Fribourg : Prier un saint pour régler un problème, entre religion et tradition populaire
Savoir à quel saint se vouer
Fribourg, 29 avril 2013 (Apic) Dans la tradition populaire, il est courant de s’adresser aux saints pour obtenir un secours ou une faveur. Il existe même des listes qui répertorient chaque saint et le domaine particulier dans lequel il est censé intercéder. Retour sur une pratique séculaire, que Rome n’a jamais officialisée par des directives.
De tout temps, la plupart des humains ont été moins obsédés par leur bonheur éternel au paradis que par leur survie sur Terre. «On en est arrivé tout naturellement à demander aux saints de se soucier un peu moins de notre futur accueil céleste pour se consacrer un peu plus à notre confort terrestre. C’est ainsi que sont nés les saints intercesseurs «, écrit Jacques Veissid dans son livre «Savoir à quel saint se vouer», paru en 2002 aux Editions Perrin.
D’après l’Eglise, le saint invoqué n’a toutefois pas lui-même le pouvoir de décision : il va jouer le rôle d’avocat qui va plaider notre cause auprès de Dieu, qui, seul, peut accomplir le miracle… ou non.
Dans ce cas, a-t-on vraiment besoin de ces intermédiaires pour communiquer avec Dieu ? Le proverbe ne dit-il pas :  » Il vaut mieux avoir affaire à Dieu qu’à ses saints»? Certes, mais le chrétien peut se sentir indigne de s’adresser directement à Dieu. Il préférera alors s’adresser à un intermédiaire comme le saint, qui, ayant eu une expérience terrestre, est plus sensible aux problèmes humains, et ainsi, plus capable de toucher le cœur de Dieu.
L’appel à un saint n’est pas un acte de superstition, mais bien un acte à caractère religieux. En effet, seule l’Eglise peut élever un personnage au rang de bienheureux (béatification) puis de saint (canonisation). Cet acte officiel autorise les fidèles à le vénérer et à le prier.
C’est le pape Benoît XIV qui au milieu du XVIIIe siècle fixa le rituel des béatifications et des canonisations. Selon lui, «il importe de multiplier nos intercesseurs auprès de Dieu ; certains saints ont reçu le pouvoir d’exercer leur patronage en notre faveur, dans certains cas et pour des causes toutes spéciales».
Tradition populaire et religion
Comment les saints sont-ils devenus intercesseurs dans un domaine plutôt qu’un autre ? C’est là que vient se mêler à la religion la tradition populaire.
Pour Jacques Veissid, journaliste et essayiste français, les saints martyrs vont être compétents dans un domaine ayant un rapport avec le supplice qu’ils ont subi. Par exemple, un saint mort sur le bûcher pourra guérir les brûlures. Parfois aussi, ce sont les saints eux-mêmes qui ont promis au moment de leur mort d’intercéder dans des cas particuliers.
Mais souvent, il s’agit de traditions familiales qui se sont étendues. Si dans une famille, on avait l’habitude de prier tel ou tel saint pour les maux de tête, par exemple, la tradition va se perpétuer et s’étendre à un cercle plus large.
Encadré
Le cardinal Henri Schwery, évêque émérite de Sion, a été membre de la Congrégation pour les Causes des Saints au sein de la curie romaine pendant douze ans. Il est aussi l’auteur du livre « Saints et Sainteté », paru aux Editions Saint-Augustin à St-Maurice en Valais. Il donne le point de vue de l’Eglise sur les saints.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un saint ?
Premièrement, un saint est un personnage qui a existé, et non imaginaire. Saint Georges, par exemple, n’a jamais existé ! Pour saint Paul, tous les baptisés sont des saints. Autre définition : les saints sont des êtres humains dont on a la certitude qu’ils sont dans la plénitude du bonheur auprès de Dieu. Par exemple, les membres de votre famille. Il existe aussi une troisième catégorie, celle des saints canonisés. Dans ce cas-là , l’Eglise s’engage à proclamer « saints » des chrétiens après avoir examiné leur vie pour être sûre qu’ils sont des modèles quasiment parfaits. C’est un acte officiel.
Comment devient-on un saint intercesseur ?
Lorsqu’un chrétien est canonisé par l’Eglise officielle, Rome, un culte public lui est rendu. L’Eglise ne va jamais chercher des saints sur le terrain. La démarche doit venir du peuple, qui doit s’adresser à son évêque. Ce dernier organise alors une enquête. Si les conclusions sont positives, il dépose les résultats de son enquête à Rome, au Département de la Congrégation pour les Causes des Saints, qui va vérifier si les règles de l’Eglise ont bien été respectées. Le dossier va ensuite être soumis à une dizaine d’experts en théologie. La question est de savoir si le candidat a pratiqué durant sa vie les vertus de façon héroïque. Après un débat où experts et membres de la Congrégation (en majeure partie des cardinaux) doivent s’accorder, le cardinal-préfet apporte les conclusions au pape pour lui proposer un décret de reconnaissance des vertus héroïques du candidat. Dès ce moment-là , le candidat peut porter le titre de « vénérable ». Vient ensuite l’étape de la béatification, nécessaire avant la canonisation. A ce stade, il faut la preuve que le candidat a fait un miracle dans sa vie. Les miracles sont la plupart du temps des guérisons. Ces guérisons, pour être considérées comme miraculeuses, doivent répondre à trois conditions : Y a-t-il eu une guérison immédiate ? La guérison a-t-elle été totale ? La guérison est-elle durable ? Le tribunal crée par l’évêque du diocèse d’où vient le candidat va alors demander aux médecins si la guérison est scientifiquement explicable. Si oui, l’affaire est classée. Si non, le dossier va à Rome où le même processus recommence. Experts, confrontations, etc. Le cardinal-préfet va voir le pape pour lui faire signer un décret reconnaissant l’authenticité du miracle. Le pontife peut décider de la béatification. La dernière étape pour être déclaré « saint » est la canonisation. Un deuxième miracle doit être authentifié. Tout le processus est extrêmement long, quand on sait, qu’en plus, on a le droit d’étudier la vie d’un candidat que cinq ans après sa mort…
Combien y a-t-il de saints ?
Facilement des milliers. Le nombre de béatifications a explosé sous Jean Paul II. Il y en a eu des centaines.
L’appel aux saints est-il une superstition ?
Il ne faut pas en faire en rituel magique. Les traditions populaires n’ont rien à voir avec des directives de l’Eglise. Rome ne va pas officialiser cela.
Comment s’adresser aux saints intercesseurs ?
Il n’existe pas spécialement de rituel pour cela. Chacun prie selon son cœur. Ce n’est pas la forme qui manifeste le plus la piété intérieure.
Encadré :
«»¢ Perte d’un objet : La tradition populaire conseille de faire appel à saint Antoine de Padoue. L’efficacité est renforcée si la prière est adressée au moment où la perte de l’objet est constatée. L’idée d’invoquer saint Antoine, prêtre franciscain portugais (1195-1231) pour retrouver les objets perdus vient du fait qu’un voleur (qui deviendra un pieu novice) lui aurait dérobé ses commentaires sur les Psaumes et se serait ensuite senti obligé de les lui rendre.
Pour les animaux domestiques égarés, il existe un intercesseur particulier : saint Martin, évêque de Tours au IVe siècle. On raconte qu’ayant entrepris un voyage à Rome, Martin a vu son âne se faire dévorer par un ours pendant la traversée des Alpes ; furieux, Martin fait de l’ours une bête de somme et lui ordonne de porter ses bagages jusqu’à Rome.
«»¢ Travail : Pour ne pas se décourager lorsqu’on recherche un emploi, on adressera une prière à saint Monas, évêque de Milan mort en 249, après chaque démarche infructueuse. Avant un entretien d’embauche, prier saint Anastase, martyr à Rome au IVe siècle, est recommandé. Le pape saint Etienne 1er, mort en 257, apporte son soutien à ceux qui sont en butte à l’hostilité d’un supérieur.
«»¢ Argent : Quand on a beaucoup de dettes, et qu’on ne sait pas comment les éponger, on peut, à condition qu’elles aient été contractées dans un but louable, obtenir l’aide de saint Albin. Quand on ne peut pas payer ses impôts, on adresse des prières à saint Eusèbe, pèlerin irlandais mort en 884. Quant à saint Marc, médecin italien devenu prêcheur franciscain (1426-1497), il vient en aide aux familles dans le besoin.
«»¢ Problèmes de communication : Le téléphone est en panne ? Internet coupe sans arrêt ? Le spécialiste est l’archange saint Gabriel. Le pape Pie XII l’a déclaré patron de tous les techniciens et professionnels de la communication.
«»¢ Santé : Pour les petits maux les plus courants, une petite prière au bon interlocuteur :
Maux de dents : Sainte Apolline, martyre en 249 à Alexandrie. Pour l’obliger à rendre hommage aux dieux romains, on lui brisa toutes les dents.
Maux de tête : Saint Denis, premier évêque de Paris, mort en martyr vers 258. Décapité, il prit sa tête dans ses mains et se mit à marcher.
Maux de ventre : Saint Guy, sacristain de l’église de Laeken, mort de dysenterie en 1012. Saint Honoré de Buzançais, tué par ses serviteurs de plusieurs coups de couteau dans le ventre en 1250.
Brûlure : Saint Laurent, martyr à Rome en 258, fut couché sur un grand grill. Saint Benoît, ermite en Campanie condamné à être brûlé en 550, il ressortit tout frais du four où on l’avait enfermé.
Insomnie : Saint Désiré, évêque de Langres au Ve siècle. Il prêchait pendant si longtemps que presque tous les fidèles finissaient par s’endormir.
Ronflements : Saint Bernard, premier abbé du monastère de Clairvaux (1090-1153). Il est bon de réciter à voix basse, auprès du dormeur, la prière qu’on lui adresse.
«»¢ Disputes, brouilles : Vous ne savez comment mettre fin à un conflit ? Saint Nicéphore, martyr à Antioche en 260, décapité à la place de son meilleur ami avec lequel il était brouillé, aide à apaiser les choses.
«»¢ Voyages : Saint Christophe. La légende raconte qu’un géant, alors appelé  »Réprouvé », aida le Christ à traverser une rivière. Il fut donc rebaptisé Christophe, celui qui porta Jésus.
Ainsi, Saint Christophe devint le patron des voyageurs, pour les protéger dans leurs expéditions, et aujourd’hui Saint Christophe est le patron des voyageurs modernes : les automobilistes !
«»¢ Logement, habitation : Saint Joseph, époux de la Vierge Marie et père adoptif du Christ, donne un coup de pouce à ceux qui recherchent un logement. Il chercha en vain un asile pour permettre à Marie d’accoucher dans un lieu décent et ne trouva qu’une étable.
«»¢ L’amour : Mettez toutes les chances de votre côté en vous adressant à … Saint Valentin bien sûr ! Ce prêtre fut exécuté par l’empereur romain Claude le Gothique au IIIe siècle pour avoir marié en secret de jeunes fiancés, alors que l’empereur avait interdit le mariage afin d’envoyer plus d’hommes à la guerre. Chagrin d’amour ? Sainte Marie Madeleine, disciple de Jésus qui le suivit jusqu’à son dernier jour, panse les plaies. Vous souhaitez devenir maman ? C’est l’affaire de sainte Anne, mère de la Vierge Marie. Elle aurait eu sa fille à 67 ans. Son invocation est donc particulièrement conseillée pour les femmes un peu âgées. Saint François d’Assise (1181-1226) a par ailleurs de tout temps été invoqué avec succès par les femmes stériles.
«»¢ Le temps : Pour faire cesser la pluie, priez saint Fructueux. Cet archevêque de Braga, au Portugal, mort en 665, avait de son vivant la réputation de pouvoir arrêter la pluie. Saint Roland, mort en 1386, s’occupe de faire revenir le soleil. Ermite pendant 26 ans dans la forêt de Parme, il vivait sans abri afin d’être exposé aux intempéries. Mais le Ciel voulant l’épargner, il n’y eut pas un seul jour de mauvais temps durant toute cette période.
«»¢ La mort : Sainte Brigitte peut éclairer ceux qui veulent connaître à l’avance la date de leur mort. Epouse d’un prince de Suède, elle reçut des visions et des révélations du Ciel. Quant à ceux qui veulent vivre longtemps, il faut qu’ils prient saint Siméon. Cousin du Christ et évêque de Jérusalem, il fut fouetté puis crucifié en 104, à l’âge de 120 ans. (apic/cw)