Le président Rugova, bête noire des durs de l’UçK
Rome: Le pape Jean Paul II reçoit en audience le leader modéré du Kosovo Ibrahim Rugova
Rome, 10 mai 1999 (APIC) «Bête noire» des durs de l’UçK, le leader modéré du Kosovo Ibrahim Rugova a été reçu lundi matin en audience par le pape Jean Paul II de retour de son voyage historique en Roumanie. Le président élu des Kosovars – non reconnu par Belgrade – mène depuis des années un combat pacifique pour les droits de son peuple. Les partisans de la lutte armée, qui voient grandir leur emprise sur la population, le qualifient de traître à éliminer.
«Kosovapress», organe de propagande des indépendantistes, le qualifie désormais de «citoyen loyal de la Serbie» et l’appelle «l’élu de Milosevic». Dans une dépêche datée du 9 mai, «Kosovapress» affirme que l’arrivée à Rome mercredi n’est pas le résultat d’une intervention du gouvernement du Venezuela, qui lui avait décerné un prix pour la paix, «mais que c’est à cause de l’implication de Monseigneur Paul, de l’organisation de Saint-Egidio, ami chaleureux de Milosevic, ainsi que du Parti italien de la gauche centriste, qui soutient le régime serbe et s’oppose aux frappes de l’OTAN».
L’organe de presse albanophone contrôlé par l’UçK vise en particulier le premier ministre italien d’Alema et Mgr Vincenzo Paglia, de la communauté catholique Sant’Egidio. La communauté romaine avait travaillé pour la réouverture des écoles et de l’Université de Pristina dont étaient exclus les jeunes Albanais. Un accord dans ce sens, obtenu sous l’égide de Sant’Egidio en 1997, avait été signé par Milosevic et Rugova.
Les Kosovars ont perdu patience
Le professeur Andréa Riccardi, fondateur de Sant’Egidio, déclarait à l’APIC à la veille de l’intervention de l’OTAN, que Sant’Edigio avait pu persuader le pouvoir serbe que c’était une folie de fermer les écoles pour les Albanais. «On aurait dû continuer avec des accords différenciés sur le terrain. L’option de la lutte armée, celle de l’UçK, est une option que nous avions prévue depuis toujours. Les Kosovars ont perdu patience, mais la voie de la guérilla et des attentats n’est jamais la bonne voie. Ibrahim Rugova avait cherché la voie politique non violente et nous avons appuyé les tentatives de réconciliation. Mais c’est aux Kosovars de choisir leur voie.»
Début avril, une délégation de paix envoyée à Belgrade par la communauté de Sant’Egidio à Rome est rentrée bredouille de Belgrade. Emmenée par Mgr Vincenzo Paglia, assistant ecclésiastique de cette communauté catholique connue pour ses médiations dans les zones de guerre, la délégation n’a rien pu obtenir de concret. Sant’Egidio voulait notamment que les autorités serbes concèdent un «couloir humanitaire» pour les réfugiés du Kosovo, comme l’avait déjà demandé le pape Jean Paul II le jour de Pâques.
Rugova, «serviteur de Milosevic»
Sentant le pouvoir à portée de main, l’UçK affirme désormais que Rugova, «très lié avec l’occupant serbe et Belgrade», nie le pouvoir national qui, à l’intérieur du Kosovo, «défend l’arme à la main, jusqu’à la dernière goutte de sang, l’honneur et la terre de la Kosovë qui a été martyrisée, mais jamais agenouillée.»
«Cette force est l’UçK, connue et acceptée par tout le monde, sauf Milosevic et ses serviteurs», peut-on encore lire dans une dépêche de «Kosovapress» consacrée à Rugova et intitulée «Le monologue du citoyen loyal de la Serbie». Rugova est notamment accusé d’avoir serré la main et «follement souri aux personnes qui ont bu le sang de la nation albanaise». L’UçK reproche également à Rugova, qui milite pour un statut de large autonomie du Kosovo à l’intérieur de la Serbie de «nier la Patrie», c’est-à-dire l’Albanie, «alors qu’il serre la main à Milosevic et à ses serviteurs».
La radio «le Kosova libre» affirme de son côté que «les apparitions de M. Rugova laissent comprendre qu’il est un émissaire spécial du criminel Milosevic», «en mission honteuse et condamnable», «engagé par ce dernier dans une campagne diplomatique contre les Albanais, contre l’UçK et contre l’OTAN.» (apic/kosovpres/be)