Rome: Nouvelle page dans la «légende noire» du pape Pie XII
«Pie XII a contribué à l’avènement d’Hitler» affirme J. Cornwell
Rome, 7 septembre 1999 (APIC) Une nouvelle page pourrait prochainement venir s’ajouter à la «légende noire» du pape Pie XII à propos de son attitude face à la persécution des juifs avant et pendant la Deuxième guerre mondiale. Dans un livre à paraître en octobre intitulé : «Le pape de Hitler : histoire secrète de Pie XII», l’auteur anglais John Cornwell, soutient que sans la contribution d’Eugenio Pacelli, devenu le pape sous le nom de Pie XII en 1939, Hitler ne serait jamais arrivé au pouvoir.
Des extraits du livre de 500 pages de J. Cornwell seront présentés en exclusivité dans le prochain numéro du magazine américain «Vanity Fair». Le «Corriere della Sera» qui a pu en obtenir des épreuves publie un long article sur la question dans son édition du 6 septembre. John Cornwell affirme avoir d’abord souhaité écrire ce livre «pour prouver une fois pour toutes l’innocence de Pie XII», et «effacer toute ombre de son nom en pensant aux générations futures». Le Vatican lui aurait ouvert les archives de la Secrétairerie d’Etat, et l’auteur y aurait trouvé des «preuves» du contraire de l’hypothèse qu’il voulait d’abord défendre.
Selon John Cornwell, les premières traces de l’antisémitisme de Mgr Pacelli remontent à l’époque où il était nonce à Munich, et chargé de préparer un concordat avec l’Allemagne. John Cornwell cite des extraits de sa correspondance mettant en relief cet antisémitisme, et évoque en particulier «l’association presque obsessionnelle» que le futur Pie XII faisait entre le bolchévisme et le judaïsme.
L’auteur affirme que Mgr Pacelli «s’est employé à supprimer l’âme anti-nazie des catholiques allemands», et que «ce n’est pas un hasard si Hitler a consacré plus de temps au Concordat qu’à toute autre question de politique extérieure «. Avant de signer ce Concordat, poursuit l’auteur anglais, Hitler s’est fait assurer par Mgr Pacelli que les centristes allemands parmi lesquels de nombreux catholiques se retireraient de la vie politique après avoir remis entre ses mains les pleins pouvoirs. Du coup, des millions de catholiques se sont unis au parti nazi, «convaincus qu’ils avaient le soutien du pape».
L’article cite encore une déclaration d’Hitler au Parlement allemand, en juillet 1933, dans laquelle il affirmait que le Concordat créait une atmosphère de confiance dans la lutte urgente contre la juiverie internationale. «L’Eglise catholique avait en somme donné sa bénédiction à la politique du national-socialisme», écrit John Cornwell.
L’auteur revient également sur «l’encyclique cachée» demandée par le pape Pie XI sous le titre de «L’Unité de la race humaine». Un projet interrompu par la mort du pape et que Pie XII ne reprendra pas. Selon Cornwell, Mgr Pacelli y aurait inséré sa propre vision antisémite, écrivant notamment que les Juifs, après avoir tué le Christ, «aveuglés par leur soif de succès matériel, méritent maintenant la ruine spirituelle qu’ils se sont attirés». On peut rappeler ici que l’histoire et le contenu de cette «encyclique cachée» ont fait l’objet d’une étude complète de G.Passelecq et B.Sucheki publiée en 1995. Les auteurs y décrivent bien l’antijudaïsme chrétien encore largement répandu parmi les prélats et les intellectuels catholiques de l’époque.
L’article du «Corriere della Sera» se conclut par une citation de John Cornwell affirmant qu’il n’a trouvé «pas même une prière, un cierge, un psaume, une lamentation, ou des traces d’une messe» dédiée par Pie XII aux Juifs de Rome, tandis qu’»il ordonna un requiem solennel en mémoire du Führer».
John Cornwell, qui se dit catholique pratiquant, travaille pour l’université de Cambridge en Angleterre. Journaliste, il contribue régulièrement au «Sunday Times» de Londres, ainsi qu’à des publications religieuses, notamment sur le Vatican. Il a écrit en particulier un livre sur la mort de Jean Paul Ier, publié en italien en 1990 par les éditions Tullio Pironti sous le titre » Un voleur dans la nuit «. (apic/imed/mp)