Rome: Présentation de la «Bulle d’indiction du Grand Jubilé de l’an 2000
Pénitence, réconciliation, charité, partage:
Les 4 mots clés du document «Incarnationis mysterium»
Rome, 27 novembre 1998 (APIC) C’est par une attitude de pénitence, de réconciliation, de charité et de partage avec leurs frères que les fidèles catholiques sanctifieront l’entrée dans le troisième millénaire. Jean-Paul II les y convie dans la «Bulle d’indiction du Grand Jubilé de l’an 2000», présentée vendredi à Rome, à la veille du premier dimanche de l’Avent, début de l’année liturgique. On trouve en annexe les dispositions pratiques pour obtenir l’indulgence du Jubilé, signées par le cardinal américain William Wakefiled Baum, Grand Pénitencier.
Le document, intitulé «Incarnationis mysterium», porte la signature de Jean Paul II, datée du 29 novembre. En quelque 35 pages, il présente quatre catégories de réflexions: une présentation des lieux de cet événement spirituel, les attitudes spirituelles, l’esprit et les «fruits» du Jubilé, et les oeuvres et démarches à accomplir, notamment pour obtenir l’indulgence jubilaire.
Dimension oecuménique et interreligieuse
Concernant les lieux du Jubilé, ils auront deux centres: Rome, ville dont l’évêque est le successeur de l’apôtre Pierre, et la Terre Sainte, «où le Fils de Dieu s’est fait homme». Cette terre est aussi le lieu où s’est implanté le peuple juif, où sont nées les premières communautés chrétiennes, elle est aussi vénérée par l’Islam. «Puisse le Jubilé, écrit le pape, favoriser un nouveau pas en avant dans le dialogue réciproque, jusqu’à ce qu’un jour tous ensemble – juifs, chrétiens et musulmans – nous échangions à Jérusalem le baiser de paix».
Le Jubilé aura donc une grande dimension oecuménique et interreligieuse. A l’occasion de cette grande fête, insiste le pape, les fidèles d’autres religions, de même que ceux qui sont éloignés de la foi en Dieu, sont cordialement invités eux aussi à partager notre joie».
Si les chrétiens sont invités à se rendre à Rome et en Terre Sainte, les cathédrales diocésaines, les églises particulières répandues à travers le monde et même les chapelles des communautés cloîtrées sont également des lieux privilégiés où se déroulera le Jubilé.
Purification de la mémoire
Pour ce qui est des attitudes spirituelles, les chrétiens sont invités à entrer, avec toute l’Eglise, dans une nouvelle période de grâce et d’esprit missionnaire, afin de discerner les traces de la présence de Dieu aujourd’hui. Cela suppose une «purification de la mémoire», qui demande à tous un acte de courage et d’humilité pour reconnaître les fautes commises par ceux qui ont porté et portent le nom de chrétien. Un Jubilé est une période d’appel à la conversion, souligne le texte. Bien que sainte, l’Eglise et ses fils ont souvent péché. Ce péché a fait obstacle à l’action de l’Esprit de Dieu dans le coeur de beaucoup de personnes. Le Jubilé est une occasion pour l’Eglise de s’agenouiller devant Dieu et d’implorer le pardon des péchés passés et présents de ses fils.
Parmi les signes de «la miséricorde de Dieu agissant dans le Jubilé», le pape signale, outre la purification de la mémoire, ceux de la «charité», qui invite à «créer une nouvelle culture de solidarité et de coopération internationale», ainsi que la » mémoire des martyrs», parmi lesquels ceux qui ont été victimes, au cours de ce siècle, «du nazisme, du communisme et des luttes raciales et tribales».
Un événement «rassembleur»
Le pape revient sur le premier Jubilé de l’histoire, ouvert en 1300 par le pape Boniface VIII qui, reprenant une tradition antique, […] voulut accorder à cette occasion une indulgence de tous les péchés. Depuis, note le pape, «les abus et les incompréhensions n’ont pas manqué» dans la manière de vivre les Années Saintes, «mais les témoignages de foi authentique et de charité sincère ont été largement supérieurs».
L’indulgence est «un des éléments constitutifs de l’événement jubilaire». Le pape explique: «Ordinairement, Dieu le Pèère accorde son pardon par le sacrement de pénitence, ou de la réconciliation». «Par l’indulgence accordée au pécheur repenti, ajoute le texte, est remise la peine temporelle pour les péchés déjà pardonnés quant à la faute», peine temporelle qui est une «purification», qui se fait «soit ici-bas, soit après la mort, dans l’état que l’on nomme Purgatoire».
Sur l’esprit et les «fruits» du Jubilé, le pape aimerait que ce temps spirituel soit «rassembleur», puisqu’il n’y a «qu’un corps et qu’un esprit». Mais pour vraiment se rassembler, les hommes doivent se réconcilier. C’est donc dans une démarche de pénitence et de pardon mutuel que la réconciliation pourra avoir lieu. L’entrée dans le nouveau millénaire encourage la communauté chrétienne à élargir son regard de foi vers des horizons nouveaux pour l’annonce du Règne de Dieu.
La miséricorde de Dieu s’exerce spécialement par l’intensification de la charité, qui ouvre les yeux aux besoins de ceux qui vivent dans la pauvreté et la marginalité. La liberté elle-même»continue à être pour trop de personnes un mot privé de contenu». La remise des dettes internationales est évoquée à ce propos, et dans cet esprit de charité.
Les indulgences
Le «Nouveau catéchisme de l’Eglise catholique» précise: «La doctrine et la pratique des indulgences dans l’Eglise sont étroitement liées aux effets du sacrement de pénitence». L’indulgence est «la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l’action de l’Eglise, laquelle, en tant que dispensatrice de la Rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints «. L’indulgence est partielle ou plénière, selon qu’elle «libère partiellement ou totalement de la peine temporelle due pour le péché». Les indulgences peuvent être appliquées aux vivants ou aux défunts.
On appelle indulgence, écrit de son coté l’encyclopédie catholique «Théo», la remise de la «peine» réparatrice des conséquences d’un péché. En effet, pour l’Eglise, tout péché, même pardonné, entraîne un devoir de réparation de ce qu’il a détruit (par exemple, il faut rendre l’argent volé). La réparation est nécessaire pour «voir» définitivement Dieu. Elle devra avoir lieu avant cette rencontre : sur terre ou, disent certains théologiens, au «purgatoire». A l’origine, les indulgences ont été accordées comme un substitut des pénitences très lourdes infligées dans l’Eglise des premiers siècles: excommunications, journées de jeûne…
Aujourd’hui, beaucoup de catholiques attachent peu d’importance aux indulgences, dont ils trouvent la doctrine liée à une conception étriquée de la justice divine. Dieu n’est pas, pour eux, celui qui juge avec une justice purement distributive, mais le juge qui justifie en donnant son amour à profusion. Cependant, la doctrine des papes Paul VI et Jean Paul II est très nouvelle par rapport à celle professée à certaines époques dans l’Eglise où, littéralement, celle-ci vendait les indulgences. Ce n’était pas l’amour qui réparait les conséquences du péché, mais l’argent. On vendait des mois ou des années d’indulgences, voire même des indulgences » plénières » (totales).
Depuis 1500, l’indulgence plénière accordée lors des Jubilés mondiaux impliquait d’aller prier dans les quatre basiliques majeures de Rome: Saint-Pierre, Saint-Paul hors-les-Murs, Saint-Jean-de Latran, Sainte-Marie Majeure. Depuis 1950, on peut l’obtenir dans tous les pays du monde en allant prier dans une église désignée préalablement par les évêques.
L’indulgence peut être obtenue «en tout lieu»
Quant aux oeuvres et démarches à accomplir, le Jubilé se réalisera par certaines attitudes et rites qui se dérouleront de la nuit de Noël 1999 (ouverture de la porte sainte de la basilique Saint-Pierre au Vatican, qui précédera de quelques heures la célébration inaugurale à Jérusalem et à Bethléem) jusqu’au jour de l’Epiphanie (6 janvier) 2001.
Parmi ces attitudes, il y a en premier lieu le pèlerinage, qui rappelle à l’homme sa condition de voyageur sur le chemin d’une terre où il ne fait que passer. Le pèlerinage, c’est le cheminement personnel du croyant «sur les pas du Christ rédempteur». C’est «un voyage matériel et spirituel», une «ascèse du corps et du coeur». Ce pèlerinage aboutit normalement à franchir, au seuil des grandes basiliques de Rome, les portes saintes. Jean Paul II précise le sens de la porte sainte: «Ouverte pour la première fois à la basilique Saint-Sauveur du Latran durant le Jubilé de 1423, elle évoque le passage que tout chrétien est appelé à effectuer du péché à la grâce», à travers Jésus qui a dit: «Je suis la Porte» (Jn 10,7). Franchir une porte, c’est traverser un seuil: symbole de décision et de responsabilité, symbole d’une foi appuyée sur le Christ, qui introduit dans la maison du Père. C’est dans cet esprit que, le premier, le pape franchira la porte sainte dans la nuit du 24 au 25 décembre 1999
Les dispositions pratiques données en annexe précisent que c’est d’abord la confession sacramentelle, «individuelle et complète», et la participation à l’Eucharistie qui sont nécessaires, les deux devant être accompagnées d’une prière aux intentions du pape et d’actions de charité et de pénitence. C’est ensuite que les fidèles peuvent se rendre en pèlerinage dans l’une des basiliques de Rome désignées pour cela, ou dans celles de Terre Sainte (Jérusalem, Bethléem ou Nazareth). Mais le Jubilé 2000 insiste moins sur les lieux à rejoindre et les démarches religieuses à y accomplir que sur l’esprit dans lequel il faut les vivres. L’annexe rappelle qu’»en tout lieu» l’indulgence jubilaire peut être obtenue si l’on rend visite à ses frères se trouvant dans la nécessité ou la difficulté (malades, prisonniers, personnes âgées et isolées, handicapés…), et si cette visite constitue véritablement un pèlerinage vers le Christ présent dans les petits, les malades, les pauvres et tous ceux auprès desquels il est possible de pratiquer la charité, notamment par l’aumône.
Dimanche 29 novembre, la bulle d’induction du Jubilé de l’an 2000 sera remise par le pape aux responsables des quatre basiliques patriarcales de Rome lors d’une cérémonie solennelle qui se déroulera devant la porte sainte, dans l’atrium de la basilique vaticane, avant la célébration de la messe. Une cérémonie très semblable à celle de l’Année Sainte proclamée par Jean Paul II en 1983.
Dans la tradition administrative vaticane, La «bulle», est un document solennel portant le sceau du pape régnant. Ecrite en latin, elle est généralement utilisée aujourd’hui pour conférer des titres aux évêques et cardinaux, ou pour promulguer des canonisations. Le présent texte porte «indiction» du Jubilé, à savoir l’annonce informative de sa date, de ses éléments et de ses structures. (apic/cip/pr)