une caricature de la tâche qui est la leur : se mettre au service du bien!»
Les préoccupations de l’Eglise en matière de respect de la vie ne sont pas absentes des méditations de ce Chemin de croix. Ainsi, le doyen du collège des cardinaux estime que «l’orgueil a contribué à ce que les hommes soient devenus une sorte de marchandise, pouvant s’acheter et se vendre, tel un réservoir de matériau pour nos expérimentations et grâce auxquelles nous espérons vaincre la mort par nous-mêmes». Le cardinal Ratzinger précise «qu’en vérité, nous ne faisons rien d’autre qu’humilier toujours plus profondément la dignité de l’homme».
Un nouveau paganisme
Le préfet de l’ex Saint-Office juge que «les chrétiens, en se détournant de la foi, ont abandonné le Seigneur». Il affirme que «les grandes idéologies, comme la banalisation de l’homme qui ne croit plus à rien, ont construit un nouveau paganisme, qui, en voulant mettre définitivement Dieu à part, a fini par se débarrasser de l’homme».
Le cardinal prie ensuite le Seigneur de détruire le pouvoir des idéologies, «afin que les hommes reconnaissent qu’elles sont tissées de mensonges» et il lui demande de ne pas permettre que «le mur du matérialisme devienne insurmontable». Lors de la douzième station, le gardien de la doctrine de l’Eglise affirme qu’»en cette heure de l’histoire précisément, nous vivons dans l’obscurité de Dieu». S’adressant encore au Christ, il précise qu’»à cause de l’immense souffrance et de la méchanceté des hommes, le visage de Dieu, ton visage, apparaît obscurci, méconnaissable». Le cardinal invite à reconnaître son visage dans «ceux que nous avons tendance à mépriser».
Un chemin de croix avec des familles immigrées
Ce 25 mars 2005, une quinzaine de personnes porteront la croix lors de la ’Via Crucis’, représentant la diversité des états de vie, des nations et les préoccupations de l’Eglise. Ainsi, ce sont des religieux et religieuses, des célibataires et des familles qui porteront la croix en plus du cardinal Camillo Ruini, vicaire du diocèse de Rome, lors des première, deuxième et dernière stations. Deux frères franciscains venus de Terre Sainte participeront à ce chemin de croix, ainsi qu’une religieuse indienne, des laïcs de Corée, du Sri Lanka ou du Soudan, une famille italienne et une autre albanaise, immigrée dans la péninsule. L’an passé, Jean Paul II avait porté la croix lors de la dernière station, tout en restant assis.
Alors que le site Internet du Vatican publie la prière initiale du Chemin de croix et la totalité des textes écrits par le cardinal Ratzinger, la prière de conclusion n’apparaît pas. L’incertitude demeure toujours sur la participation de Jean Paul II à ce temps fort des fêtes pascales dans la ville de Rome. Le souverain pontife, qui ne s’est montré que très brièvement à la fenêtre de ses appartements les 20 et 23 mars derniers, pourrait apparaître par liaison télévisée aux milliers de fidèles rassemblés autour du Colisée. D’ordinaire, ce Chemin de croix est retransmis en direct par plus d’une soixantaine de télévisions des cinq continents. Les textes sont disponibles sur le site Internet du Vatican, www.vatican.va, et traduits en six langues : allemand, anglais, espagnol, français, italien et portugais.
Une tradition qui remonte à 1750
C’est en 1964 que Paul VI a repris la tradition du Chemin de croix au Colisée, dont le premier exemple remonte à l’année sainte 1750. Jean Paul II a, quant à lui, perpétué cette tradition après son élection, en 1979. Pour les années saintes 1984 et 2000, c’est le pape lui-même qui rédigea les commentaires des 14 stations du Chemin de croix. Depuis 1985, Jean Paul II a souhaité que la rédaction des méditations du Chemin soit donnée à des personnalités.
L’an passé, ces méditations avaient été rédigées par le trappiste et ermite belge André Louf. En 2003, à l’occasion du 25e anniversaire de son élection, Jean Paul II avait choisi comme texte du chemin de croix, les méditations qu’il avait composées en 1976, en tant que prédicateur des exercices spirituels de la curie. L’année précédente ce sont 14 journalistes «vaticanistes», accrédités à la salle de presse du Saint- Siège, qui avaient été chargés de les rédiger. (apic/imedia/ami/vb)