Les autorités russes n’ont pas peur de se contredire

Russie: La reconnaissance légale refusée aux jésuites, mais pas aux Témoins de Jéhovah

Moscou, 11 mai 1999 (APIC) Alors que le gouvernement de la Fédération de Russie refuse toujours la reconnaissance légale aux jésuites, la plus grande congrégation religieuse masculine catholique, elle vient pourtant de l’accorder aux «Témoins de Jéhovah». Le Ministère russe de la Justice a en effet enregistré officiellement cette secte millénariste antitrinitaire fondée aux Etats-Unis en 1880 par Charles Taze Russel.

La secte d’origine américaine, célèbre pour son démarchage de porte à porte, compte plus de 5 millions de membres actifs dans le monde, connus sous le nom de «proclamateurs». Elle est particulièrement engagée dans des activités prosélytes. En Russie, elle s’est fait enregistrer sous le nom de Centrale administrative des Témoins de Jéhovah en Russie. Les autorités russes admettent ainsi que ce mouvement religieux est présent dans le pays depuis plus de 50 ans.

Lutter contre le prosélytisme religieux et l’influence étrangère

Il est piquant de relever que c’est justement pour éviter le prosélytisme d’origine étrangère et les activités religieuses portant atteinte à la foi orthodoxe du peuple russe que le législateur russe, appuyé par l’Eglise orthodoxe, a imposé en 1997 de sévères restrictions aux communautés religieuses «non-autochtones».

Si l’orthodoxie, l’islam, le judaïsme et le bouddhisme sont reconnus comme religions traditionnelles et nationales, les catholiques et les protestants, pourtant présents depuis des siècles sur le territoire de l’ancien empire tsariste, font face à des difficultés considérables. Toutes les communautés religieuses non traditionnelles doivent se faire enregistrer jusqu’à la fin de cette année. Les deux évêchés catholiques de Moscou, pour la partie européenne de la Russie, et de Novosibirsk, pour la Sibérie, ont déjà été reconnus. Ce sont les paroisses et les prêtres étrangers – auxquels on refuse souvent de renouveler le visa – qui doivent faire face à de grandes difficultés et tracasseries administratives.

Procédures discriminatoires partout présentes

«C’est un développement réjouissant pour la liberté religieuse en Russie», commente l’avocate américaine Lauren Homer, en apprenant la légalisation des Témoins de Jéhovah. Dans une interview accordée à l’agence d’information «Religion Today», elle souligne tout de même que l’avenir de nombreuses communautés religieuses n’est pas assuré dans le pays. Lauren Homer mentionne par exemple les procédures discriminatoires des autorités provinciales à l’encontre de minorités religieuses et la progression de l’antisémitisme dans la société.

Malgré leur reconnaissance juridique, les Témoins de Jéhovah en Russie ne sont pas encore au bout de leurs peines. S’appuyant sur une législation de 1997, qui interdit les groupes qui prêchent la haine ou l’intolérance, la justice moscovite essaie de bannir la secte de la capitale russe. Dans le procès contre les Témoins de Jéhovah, qui dure depuis plusieurs mois, les juges reprochent aux membres de la secte de diviser les familles et de prêcher l’intolérance. D’après leurs propres estimations, les Témoins de Jéhovah sont au nombre de 250’000 en Russie.

Quant aux jésuites, leurs demandes déposées au Ministère de la Justice à Moscou se sont heurtées à une fin de non recevoir. Le Père Hans Zwiefelhofer, secrétaire général des jésuites, a déclaré mardi à l’APIC à Rome qu’après le refus d’enregistrer les jésuites, d’autres congrégations religieuses catholiques devaient s’attendre à devoir travailler en Russie sans une base légale assurée. Selon la législation sur les activités religieuses de 1997, les jésuites auraient dû, pour être reconnus, disposer de trois implantations avec chacune dix prêtres autochtones. A l’heure actuelle, les jésuites de Russie n’ont que deux établissements, à Moscou et à Novosibirsk, avec en tout 35 religieux. Après la chute de l’Union soviétique, en 1992, la Société de Jésus, première congrégation religieuse catholique reconnue, avait pu alors être enregistrée sans problème. Malgré une situation légale pas encore clarifiée, le Père Zwiefelhofer considère que la présence jésuite en Russie n’est pas menacée, car ses implantations peuvent être couvertes juridiquement par les deux administrations apostoliques de Moscou et de Novosibirsk, qui jouissent, elles, d’un statut légal. (apic/kna/cic/be)

11 mai 1999 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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