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Rome: Le testament de Jean Paul II rendu public
Rome, 8 avril 2005 (Apic) Le pape Jean Paul II a envisagé sa démission en 2000. Son testament publié jeudi au Vatican – v le service Apic du jeudi 7 avril – l’atteste. C’est du reste ce passage qui faisait la «une» de la presse vendredi 8 avril. L’Apic revient aujourd’hui plus en détail sur le contenu de ce testament.
Le testament de Jean Paul II, écrit de sa main en au moins sept moments différents, entre 1979 et 2000, a été rendu public le 7 avril 2005, à la veille de ses obsèques. Par ce document d’une demi-douzaine de pages, le pape manifeste entre autres qu’il a considéré en mars 2000 la possibilité de démissionner, après avoir conduit l’Eglise dans le troisième millénaire. Tout au long de son testament, et dès 1979, le pape se dit prêt à mourir, affirmant sa confiance dans le Seigneur et la Vierge.
Le document rédigé en polonais et diffusé dans sa traduction italienne est un ensemble de passages écrits pendant des temps de Carême, successivement aux mois de mars 1979, 1980, 1982, 1985, 1990, 1992 et 2000. Jean Paul II s’était décidé à en entreprendre la rédaction en lisant celui de Paul VI lors des exercices spirituels de Carême en 1979. Il était pape depuis quelques mois seulement.
L’Eglise, ma Nation
Dès les premiers mots de ce testament, Jean-Paul II évoque sa mort, «le dernier appel qui aura lieu au moment où le Seigneur le voudra». «Je désire le suivre, écrit-il à propos du Christ, et je désire que tout ce qui fait partie de ma vie terrestre me prépare à ce moment». «Je ne sais quand cela aura lieu, mais comme tout, je le dépose dans les mains de la mère de mon Maître». Il rappelle alors sa devise mariale : «Totus Tuus» : «Tout à toi». «Dans ces mêmes mains, ajoute le pape, en se référant toujours à la Vierge, je laisse tout et tous ceux auxquels ma vie et ma vocation m’ont lié. En ces mains, je laisse surtout l’Eglise, ma Nation aussi, et toute l’humanité. Je remercie tout le monde. A tous, je demande pardon. Et je demande aussi que l’on prie, pour que la Miséricorde de Dieu soit plus grande que ma faiblesse et mon indignité».
Dans le passage daté de 1979, Jean Paul II demande aussi que toutes ses notes personnelles soient brûlées et que les biens dont il avait l’usage quotidien soient «distribués comme cela paraîtra opportun», en précisant qu’il ne laisse aucune propriété derrière lui. Il recommande à son secrétaire particulier «don Stanislaw» de veiller sur tout cela et le remercie pour «la collaboration, l’aide prolongée et compréhensive» qu’il lui a apportées au cours des années».
Au terme de ce passage, enfin, Jean Paul II précise qu’il souhaiterait un enterrement identique à celui de Paul VI. Une note en marge, datée du 13 mars 1992, ajoute : «dans la terre, non dans un sarcophage».
Dans un passage non daté ensuite, le pape confie: «J’ai confiance que le Seigneur ne permettra jamais que, par l’une de mes attitudes, paroles, oeuvres ou omissions, je puisse trahir mes obligations en ce saint Siège de Pierre».
Les lignes écrites en 1980 évoquent l’espérance du message chrétien dans la Résurrection. Jean Paul II écrit que «chacun doit tenir compte de la perspective de la mort». «Les temps en lesquels nous vivons, ajoute-t- il, sont indiciblement difficiles et inquiétants. La vie de l’Eglise aussi est devenue tendue et difficile (.). Dans certains pays (.) l’Eglise se trouve dans une telle période de persécution qu’elle n’est pas inférieure à celle des premiers siècles, elle la dépasse même par le niveau de cruauté et de haine». Le pape ajoute alors : «Je désire encore une fois me confier totalement à la grâce du Seigneur. C’est lui qui décidera quand et comment je dois finir ma vie terrestre et mon ministère pastoral». «Acceptant d’ores et déjà cette mort, j’espère que le Christ me donne la grâce pour l’ultime passage, c’est-à-dire ma Pâques. J’espère aussi qu’il la rendra utile pour cette cause si importante que je cherche à servir : le salut des hommes et la sauvegarde de la famille humaine».
Dans un bref passage rédigé en 1982, le pape souligne par ailleurs que l’attentat dont il fut victime le 13 mai 1981 confirmait «l’exactitude» de ces paroles écrites un an plus tôt, en référence à la préparation de chacun face à la mort. Il ajoute qu’il envisage la possibilité que ses funérailles soient célébrées en Pologne – sans évoquer précisément le lieu de sa sépulture – laissant au Métropolite de Cracovie et à la Conférence épiscopale polonaise la possibilité de décider en fonction des requêtes. Mais, trois ans plus tard, en 1985, il revient sur cette idée en laissant la liberté au seul Collège des cardinaux d’étudier une telle éventualité, sans obligation de s’adresser à ses concitoyens. Enfin, le 5 mars 1990, il précise, en marge de la première page du testament: «après ma mort, je demande des messes et des prières».
A propos de l’attentat
Le dernier passage de ce testament a été rédigé beaucoup plus tard, entre le 12 et le 18 mars 2000, au cours de l’année jubilaire. Jean Paul II y rappelle les paroles que lui avait adressé le Primat de Pologne Stefan Wyszynski au jour de son élection : ’le rôle du nouveau pape sera d’introduire l’Eglise dans le troisième millénairé. «Selon les desseins de la Providence, commente-t-il, il m’a été donné de vivre dans le siècle difficile qui s’en va vers le passé et, maintenant, en cette année où l’âge de ma vie rejoint quatre-vingts ans, il faut se demander s’il n’est pas temps de répéter avec le Siméon de la Bible ’Nuuc dimittis’ (les paroles du vieux Siméon après avoir vu l’enfant Jésus : ’Maintenant Seigneur tu peux laisser ton serviteur s’en aller’, ndlr).
«Au jour de l’attentat du 13 mai 1981, continue le pape, (.) la Divine Providence m’a miraculeusement sauvé de la mort. Le Seigneur (.) a prolongé ma vie, en un certain sens il me l’a donnée à nouveau». Et de continuer, faisant allusion à une éventuelle démission ou à sa mort, «depuis ce moment, elle appartient encore plus à lui (sa vie, ndlr). J’espère qu’Il m’aidera à reconnaître jusqu’à quand je dois continuer ce service, auquel il m’a appelé le 16 octobre 1978. Je lui demande de bien vouloir me rappeler quand Il le voudra lui-même (.). J’espère aussi que jusqu’à ce qu’il me soit donné de remplir ce ministère dans l’Eglise, la Miséricorde de Dieu voudra bien me prêter les forces nécessaires pour ce service».
Le pape remercie d’autre part la «Divine Providence» que la période de la ’guerre froide’ se soit terminée «sans le violent conflit nucléaire dont le danger pesait sur le monde». Il rend grâce pour le Concile Vatican II, duquel il se dit «débiteur».
Enfin, au moment de remercier ceux avec lesquels il a exercé son ministère, Jean-Paul II évoque les évêques, les chrétiens non-catholiques, les représentants des religions non-chrétiennes, l’ensemble de sa famille, sa paroisse de Wadowice et tout son parcours, de Cracovie à Rome.
Le testament s’achève avec les mots : «A tous je veux dire une seule chose :’Que Dieu vous récompensé», et ces paroles, en latin, du Christ sur la croix : «Entre tes mains Seigneur, je remets mon esprit».
Dans ce testament, Jean Paul II a cité précisément trois personnes, son secrétaire Mgr Stanislaw Dziwisz, l’ancien Primat de Pologne le cardinal Stefan Wyszynski et l’ancien grand rabbin de Rome Elio Toaff qui l’avait accueilli pour la première visite d’un pape dans une synagogue, le 13 avril 1986.
Le 6 avril 2005, intervenant devant les journalistes, le porte-parole du Saint-Siège, Joaquin Navarro-Valls, a déclaré que le testament de Jean Paul II avait été lu aux cardinaux lors de leur 4e Congrégation, le même jour, et que la publication intégrale était prévue pour le lendemain. Joaquin Navarro-Valls avait évoqué aussi la question de la révélation du nom du cardinal «in pectore» (dans le coeur du pape) créé lors du consistoire d’octobre 2003. «Je peux confirmer, a-t-il déclaré, que Jean Paul II n’a pas, avant son décès, communiqué le nom» de ce cardinal «qu’il s’était réservé ’in pectoré». «Donc la question ne se pose plus», avait-t- il ensuite conclu.
Selon le journaliste Luigi Accattoli du quotidien italien «Corriere della Sera», le testament aurait été confié par Jean Paul II lui-même à son secrétaire particulier, Mgr Stanislas Dziwisz. Ce dernier l’aurait remis au cardinal camerlingue Somalo, qui l’aurait lui-même confié au substitut de la Secrétairerie d’Etat, Leonard Sandri, afin d’en faire la traduction. (apic/imedia/ami/pr)




