Les témoignages de miracles de Jean Paul II affluent au Vatican

Rome: Le nouveau pape fera-t-il accélérer la béatification de son prédécesseur?

Ariane Rollier, correspondante de l’Apic à Rome

Rome, 15 avril 2005 (Apic) Dès le lendemain de sa mort, Jean Paul II était qualifié de ’grand’ par le Secrétaire d’Etat du Saint-Siège. Le 8 avril, jour de ses obsèques, des fidèles brandissaient des banderoles portant l’inscription ’Santo subito’, réclamant ainsi sa canonisation immédiate. Par ailleurs, depuis quelques jours, les témoignages de miracles attribués au pape polonais affluent au Vatican.

Pourtant, une béatification du pape défunt ne pourrait intervenir avant un intervalle de 5 ans, Jean Paul II ayant lui-même défini ce processus d’attente avant l’ouverture d’une cause de béatification.

Jean Paul II est mort dans «la sérénité des saints», déclarait le secrétaire d’Etat du Saint-Siège au lendemain de la mort du pape. Le pontife polonais, «chantre de la civilisation de l’amour», était en outre qualifié de «Jean Paul le Grand» par le cardinal Angelo Sodano dans son homélie pour la messe du 3 avril au Vatican. Un qualificatif donné jusqu’ici à trois papes, Léon Ier (440-461), Grégoire Ier (590-604) et Nicolas Ier (858-867), mais que d’aucun avait déjà attribué à Jean Paul II de son vivant. «Certains papes sont appelés ’le grand’ et je pense qu’il ne faut pas attendre sa mort pour l’appeler» ainsi, avait estimé Mgr Desiderius Rwoma, évêque de Singida en Tanzanie le 13 mars 2005. Il assistait place Saint-Pierre au retour de Jean Paul II au Vatican, après son hospitalisation à la polyclinique Gemelli.

Pour être proclamé saint, un ’serviteur de Dieu’ doit être d’abord reconnu vénérable pour avoir pratiqué les vertus chrétiennes durant sa vie de façon exemplaire. L’attribution d’un premier miracle après sa mort lui permet ensuite d’être bienheureux, tandis qu’un second miracle lui fait rejoindre le cortège des saints. Le martyr, cas à part, est immédiatement proclamé bienheureux.

Jean Paul II concélèbre l’éternelle liturgie

Depuis la mort de Jean Paul II, les cardinaux ont tour à tour reconnu la proximité du pape défunt avec Dieu. «Nous pouvons être sûrs que notre pape bien-aimé est maintenant à la fenêtre de la maison du Père, qu’il nous voit et qu’il nous bénit», a ainsi déclaré le cardinal Joseph Ratzinger dans l’homélie de la messe des obsèques de Jean Paul II, qu’il présidait le 8 avril.

Le cardinal brésilien Eugenio Sales de Araujo, en qualité de premier des cardinaux-prêtres, prêchait le 12 avril 2005 dans la basilique Saint- Pierre: «Jean Paul II concélèbre l’éternelle liturgie (.) avec tous les saints et la Vierge Marie» et «expérimente l’ineffable présence de Jésus- Christ».

De leur côté, les fidèles ont très vite exprimé leur désir de voir Jean Paul II rapidement béatifié, voire canonisé. Déjà, le jour des obsèques du pape, un groupe du mouvement du mouvement italien des ’Focolari’, fondé par Chiara Lubich, brandissait place Saint-Pierre des pancartes ’Santo Subito’ – Saint tout de suite -. Parallèlement, beaucoup de lettres ont afflué à la Secrétairerie d’Etat du Vatican, témoignant de miracles qui auraient été réalisés par Jean Paul II au cours de son existence ou même après.

Le pape guérisseur

En outre, certains prélats ont donné des témoignages concordants. Le cardinal Francesco Marchisano, archiprêtre de la basilique Saint-Pierre, a raconté dans son homélie du 9 avril, à l’occasion de la deuxième messe des Novemdiales, qu’il avait été guéri de troubles vocaux par une imposition des mains de Jean Paul II de son vivant. «J’avais été opéré de la carotide mais mes cordes vocales étaient restées paralysées à cause d’une erreur de la part des médecins. J’étais contraint à parler de façon imperceptible. Le pape me caressa le point de la gorge où j’avais été opéré, me disant qu’il prierait le Seigneur pour moi. Après quelque temps, je me remis à parler normalement», a-t-il affirmé.

De même, le cardinal Javier Lozano Barragan, président du Conseil pontifical pour la pastorale de la santé, a rapporté dans un quotidien italien le 10 avril qu’en 1990 Jean Paul II avait embrassé, à l’aéroport de Zacatecas, au Mexique, un enfant de quatre ans, Heron Badillo, malade d’une leucémie en phase terminale et, selon les médecins, incurable. L’enfant avait inexplicablement guéri peu de temps après.

«Mais cela reste superficiel. Il faudrait qu’une procédure soit engagée au niveau du diocèse de Rome», déclare-t-on aussi à la Secrétairerie d’Etat. De plus, une personne ne peut être proclamée bienheureuse que dans le cas d’un miracle ’post-mortem’. «Dans le cas de Padre Pio, par exemple, on parlait de miracles réalisés durant sa vie, mais dans la cause, nous n’avons pas pris en considération un seul (.). Depuis la Bulle de 993, on demande la preuve de la virtus morum – la force des vertus – et de la virtus signorum – la force des signes – qui doivent être réalisés après la mort du serviteur de Dieu», a aussi souligné Mgr Michele Di Ruberto, sous-secrétaire de la Congrégation pour la cause des saints, interrogé par les quotidiens italiens le 10 avril dernier.

La vox populi ne suffit plus pour devenir saint

Si de l’antiquité jusqu’au Moyen-Age la ’vox populi’ suffisait pour que l’on proclame une personne sainte, le processus pour une réelle canonisation s’est complexifié au cours des âges. Afin d’éviter les abus résultant d’une proclamation des saints par «dévotion populaire», les évêques se réservèrent peu à peu le droit de déclarer qui pouvait être vénéré comme saint. Au XIIe siècle, il fut finalement décidé que seuls les papes auraient ce droit, même si aucune législation n’était encore bien déterminée. On assista aussi à une grande évolution dans la manière de déterminer si un individu méritait d’être porté à la gloire des autels. En règle générale, on ouvrait un procès, la charge de la preuve incombant à ceux qui soutenaient la cause du saint potentiel. De l’autre côté de la barre, le ’promoteur de la foi’ – l’»avocat du diable» – était chargé, pour sa part, de jeter le doute sur la sainteté du candidat, qui était «présumé coupable» jusqu’à ce qu’il ait été jugé «innocent», donc saint. La première règle écrite fut finalement fixée dans le code de 1917, par Benoît XV.

Depuis, le changement le plus important dans le déroulement de ces procès fut celui voulu par Jean Paul II dans une constitution apostolique publiée en 1983. Divinus perfectionis Magister sert encore aujourd’hui de réglementation de base. La réforme de Jean Paul II visait à simplifier la procédure de reconnaissance d’un saint, en donnant plus d’importance à la recherche historico-scientifique. Les normes actuelles requièrent un délai de cinq ans après la mort d’une personne pour l’ouverture d’un procès en béatification, «une règle de prudence, pour faire tempérer l’émotion qui accompagne généralement la mort des grands personnages de l’Eglise», selon le préfet de la Congrégation pour la cause des saints, le cardinal Saraiva Martins.

Vaste oeuvre de Jean Paul II

De plus, pour un pape, l’enquête est particulièrement complexe en raison des conditions particulières dans lesquelles il a exercé les vertus chrétiennes et du fait de l’importance et de la multiplicité des décisions qu’il a prises et des responsabilités qu’il a dû assumer. Pour Jean Paul II, le travail risque d’être laborieux, tant son oeuvre a été vaste.

Quoiqu’il en soit, seul le nouveau pape aura «la compétence exclusive», selon les termes du porte-parole du Saint-Siège Joaquin Navarro- Valls, de décider d’une éventuelle accélération du processus, à l’image de ce que Jean Paul II avait exceptionnellement fait pour Mère Térésa. «Le prochain pape pourra décider – après avoir évalué avec prudence et sagesse – en faveur d’une dispense, comme nous le désirons tous dans notre coeur», a aussi confié le préfet de la Congrégation pour la cause des saints, le cardinal Saraiva Martins, dans l’hebdomadaire Famiglia Cristiana du 17 avril. Néanmoins, il semblerait que tous, à la curie, ne partagent pas le désir de voir accélérer le processus de béatification du pape défunt.

Si presque tous les papes des 5 premiers siècles sont dits ’saints’, les seuls papes à avoir réellement été canonisés à partir du Moyen-Age sont Léon IX (1049-1054), Grégoire VII (1073-1085), Célestin V (1294-1296), Pie V (1566-1572) et Pie X (1903-1914). On compte aussi parmi les papes bienheureux Victor III (1086-1087), Urbain II (1088-1099), Eugène III (1145- 1153), Grégoire X (1271-1272), Innocent V (1276-1276), Benoît XI (1303- 1304), Urbain V (1362-1370), Innocent XI (1676-1689), Pie IX (1846-1878) et Jean XXIII (1958-1963). (apic/imedia/ar/bb)

15 avril 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 6 min.
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