Rome: publication de l’encyclique «Redemptoris missio» (220191)

Les horizons nouveaux de l’activité missionnaire

Rome, 22janvier(APIC) «Le nombre de ceux qui ignorent le Christ et ne

font pas partie de l’Eglise est en augmentation continuelle; il a même

presque doublé depuis la fin du Concile. Pour cette humanité immense, aimée

du Père qui, pour elle, a envoyé son Fils, l’urgence de la mission est évidente». Cette évidence amène Jean Paul II à adresser un appel solennel à

toute l’Eglise. Il le fait dans sa huitième encyclique, intitulée «Redemptoris missio», dont le texte a été rendu public mardi 22 janvier à Rome. Le

propos n’est nullement défaitiste. Un vigoureux optimisme traverse au contraire le document, où Jean Paul II invite au courage de l’espérance.

Parmi les particularités de la nouvelle encyclique figurent le relief

donné aux jeunes Eglises dans la mission qui vise les non-chrétiens: elles

sont plusieurs fois appelées à s’ouvrir, à envoyer et accueillir des missionnaires venus d’autres partie du monde; l’action de l’Eglise pour promouvoir le développement, à travers l’éducation des conscience et l’évangélisation.

En proposant ce document consacré spécifiquement au thème de la mission

dans son sens le plus large – la mission «ad gentes» – aux peuples, à tous

les hommes, le pape Jean Paul II reprend une tradition interrompue par le

Concile Vatican II. L’encyclique se distingue en cela d’autres encycliques

missionnaires qui traitaient de thèmes plus particuliers. Le pape s’en réfère à deux documents plus globaux, l’encyclique «Maximum illud» de Benoît

XV (1919) et le décret «ad gentes» de Vatican II, en approfondissant la

première et en complètant le second. «Redemptoris missio» comporte une centaine de paragraphes répartis en huit chapitres.

Le premier devoir de l’Eglise

Pourquoi la mission «ad gentes»? La mission auprès des non-chrétiens

est-elle encore d’actualité? Le pape répond à ces questions dans une première partie plus théologique, en rappelant que la mission est un appel qui

naît de la foi: la mission, relève-t-il, «constitue un indice exact de ce

qu’est notre foi dans le Christ et dans son amour pour nous»; en fait, «le

Christ est l’unique Sauveur de tous, le seul en mesure de révéler Dieu et

de conduire à Dieu».

Porter l’Evangile à ceux qui ne connaissent pas encore le Christ est

donc le premier devoir de l’Eglise, «une tâche plus particulière que Jésus

a confiée et continue de confier quotidiennement à son Eglise». Une tâche

qui est aussi source et stimulant du renouveau de l’Eglise elle-même, souligne le pape: «La foi se renforce quand on la donne! La nouvelle évangélisation des peuples chrétiens trouvera inspiration et soutien dans l’engagement pour la mission universelle».

Jean Paul II éclaire la mission sous deux autres angles: outre un devoir

et un stimulant, l’évangélisation missionnaire «constitue le premier service que l’Eglise puisse rendre à tout homme et à l’humanité entière»; connaître la Bonne Nouvelle de Dieu, «à savoir qu’il se révèle et se donne

dans le Christ, est un droit de tous les hommes et de tous les peuples».

Des fruits nombreux, des ambiguïtés

Portant son regard sur la situation actuelle, en fonction des besoins de

l’Eglise et du monde, Jean Paul II décrit les multiples développements de

la mission depuis Vatican II, les «fruits nombreux» du Concile ainsi que

les ambiguïtés d’ordre théorique.

Parmi les aspects positifs, le pape relève, entre autres, le fait que de

nombreuses Eglises locales possèdent désormais leurs évêques, leur clergé

et leur personnel apostolique propre; l’insertion plus profonde des communautés chrétiennes dans la vie des peuples; l’échange de biens spirituels et

de dons auquel conduit la communion entre les Eglises; l’engagement des

laïcs dans l’évangélisation, qui «transforme la communauté ecclésiale»;

l’ouverture des Eglises particulières au dialogue et à la collaboration

avec d’autres Eglises et d’autres religions; et, surtout, la conscience

nouvelle que la mission concerne tous les chrétiens.

En clarifiant des ambiguïtés d’ordre théorique, l’encyclique fournit une

réponse aux difficultés qui tendent à affaiblir l’engagement missionnaire.

Ainsi se trouvent affirmés l’universalité du salut opéré dans le Christ, la

révélation complète et définitive de Dieu en Jésus-Christ, la relation nécessaire entre le Royaume, le Christ et l’Eglise (entre la dimension terrestre et la dimension eschatologique), la complémentarité des diverses activités visant à réaliser la mission dans toutes ses exigences, tout en reconnaissant la priorité de l’annonce explicite; le respect de la liberté

personnelle et de la proposition d’annonce de l’Evangile…

Des engagements divers, une unique mission

Dans la complexité du cadre actuel, en pleine mutation, Jean Paul II

perçoit des problématiques ou des idées diffuses, mais aussi «un travail

qui dénote un changement réel et comporte des aspects positifs». Il distingue dans la situation nouvelle trois activités de l’unique mission de

l’Eglise: l’activité proprement missionnaire qui s’adresse aux non-chrétiens, le soin pastoral des chrétiens et «la nouvelle évangélisation» de

ceux qui ne sont plus chrétiens. Puis il donne une description inédite des

espaces de la mission: territorial (qu’on a souvent tendance à oublier),

sociologique et culturel. L’aspect ethnico-géographique est l’occasion

d’une première précision: le brassage actuel, dû aux migrations, n’élimine

pas les différences ecclésiales liées au territoire. Il y a aussi les

transformations sociales qui pèsent sur la mission: urbanisation, jeunes,

migrations, différences de situation économique… Autant de réalités qui

sont de nouveaux domaines pour la mission, souligne Jean Paul II, sans oublier les mondes des médias, de la culture, de la rcherche spirituelle.

Le pape renvoie aussi à des pratiques pastorales qui offrent de nouvelles perspectives de dialogue auxquelles il attache une importance capitale,

comme, l’inculturation, les communautés de base et les nouveaux ministères.

Outre l’accent mis sur la contribution des jeunes Eglises à la mission

auprès des non-chrétiens, une autre nouveauté concerne l’action de l’Eglise

pour promouvoir le développement. Jean Paul II introduit ici deux concepts

nouveaux qui complètent l’enseignement de sa précédente encyclique sur le

développement (»Sollicitudo rei socialis», publiée pour le 20e anniversaire

de l’encyclique «Populorum progressio» de Paul VI): l’Eglise promeut le développement à travers l’éducation des consciences et l’évangélisation; cette contribution de l’Eglise au «développement» concerne non seulement le

Sud, mais également le Nord, que le pape invite à une plus grande austérité.

Générosité et clairvoyance

«Les horizons et les possibilités de la mission s’élargissent, et nous,

chrétiens, sommes invités au courage apostolique, fondé sur la confiance en

l’Esprit», écrit Jean Paul II dans le chapitre consacré à l’urgence du devoir missionnaire aujourd’hui. Il poursuit par une exhortation: «Il y a eu,

dans l’histoire de l’humanité, bien des mutations capitales qui ont stimulé

le dynamisme missionnaire. Et l’Eglise, guidée par l’Esprit, leur a toujours répondu avec générosité et clairvoyance… L’Eglise doit aujourd’hui

affronter d’autres défis, en se projetant vers de nouvelles frontières…

L’activité missionnaire en est seulement à ses débuts!»

Jean Paul II adresse son appel à l’Eglise dans son ensemble, aux Eglises

particulières et spécialement aux jeunes Eglises, aux évêques et à toutes

les catégories ecclésiales: ceux qui se sont engagés comme missionnaires à

vie, les prêtres diocésains (surtout dans les pays à minorité chrétienne),

les religieux, les théologiens, les laïcs (qui peuvent fournir une contribution particulière au dialogue et aux nouvelles formes de coopération),

les mouvements d’Eglise, les jeunes,…

L’encyclique s’adresse aussi à ceux qui ne font pas partie de l’Eglise.

Jean Paul II, en effet, assure les non-chrétiens, et spécialement les autorités des pays vers lesquels se tourne l’activité missionnaire, que «cette

dernière n’a qu’un but: servir l’homme en lui révélant l’amour de Dieu qui

s’est manifesté en Jésus-Christ».

Dans sa conclusion, Jean Paul II se tourne à nouveau vers les catholiques. «Nous ne pouvons demeurer inertes, leur dit-il, lorsque nous pensons

à ces millions de frères et soeurs, eux aussi rachetés par le sang du

Christ, qui vivent dans l’ignorance de l’amour de Dieu». Le pape lance encore le cri de Pierre et de Jean devant le sanhédrin: «Nous ne pouvons pas

nous taire», un cri qui fait écho à celui lancé dès le début de son pontificat: «Ouvrez les portes au Christ!» (apic/cip/pr)

Encadré

«Redemptoris missio» est la 8e encyclique publiée par Jean Paul II depuis le début de son pontificat (1978), et la première qui soit une encyclique missionnaire. C’est d’ailleurs la première encyclique missionnaire

depuis le Concile Vatican II (1962-1965).

Les 7 premières encycliques traitaient respectivement des trois personnes de la Trinité: Dieu le Père (1980), le Fils (1979), le Saint-Esprit

(1986). Une encyclique était consacrée à la Vierge Marie (1987). Deux encycliques touchaient les questions socio-économique (sur le travail en 1981,

la solidarité en 1987), et une l’évangélisation des peuples slaves (1985).

(apic/pr)

22 janvier 1991 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
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