Un processus qui peut se révéler plus ou moins long
Rome: Ouverture de la phase diocésaine du procès en béatification de Jean Paul II
Rome, 28 juin 2005 (Apic) Le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome, ouvrira le 28 juin 2005 au soir, dans la basilique Saint-Jean de Latran, la phase diocésaine du procès en béatification de Jean-Paul II.
Au cours de son pontificat, ce dernier a lui-même béatifié 1’342 bienheureux dont 1’036 martyrs, 306 confesseurs ainsi que 483 saints dont 402 martyrs et 81 confesseurs. Avant lui, seulement 302 saints et 1’201 bienheureux avaient été déclarés par l’ensemble des papes depuis 1588, date de la création de la Sacrée Congrégation des Rites par Sixte V, qui comprenait à la fois l’actuelle Congrégation pour les causes des saints – créée par Paul VI le 8 mai 1969 – et l’actuelle Congrégation pour le culte divin.
Depuis la simplification du déroulement de ces procès par Jean Paul II, en 1983, la Congrégation pour les causes des saints est submergée de demandes d’ouvertures de procès. Près de 2’000 candidats à la sainteté seraient en attente de voir l’aboutissement de leurs causes au sein de l’Eglise catholique. Ce serait un «rêve» que «Jean Paul II soit proclamé bienheureux à Cologne par Benoît XVI en août prochain, aux Journées mondiales de la Jeunesse», a aussi déclaré le 27 juin Mgr Stanislas Dziwisz, l’ancien secrétaire particulier du pape polonais, à l’agence polonaise «Pap». Même si cela lui paraît «irréel», ce serait «un signe de la réconciliation de la Pologne et de l’Allemagne», a-t-il ajouté.
Une procédure simplifiée
Le 13 mai dernier, jour anniversaire de l’attentat qui faillit coûter la vie à son prédécesseur en 1981, Benoît XVI a décidé de déroger à la règle des cinq ans après la mort d’un individu pour ouvrir le procès en béatification de Jean Paul II. Au cours des siècles, les procédures de béatification et de canonisation ont beaucoup évolué. A l’origine, les saints étaient proclamés par «dévotion populaire». Le mouvement laïc italiens des Foccolari a voulu reprendre cette tradition, d’où l’appel qu’ils ont lancé au lendemain de la mort de Jean Paul II Santo Subito – saint tout de suite -. Les fidèles l’ont repris à leur compte lors des funérailles du pape le 8 avril 2005. Ce sont ensuite un certain nombre de cardinaux qui se sont ralliés à l’initiative populaire. Durant la période de pré-conclave, ils ont signé une lettre demandant au futur pape d’ouvrir rapidement le procès de béatification de Jean Paul II. Le cardinal Ruini est venu présenter cette requête à Benoît XVI, le 9 mai dernier.
Pourtant, jusqu’au XIe siècle, de nombreux saints ne doivent rien à l’intervention du pape, mais tout à la volonté d’un seul évêque. L’Eglise de Rome a imposé son monopole sur les canonisations au XIIe siècle et la procédure en a été fixée au XVIIIe siècle. Jean Paul II l’a réformé en 1983. Il a rendu aux évêques la responsabilité initiale de constituer le dossier des preuves de sainteté.
Au cours des siècles, on a assisté à une grande évolution dans la manière de déterminer si un individu méritait d’être porté à la gloire des autels. En règle générale, on ouvrait un procès, la charge de la preuve incombant à ceux qui soutenaient la cause du saint potentiel. De l’autre côté de la barre, le «promoteur de la foi» – «l’avocat du diable» – était chargé, pour sa part, de jeter le doute sur la sainteté du candidat, qui était «présumé coupable» jusqu’à ce qu’il ait été jugé «innocent», donc saint.
Plus rapide et moins onéreux?
La première règle écrite fut fixée dans le code de 1917, par Benoît XV. Depuis, le changement le plus important dans le déroulement de ces procès a été fait par Jean Paul II, en 1983, par la Constitution apostolique Divinus perfectionis Magister, servant encore aujourd’hui de réglementation de base. Cette réforme visait à simplifier la procédure de reconnaissance d’un saint, en donnant plus d’importance à la recherche historico-scientifique. Ces nouvelles dispositions veulent rendre le processus plus rapide et moins onéreux.
Causes de plus en plus nombreuses, sous le pontificat de Jean Paul II
Sur les 2’000 causes en cours, près d’un quart ont été mises en sommeil notamment pour des raisons financières ou politiques. Malgré la volonté de Jean Paul II de faciliter les procès de béatification et de canonisation, la liste d’attente reste donc encore très longue, le temps entre l’ouverture d’une cause et son aboutissement pouvant atteindre souvent des dizaines d’années – sans compter les aléas de l’histoire, tels que les guerres.
Par ailleurs, force est de constater que la majorité des causes en cours concernent des religieux. Pour un membre de la Congrégation pour les causes des saints, la principale raison est la possibilité, pour les congrégations religieuses, «d’assurer un suivi de la cause sur plusieurs dizaines d’années». «Lorsqu’il s’agit d’un laïc ou d’un prêtre diocésain, l’enthousiasme peut mourir avec les gens ou changer avec les évêques.», précise le prélat. La question financière repousse également nombre de laïcs ou de diocèses. Certaines causes bénéficient toutefois d’une «réputation» internationale, favorisant leur avancée juridique. On pense en particulier à Mère Térésa, morte en septembre 1997 et béatifiée en 2003.
Avec l’»inflation» du nombre de candidats, l’expression «fabriquer des saints» est apparue, vers la fin du XXe siècle, marquant l’état d’esprit de l’opinion publique face aux cérémonies toujours plus nombreuses. Elle est cependant «très loin de la réalité», précise le cardinal José Saraiva Martins, préfet de la Congrégation pour les causes des saints. En effet, selon lui, cette expression signifie que l’on produit «en série», alors qu’au contraire, l’objectif est de proposer des exemples «complètement divers de ’héros’ de la sainteté chrétienne».
La sainteté n’est plus un privilège
C’est en effet Jean Paul II qui a fait en sorte que cette reconnaissance officielle de l’Eglise ne soit plus un privilège du clergé, ni des moines ou des religieuses ayant choisi de vivre retirés du monde. Le besoin d’exemples simples et accessibles pour les laïcs s’est en effet joint à une diffusion toujours plus importante de la piété populaire.
Le pape défunt n’avait donc pas hésité à honorer, aux côtés des martyrs du XXe siècle, des personnes n’ayant rien fait «d’exceptionnel» au cours de leur vie, mais ayant su «appliquer l’Evangile au quotidien, de manière cohérente et concrète». L’exemple le plus récent est celui des Italiens Luigi et Maria Beltrame Quattrochi, le premier couple de l’histoire de l’Eglise à être béatifié, en novembre 2001. Ouvriers, journalistes, hommes politiques, artisans, pères ou mères de familles ou encore jeunes laïcs, toutes les classes sociales et conditions de vie deviennent ainsi progressivement représentées.
Jean Paul II avait aussi compris l’importance d’exemples de vie dans des moments difficiles de l’histoire. En octobre 1999, à l’issue du synode pour l’Europe, il affirmait que «les saints sont la preuve vivante de l’accomplissement de la promesse du Christ et encouragent à croire que cela est possible, même dans les heures les plus difficiles de l’histoire». Ainsi, la béatification d’Edith Stein – Thérèse-Bénédicte de la Croix en religion -, fut l’occasion, pour le pape, d’appeler juifs et catholiques à se montrer «solidaires» pour que «plus jamais» une tragédie comme celle de la shoah ne se reproduise. Cette catholique d’origine juive est morte à Auschwitz le 9 août 1942.
Se faire canoniser coûte cher
Pour le procès en béatification de Jean Paul II, une souscription a été ouverte. Si les personnes en charge du dossier sont incorruptibles et jureront le 28 juin 2005 de «n’accepter aucun don», un procès coûte cher, même si la réforme de Jean Paul II a réduit les frais. En effet, un procès de béatification coûte à lui seul en moyenne près de 50’000 euros.
La principale raison de ce coût élevé réside dans l’édition de tous les documents servant à l’étude d’une cause. Pour la «positio» – le dossier compilé au niveau diocésain, transmis à la Congrégation pour la cause des saints -, par exemple, il est nécessaire d’en imprimer 50 exemplaires reliés pour les distribuer aux cardinaux, aux historiens ou encore aux théologiens qui seront chargés de donner leurs avis. Or, chaque cause peut nécessiter deux, trois, voire une dizaine – ce fut le cas pour Jean XXIII ou pour Padre Pio – de ces volumes de 1’500 pages chacun. Les actes, quant à eux, ne doivent être imprimés qu’en trois exemplaires – sachant qu’ils peuvent faire jusqu’à 80 volumes. Chaque décret reconnaissant le succès d’une étape doit par ailleurs être payé entre 100 et 1’000 euros. Ensuite, viennent s’ajouter tous les frais liés aux dédommagements des laïcs travaillant sur une cause – médecins et historiens en particulier.
Outre ces frais – qui sont doublés si la cause se poursuit jusqu’à la canonisation – il faut également payer l’organisation des cérémonies. Pour limiter les coûts, plusieurs personnes peuvent être béatifiées ou canonisées en une même cérémonie. Même si c’est la Fabrique de Saint-Pierre – l’organe du Vatican chargé de l’entretien de la basilique Saint-Pierre – qui prend en charge l’organisation matérielle, elle demande aux «acteurs» de la cause le remboursement des frais allant jusqu’à l’électricité, les chandelles, ou encore les hosties. La cérémonie de canonisation de Josemaria Escriva de Balaguer, fondateur de l’Opus Dei, avait coûté près de 300’000 euros.
Un phénomène à la mode souvent critiqué
«On dit parfois qu’il y a aujourd’hui trop de béatifications», affirmait Jean Paul II lors du consistoire extraordinaire du 13 juin 1994, répondant aux critiques qui lui étaient faites. «L’Evangile s’est tellement répandu dans le monde (.) que, précisément, le grand nombre de bienheureux reflète de manière très vive l’action de l’Esprit Saint et la vitalité qui vient de lui dans le domaine qui est le plus essentiel pour l’Eglise, celui de la sainteté».
«Cependant, dans ce domaine, ajoutait-il, on doit encore enregistrer une disproportion entre les Eglises dont l’histoire chrétienne se compte en millénaire, et les jeunes Eglises. En même temps, il faut souligner que les jeunes Eglises ont un besoin particulier du signe de la sainteté». Ainsi, le premier laïc qu’il béatifia fut pour le Guatemala, en juin 1980. Il s’agit de Pedro de San José de Betancour, devenu le premier saint du pays en août 2002.
Malgré ces efforts d’encourager les Eglises locales en offrant des bienheureux ou des saints souvent déjà considérés comme des héros nationaux, un déséquilibre flagrant est constaté dans les causes en cours à la Congrégation pour les causes des saints. A ce jour, près de la moitié d’entre elles sont italiennes et un quart espagnoles, alors que le dernier quart comprend principalement des causes françaises, polonaises et d’Amérique du sud. Seules quelques rares causes africaines, allemandes, anglaises ou américaines sont à l’étude. Pour les Etats-Unis, on dénombre un seul saint véritablement originaire du continent – Catherine Drexel (1858-1955) -, contre des centaines pour un pays comme la France. Au Vatican, on explique ce déséquilibre en mettant en avant un «manque d’engouement» pour un geste «qui peut souvent mal être compris dans les pays marqués par le matérialisme ou par la présence d’autres religions dominantes».
Les papes saints
De saint Pierre à saint Gélase, les 53 premiers papes sont tous saints. Puis de 590 à 1294, 23 papes sont canonisés. Pie XII a canonisé Pie X (1903-1914) en 1954 et Jean-Paul II a béatifié Pie IX (1846-1878) et Jean XXIII (1958-1963) le 3 septembre 2000. Des procès sont actuellement en cours, pour Pie XII (1939-1958), Paul VI (1963-1978) et le procès de Jean Paul Ier (1978) s’est ouvert en 2003. (apic/imedia/hy/pr)