Signature de l’exhortation apostolique: un document de 7 chapitres
Rome: Le pape exhorte les évêques à être l’espérance du monde
Rome, 16 octobre 2003 (apic) Le jour du 25e anniversaire de son pontificat, jeudi 16 octobre 2003, Jean Paul II s’est adressé aux évêques du monde entier en les exhortant à être «les serviteurs du monde pour l’espérance de Jésus-Christ». Dans la salle Paul VI du Vatican, il a remis à plusieurs centaines de leurs représentants, cardinaux patriarches ou évêques, l’exhortation apostolique «Pastores gregis» faisant suite au synode des évêques de septembre 2001.
Ce très long texte composé de sept chapitres revient sur toutes les thématiques pratiques de la vocation particulière de l’évêque telles qu’elles ont été étudiées durant le synode, de la collégialité à la juridiction en passant par la mission. Mais le pape insiste particulièrement sur la dimension spirituelle de celui qui est avant tout «prophète courageux, témoin crédible et serviteur fidèle du Christ». Au fil de ces pages et contrairement à son habitude, Jean Paul II ne fait aucune allusion son expérience personnelle. Un livre témoignage sur son expérience épiscopale devait sortir à l’occasion du jubilé d’argent de son pontificat, mais aucune information n’est actuellement délivrée au Vatican à ce sujet.
Les sept chapitres de ce document ressemblent à une catéchèse à l’attention des évêques, reprenant systématiquement les points essentiels de leur ministère. Le premier, «mystère et ministère de l’évêque», définit globalement les fondements de la mission épiscopale. Le second, «la vie spirituelle de l’évêque», passe en revue les points clefs, de la prière à la chasteté, en passant par la vertu d’obéissance et l’esprit de pauvreté. Le troisième, «maître de la foi et héraut de la parole», oriente l’évêque en direction de la mission. Le quatrième, «ministre de la grâce du ministère suprême», s’attarde sur sa responsabilité en matière liturgique et spirituelle. Le cinquième, «le gouvernement pastoral de l’évêque», est une suite logique du précédent et insiste particulièrement sur la formation des futurs prêtres ainsi que sur la famille. Le sixième chapitre, «dans la communion des Eglises», dépasse les frontières du diocèse pour aborder le thème de la collégialité, des Conférences épiscopales, des relations avec la curie et du fonctionnement particulier des Eglises orientales. Enfin, le dernier et septième chapitre, «l’évêque face aux défis actuels», est une sorte de cahier des charges sociales de l’évêque, décrivant le cadre et les frontières de son action.
Climat d’incertitudes
La Xe assemblée générale du synode des évêques s’est tenue du 30 septembre au 27 octobre 2001, à quelques semaines des attentats contre les Etats-Unis, dans un climat international extrêmement tendu. «Dans le coeur des pères du synode, rappelle ainsi Jean Paul II dans l’introduction, résonnait encore l’écho des terribles événements du 11 septembre 2001, avec leur douloureux cortège d’innombrables victimes innocentes et l’apparition dans le monde de nouvelles et très graves situations d’incertitude et de peur pour la civilisation humaine elle-même et pour la convivialité pacifique entre les pays. Se profilaient alors de nouveaux horizons de guerre et de mort qui, s’ajoutant aux situations de conflits déjà en cours, montraient l’urgence et la nécessité de supplier le Prince de la Paix, afin que le coeur des hommes s’ouvre à nouveau à la réconciliation, à la solidarité et à la paix».
Le pape insiste alors sur l’attitude de l’assemblée synodale qui a «élevé la voix pour condamner toute forme de violence et pour en montrer les racines les plus profondes dans le péché de l’homme. Devant l’échec des espoirs humains qui, en se fondant sur des idéologies matérialistes et immanentistes, et sur des idéologies liées à l’économie, prétendent tout mesurer à l’aune de l’efficacité et de rapports de force ou de marché, les pères synodaux ont réaffirmé leur conviction que seuls la lumière du Ressuscité et le souffle de l’Esprit Saint aident l’homme à fonder ses attentes sur l’espérance qui ne déçoit pas».
Jean Paul II profite de ce contexte et de la permanence des tensions pour relancer un appel à la paix dans son exhortation. « En effet, note-t- il ainsi au chapitre 6, les foyers de conflits hérités du siècle précédent et du millénaire tout entier sont toujours actifs. Les conflits locaux ne manquent pas non plus, qui créent de profondes lacérations entre les cultures et les nationalités. Et comment se taire face aux fondamentalismes religieux, toujours ennemis du dialogue et de la paix ? En de nombreuses régions du monde, la terre ressemble à une poudrière, prête à exploser et à déverser sur la famille humaine d’immenses douleurs ».
Origine et causes des conflits
Au chapitre 7, il insiste avec force sur les origines et les conséquences sociales de ces conflits. « La guerre des puissants contre les faibles a, aujourd’hui plus qu’hier, ouvert de profondes divisions entre les riches et les pauvres. Les pauvres sont légion ! À l’intérieur d’un système économique injuste, marqué par des dissonances structurelles très fortes, la situation des marginaux s’aggrave de jour en jour. Nombreuses sont les régions du monde où l’on a faim aujourd’hui, tandis qu’ailleurs règne l’opulence. Ce sont surtout les pauvres, les jeunes et les réfugiés qui sont les victimes de ces disparités dramatiques. La femme elle-même, en de nombreux endroits, est rabaissée dans sa dignité de personne, victime d’une culture hédoniste et matérialiste ».
Le pape décrit ensuite la responsabilité de l’Eglise « dans ces situations d’injustice qui ouvrent inévitablement la porte aux conflits et à la mort » et de l’évêque qui est « le défenseur des droits de l’homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu ». Pour être en mesure de porter cette responsabilité, le pape avait souligné au premier chapitre que « c’est précisément la vie spirituelle de l’Évêque qui favorise la fécondité de son action pastorale ».
En effet, explique-t-il au chapitre 2, « si la charge épiscopale ne s’appuie pas sur le témoignage de sainteté manifesté par la charité pastorale, l’humilité et la simplicité de vie, elle finit par se réduire à un rôle presque uniquement fonctionnel et elle perd fatalement en crédibilité auprès du clergé et des fidèles ».
Obéissance
A propos de l’obéissance, il affirme que « marchant sur les traces du Christ, l’Évêque est obéissant à l’Évangile et à la Tradition de l’Église, il sait lire les signes des temps et reconnaître la voix de l’Esprit Saint dans le ministère pétrinien et dans la collégialité épiscopale ». L’évêque « doit se sentir engagé » à vivre intensément « avec le pape et avec ses frères évêques dans un lien étroit d’unité et de collaboration ».
Concernant la chasteté, l’évêque doit « soutenir » et « encourager » les prêtres, qui, « appelés par la grâce divine, ont librement assumé l’engagement du célibat pour le Royaume des cieux, se rappelant à lui-même et leur rappelant les motifs évangéliques et spirituels de ce choix, plus important que jamais pour le service du peuple de Dieu ». « Pour l’Église et pour le monde d’aujourd’hui, précise le pape, « le témoignage de l’amour chaste constitue, d’un côté, une sorte de thérapie spirituelle pour l’humanité et, de l’autre, une contestation de l’idolâtrie de l’instinct sexuel ».
Silence d’évêques
C’est alors que Jean Paul II revient sur la situation des prêtres coupables de fautes graves en matière sexuelle, ces fautes – parfois couvertes par les évêques – ayant provoqué de graves scandales au sein de la société. « En cas de graves manquements et, plus encore, de délits qui portent atteinte au témoignage même de l’Évangile, spécialement du fait des ministres de l’Église, l’Évêque doit se montrer fort et décidé, juste et serein ». « Il est tenu, insiste le pape, d’intervenir rapidement, selon les normes canoniques établies, tant pour la correction et le bien spirituel du ministre sacré que pour la réparation du scandale et le rétablissement de la justice, comme aussi pour ce qui concerne la protection des victimes et l’aide à leur apporter. Par sa parole, par son action vigilante et paternelle, l’Évêque accomplit le devoir d’offrir au monde la vérité d’une Église sainte et chaste, dans ses ministres et dans ses fidèles ». Au chapitre 5, il insiste particulièrement sur le choix des candidats au sacerdoce. « La connaissance personnelle et approfondie des candidats au ministère presbytéral dans son Église particulière est un élément que l’Évêque ne peut jamais laisser de côté », souligne-t-il en insistant pour que l’évêque s’engage « à faire en sorte que dans les séminaires soient formées des personnalités matures et équilibrées, capables d’établir de solides relations humaines et pastorales, bien préparées sur le plan théologique, avec une forte vie spirituelle et aimant l’Église ».
Toujours dans le cadre du diocèse, Jean Paul II porte, dans le chapitre 4, un regard sur le soin que doivent apporter les évêques à la croissance de la famille. Pour cela, il insiste sur le fait de proposer à l’Eglise des familles comme témoins de la sainteté. « Pour faire apparaître le témoignage de la sainteté, j’exhorte donc mes frères évêques à recueillir et à mettre en lumière les signes de la sainteté et des vertus héroïques qui, aujourd’hui encore, se manifestent, spécialement en ce qui concerne les fidèles laïcs de leurs diocèses, notamment les époux chrétiens. Là où cela serait jugé vraiment opportun, je les encourage à promouvoir leurs procès de canonisation. Cela pourra être pour tous un signe d’espérance et, pour la marche du peuple de Dieu, une source d’encouragement dans leur témoignage, devant le monde, de la présence permanente de la grâce dans le tissu des réalités humaines ».
L’exercice de l’autorité
Concernant l’autorité de l’évêque sur son troupeau, le pape note qu’après « le Concile Vatican II, l’exercice de l’autorité dans l’Église s’est souvent révélé difficile. Même si certaines des difficultés les plus aiguës semblent maintenant surmontées, une telle situation dure encore. La question est donc de savoir comment le service nécessaire de l’autorité peut être mieux compris, mieux accepté et mieux rempli ». « L’exercice de l’autorité dans l’Église ne peut pas être conçu comme quelque chose d’impersonnel et de bureaucratique, souligne Jean Paul II, précisément parce qu’il s’agit d’une autorité qui vient du témoignage ». « L’évêque, précise-t-il encore, n’est pas seulement appelé à témoigner de la foi mais aussi à évaluer et à discipliner ses manifestations de la part des croyants confiés à sa sollicitude pastorale. En accomplissant cette tâche, il fera tout son possible pour susciter le consentement de ses fidèles, mais en fin de compte il devra savoir assumer la responsabilité des décisions qui apparaîtront nécessaires à sa conscience de Pasteur, préoccupé par-dessus tout du futur jugement de Dieu ».
C’est au chapitre 6 que le pape, dépassant les frontières du diocèse, aborde la question de la collégialité, c’est à dire de la « communion » existant entre les évêques, les Conférences épiscopales, la curie romaine et le pontife romain. « Pour que le recours au principe de communion soit fait d’une manière correcte et efficace, explique tout d’abord le souverain pontife, il y aura donc certains points de références inéluctables. On devra avant tout tenir compte du fait que, dans l’Église particulière, l’évêque diocésain possède tout le pouvoir ordinaire, propre et immédiat, nécessaire pour l’accomplissement de son ministère pastoral. Il possède donc un domaine propre d’exercice autonome de cette autorité, domaine reconnu et protégé par la législation universelle.
« D’autre part, précise-t-il, le pouvoir de l’évêque coexiste avec le pouvoir suprême du pontife romain, lui aussi épiscopal, ordinaire et immédiat sur toutes les Églises et leurs regroupements, sur tous les pasteurs et tous les fidèles ». Le pape insiste sur le fait que « l’exercice du pouvoir suprême du pontife romain n’annule pas mais confirme, fortifie et défend le pouvoir ordinaire, propre et immédiat de l’évêque dans son Église particulière » et souligne alors le « devoir de la collaboration de tous avec le successeur de Pierre, pour le bien de l’Église entière et donc de chaque Église particulière ».
Les collaborations
Jean Paul II aborde ensuite le thème de la collaboration générale entre Rome et les Eglises locales. A propos des Conférences épiscopales, il souligne qu’elle est « en tout cas un organe permanent qui se réunit périodiquement, sa fonction sera efficace si elle se situe comme auxiliaire par rapport à celle que les évêques exercent de droit divin dans leur Église. En effet, précise-t-il, au niveau de son Église particulière, l’évêque diocésain paît au nom du Seigneur le troupeau qui lui est confié, en tant que pasteur propre, ordinaire et immédiat, et son action est strictement personnelle, non collégiale, même si elle est animée par l’esprit de communion ».
Pour répondre à une demande pressante exprimée durant l’assemblée synodale concernant les grands documents publiés par le Saint-Siège, Jean Paul II déclare que les pasteurs devront être consultés « plus facilement, individuellement ou en groupe, en vue de l’élaboration de documents d’une grande importance générale; à cette même occasion, précise-t-il, on pourra aussi commenter aux évêques, avant de les publier, les éventuels documents que le Saint-Siège aurait l’intention d’adresser à l’ensemble de l’Église, ou précisément aux Eglises particulières des évêques présents ».
Synode et mode de fonctionnement
Enfin, à propos des synodes, le pape souligne que c’est « une forte expérience ecclésiale », bien qu’il « reste toujours perfectible dans les modalités de ses procédures ». De nombreuses et insistantes remarques avaient été émises lors du dernier synode afin de revoir son mode de fonctionnement. Certains évêques avaient aussi regretté que le synode ne soit que consultatif. « Le fait que le Synode n’ait normalement qu’une fonction consultative ne diminue pas son importance », affirme alors Jean Paul II. « Dans l’Église, en effet, la fin de tout organe collégial, qu’il soit consultatif ou délibératif, est toujours la recherche de la vérité ou du bien de l’Église. Par ailleurs, quand il s’agit de vérifier la même foi, le consensus ecclésiale n’est pas donné par le nombre des voix mais il est le fruit de l’action de l’Esprit, âme de l’unique Église du Christ ». (apic/imedia/pr)