Rome: Publication d’une «instruction» pour une traduction correcte des textes liturgiques

Pas de «Notre Père et Mère» dans les églises

Rome, 8 mai 2001 (APIC) Le Saint-Siège a rendu publique, le 8 mai 2001, la 5ème «instruction» pour «une application correcte de la constitution sur la liturgie» promulguée par le concile Vatican II. Si l’adaptation de la liturgie aux langues régionales est possible, avec l’approbation des évêques, il n’est par contre pas question d’adopter le pendant féminin d’un terme masculin traditionnel. Autrement dit, on ne récitera pas de «Notre Père et Mère» dans les églises.

Ce document d’une cinquantaine de pages a été rédigé en latin, français, anglais, espagnol et italien par la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. Il est signé par le préfet de la Congrégation, le cardinal Jorge Arturo Medina Estevez. Jean Paul II l’avait lui-même demandé en février 1997, souhaitant une plus grande «collaboration» entre le Saint-Siège et les évêques sur les questions de traductions liturgiques dans les langues vernaculaires.

Cette instruction, la cinquième depuis le Concile, insiste sur le problème des traductions souvent erronées ou dans des langues peu utilisées. Son objectif est de veiller à ce que les traductions faites dans chaque langue soient correctes. «Il est devenu évident, explique le document, que les traductions des textes liturgiques ont besoin, en divers endroits, d¹être améliorées, soit en les corrigeant, soit en réalisant une rédaction entièrement nouvelle».

«Il est légitime d¹affirmer que le rite romain constitue lui-même déjà un exemple précieux et un moyen de vraie inculturation», affirme l’introduction du document pour souligner que «l’identité» et «l’unité» de ce rite doivent être «conservées» dans toutes les traductions des livres liturgiques. Pour la Congrégation pour le culte divin, la traduction des textes liturgiques dans les langues vernaculaires (c’est-à-dire parlées dans une communauté restreinte) constitue ainsi à elle-même une «oeuvre d’inculturation».

Ne pas augmenter excessivement le nombre de langues

La premièère partie du document – qui en comprend cinq – concerne le choix des langues vernaculaires, qu’il est «licite» d’utiliser dans les célébrations liturgiques. Il est ainsi demandé à chaque évêque de distinguer les langues utilisées «spontanément» par la population, et celles «qui demeurent seulement un objet d’intérêt culturel». L’»instruction» distingue également les langues des dialectes. Quoi qu¹il en soit, explique la Congrégation pour le culte divin dans le document, il ne convient pas d¹augmenter «excessivement» le nombre des diverses langues liturgiques, «pour assurer une certaine unité linguistique à l¹intérieur d¹une même nation». Le choix de la langue revient à chaque conférence épiscopale, choix qui doit être en dernier lieu approuvé par le Saint-Siège.

Les deuxième et quatrième points traitent par ailleurs des modalités pratiques de la traduction et de la publication des livres liturgiques. Le document insiste en particulier sur l’importance de «rendre de façon fidèle et exacte le texte original» «Il importe, précise-t-il, que toute adaptation au caractère propre et au génie des diverses langues vernaculaires soit réalisée sobrement et avec prudence». Le document stipule cependant l’importance d’utiliser des mots «facilement compréhensibles» aux fidèles qui n’ont pas de formation intellectuelle, tout en respectant le contenu doctrinal des textes.

Ne pas féminiser les mots universels

Le document aborde alors le problème du genre des noms et des pronoms, étendu en particulier dans la langue anglaise. Certains mots expriment en effet conjointement masculin et féminin. «La demande d’une modification de cet usage ne doit pas nécessairement être admis comme si cela constituait la conséquence ou la manifestation d¹un vrai progrès dans la forme actuelle de la langue en question», précise l’»instruction». A titre d¹exemple, explique celle-ci, si le texte originel emploie un mot unique pour exprimer l’homme et l’universalité de la communauté humaine – comme le mot hébreu adam, qui signifie, en grec anthropos, et en latin homo -, «il faut conserver cette manière de s¹exprimer du texte dans la langue d¹origine dans la traduction».

Le document demande en particulier d’éviter les «solutions inconsidérées», de même que la «substitution improvisée» des mots, le changement du singulier au pluriel, la séparation d’un mot unique exprimant une réalité collective dans les deux genres masculin et féminin, ou l’introduction de termes impersonnels ou abstraits. Ainsi, les termes exprimant les affinités familiales ou d¹autres relations significatives, comme «frater» – frère – ou «soror» – soeur -, «qui sont clairement selon le contexte au masculin ou au féminin, doivent être transcrits de cette manière dans la traduction».

Par ces considérations sur les genres, l’»instruction» vise notamment les tentatives, côté germanophone, d’adopter parfois le pendant féminin à des termes traditionnellement masculins. Il n’est pas rare, en Allemagne et en Suisse, d’entendre des termes comme «Heilige Geistin» (Esprit-sainte) ou de réciter un «Vater und Muter unser» (Notre Père et Mère).

Conserver les locutions latines traditionnelles

Le document souligne par ailleurs que certains mots, «qui appartiennent au trésor de l¹Eglise» doivent être conservés littéralement «quand cela s’avère possible», comme, par exemple, les mots de la réponse du peuple : «Et cum spiritu tuo» ou la locution : «mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa», dans l¹acte pénitentiel de l¹ordinaire de la Messe.

L»instruction» précise que c’est à la Conférence des évêques que revient l’autorité de l’approbation des textes et de les transmettre au Siège Apostolique pour la reconnaissance officielle. Toute modification dans un livre liturgique qui a déjà été approuvé par la Conférence des évêques et qui a reçu la reconnaissance du Saint-Siège, ou un changement dans l¹ordre des textes, doivent être soumis à une nouvelle approbation.

La Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements prône enfin une «coordination» entre les traductions utilisées en commun dans les divers rites de l’Eglise catholique, «tout en respectant les diverses traditions». «Un rapprochement semblable est souhaitable aussi avec les Eglises orientales particulières non catholiques ou avec les autorités des communautés ecclésiales protestantes», ajoute le texte, «pourvu qu¹il ne s’agisse pas d’un texte liturgique qui comporte des points doctrinaux qui font encore l¹objet de divergences».

Cinq ans pour la mise en application

Les présidents des conférences épiscopales et les supérieurs d’ordre religieux ont cinq ans pour prendre en compte cette «instruction» et pour envoyer un rapport à la Congrégation sur les livres liturgiques en langue vernaculaire, en usage sur leur territoire ou dans leur institut.

La Congrégation pour le culte divin propose en outre aux évêques intéressés la réalisation d’une «ratio translationis», un document établi par ce même dicastère dans le but de trouver une manière adéquate d’appliquer les principes exposés dans cette «instruction», plus spécifiquement à la langue déterminée. Ce document pourra contenir notamment plusieurs autres éléments, comme, par exemple, une liste de mots de vocabulaire dans la langue choisie, avec leur équivalent en latin. (apic/imed/bb)

8 mai 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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