Selon le préfet des archives du Vatican, chercheurs peu empressés

Rome: Sous utilisation des documents accessibles concernant le pape Pie XII

Rome, 16 janvier 2005 (Apic) Les documents accessibles concernant le pape Pie XII sont sous-utilisés, alors que son procès en béatification entrera dans une nouvelle phase en mars 2005. Mgr Sergio Pagano, préfet des Archives secrètes du Vatican, regrette que les chercheurs ne travaillent pas davantage sur les archives déjà accessibles de la Seconde Guerre mondiale.

Interrogé par le quotidien italien «Avvenire», vendredi 14 janvier 2005, le responsable des archives du Vatican a tenu à répondre aux demandes d’ouverture publique des archives du pontificat de Pie XII faites dans la presse italienne. Il s’exprime suite à la polémique qui a repris, fin décembre, sur l’attitude de l’Eglise catholique face à la «shoah», le génocide des juifs par les nazis.

Les chercheurs se défilent

Le conservateur des Archives secrètes du Vatican a le sentiment que la voix de certains chercheurs est par trop amplifiée par la presse. «Ils appellent à l’ouverture des archives comme pour entrer dans une forteresse secrète dont ils imaginent la résistance. Mais quand la porte s’ouvre, ceux qui se lançaient à l’abordage ne se présentent pas, ou font une visite presque touristique».

«Depuis le mois de mai et l’ouverture du fonds du Bureau d’informations du Vatican pour les prisonniers de guerre, dix chercheurs de toute l’Europe sont venus le consulter», constate Mgr Pagano. Il souligne aussi que les archives des nonciatures de Munich et de Berlin accessibles jusqu’en 1939 n’attirent plus aujourd’hui que «quelques historiens sérieux et méthodiques».

Quand la recherche ne peut confirmer les préjugés.

«La majorité des curieux a disparu, comme si, ne pouvant pas trouver la confirmation à leur thèse préétablie mais non documentée, les archives devaient être oubliées». 40 à 50 chercheurs travaillent quotidiennement aux archives, en particulier sur les documents des périodes médiévales et modernes. En 1999, année records, 1444 personnes sont venues consulter les Archives secrètes.

Les Archives secrètes du Vatican se nomment ainsi car ce sont les archives privées du pape, explique le prélat salésien, agacé par l’idée répandue que les archives du Vatican veulent garder leurs mystères. «Les mystères n’existent que pour ceux qui ne savent pas faire des recherches sérieuses dans les archives».

Des archives sans mystères

Seul le pape dirige les archives, en fixe les normes, ce qui concerne aussi la date d’ouverture des fonds, a-t-il poursuivi. En ce domaine, Jean Paul II a «surpassé» ses prédécesseurs. Depuis 1978, il a ordonné l’ouverture des archives de quatre pontificats, celui de Léon XIII (1878- 1903), de Pie X (1903-1914), de Benoît XV (1914-1922) et de Pie XI (1922- 1939). Toutes les archives jusqu’à 1939 seront accessibles dans les premiers mois de 2006.

La prochaine ouverture concernera le pontificat de Pie XII jusqu’en 1958, a expliqué le prélat, qui souligne que cette annonce avait déjà été faite en 2002. Cependant, le personnel limité et le long travail que demande la communication de fonds d’archives au public ne permettent pas de dire que la consultation globale des documents concernant le pontificat de Pie XII soit proche. «Pour autant, comme pour tous les autres fonds ouverts aux chercheurs, nous n’avons aucune crainte de bouleversement historiographique».

Mgr Pagano souligne qu’aucun chercheur, clerc ou laïc, n’a de privilèges. «Ils sont tous soumis aux mêmes règles. Personne ne pourra dire qu’il a obtenu de moi un permis spécial», en dehors des postulateurs pour les causes des saints qui, pour les raisons de leurs enquêtes, ont accès à des documents des périodes non ouvertes à la consultation.

Le Saint-Siège pas favorable à une ouverture des archives trop contemporaines

Le préfet des archives du Vatican a aussi expliqué que le Saint-Siège n’était pas favorable à une ouverture des archives trop contemporaines. Dans de nombreux pays, la législation fixe l’ouverture des archives à un minimum de 50 ans après la fin des faits et à un maximum de 100 ans pour les documents les plus «réservés».

Mgr Pagano a aussi rappelé que, depuis leur ouverture aux chercheurs en 1881 par le pape Léon XIII, les Archives secrètes du Vatican ont multiplié leur volume de documentation par 15. Elles sont passées de cinq kilomètres de rayonnages à plus de 80 et les fonds d’archives s’enrichissent sans cesse. Ainsi, en six ans, 10 millions de documents y sont entrés pour y être conservés. Aujourd’hui, on peut évaluer à plus de deux millions le nombre de boites conservant chacune plusieurs centaines de lettres, notes administratives et rapport dactylographiés ou manuscrits.

Ainsi, c’est un véritable problème de préparer ce matériel d’archives pour la consultation publique, explique Mgr Pagano. «Nous ouvrons les archives par pontificat entier et, en ce qui concerne celui de Pie XII, ce sont vingt années qui sont à prendre en compte». Il faut dresser des inventaires, numéroter chaque document, le tamponner aux armes des archives pour éviter les vols, relier ces papiers. «On peut comprendre que cela demande des années de travail et une importante mobilisation humaine». Ainsi, des documents de fonds diplomatiques du XVe et XVIe siècles n’ont pas encore pu être inventoriés.

«La Civiltà Cattolica» intervient à son tour: plus de 25’000 juifs sauvés en Hongrie

Dans la polémique autour de l’attitude de Pie XII face au génocide des juifs par les nazis, réalimentée ces dernières semaines par la publication d’un document provenant d’archives françaises, la revue jésuite «La Civiltà Cattolica» – relue par la Secrétairerie d’Etat – est aussi intervenue dans son numéro à paraître le 15 janvier.

Le jésuite et historien, Giovanni Sale explique dans un article intitulé «Le Saint-Siège et l’extermination des juifs hongrois», que l’appel de Pie XII aux autorités hongroises le 25 juin 1944 les a convaincues de stopper la déportation des juifs du pays. Plus de 25’000 juifs auraient ainsi échappé à la mort.

En ce qui concerne «les silences sur les déportations et l’extermination des juifs» dont le Saint-Siège est accusé, le Père Sale affirme que le Vatican avait choisi à cette période la voie qu’il retenait comme la plus efficace pour atteindre certains objectifs concrets. Le Saint- Siège était convaincu que, sur le plan opérationnel, la menace d’une dénonciation publique pouvait être plus efficace. Une protestation publique, poursuit le jésuite, «aurait pu avoir des conséquences nuisibles pour la cause que l’on souhaitait défendre».

Progrès dans la cause de béatification de Pie XII

Enfin, le jésuite Peter Gumpel, postulateur de la cause de béatification de Pie XII, a indiqué au quotidien italien «Il Giornale» le 14 janvier 2005 que le procès du pape de la Seconde Guerre mondiale entrera dans une nouvelle phase en mars. «La cause progresse, a expliqué le Père Gumpel, mais aujourd’hui personne ne peut dire quand le procès se conclura. Une commission d’historiens de la Congrégation pour les causes des saints se réunira alors pour examiner les pièces du procès. La cause en béatification de Pie XII a été initiée en 1965 par Paul VI en même temps que celle de Jean XXIII, béatifié en 2001. (apic/imedia/hy/be)

16 janvier 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 5 min.
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