Semaine de prière pour l’unité des chrétiens: «Qu’il est beau d’être chrétiens ensemble!»
Fribourg: Barbara Hallensleben aborde les «questions brûlantes du dialogue œcuménique»
Fribourg, 18 janvier 2013 (Apic) «L’Eglise est notre maison, une maison que nous aimons» – et malgré la persistance de divergences, «c’est notre maison!» -, a lancé vendredi 18 janvier Noël Ruffieux, président de la Commission œcuménique de Fribourg et environs. Ce laïc orthodoxe a dit rêver depuis des années de la création d’un organe œcuménique faîtier dans le canton de Fribourg.
Rassemblées à l’occasion de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, une quarantaine de personnes se sont retrouvées à la salle paroissiale de Saint-Pierre pour suivre l’exposé de Barbara Hallensleben. Professeure ordinaire de théologie dogmatique à l’Université de Fribourg, elle a traité des «questions brûlantes du dialogue œcuménique».
Prêtres, diacres, pasteurs réformés et évangéliques, assistants pastoraux, laïcs catholiques, protestants et orthodoxes ont librement confronté leurs vues avec celles de la théologienne, membre la Commission Théologique Internationale à Rome, spécialiste des relations œcuméniques et des réalités orthodoxes.
Divisions par le feu de l’Esprit et divisions par l’esprit de discorde
S’inspirant des Ecritures saintes, Barbara Hallensleben a donné des clefs pour distinguer entre les divisions qui s’instaurent par le feu de l’Esprit du Christ et les divisions provoquées par l’esprit de discorde. En citant l’évangile de Luc – «C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé !» (Luc 12, 49-53) -, Barbara Hallensleben a relevé qu’effectivement l’Esprit-Saint «divise» en offrant la diversité et la multiplicité des charismes.
Par contre, il y a des divisions qui s’opposent au feu de l’Esprit du Christ, souligne-t-elle, en citant l’épître aux Corinthiens: «Mais je vous exhorte, frères, au nom de notre Seigneur Jésus Christ: soyez tous d’accord, et qu’il n’y ait pas de divisions (schismata) parmi vous; soyez bien unis dans un même esprit et dans une même pensée» (1 Cor 1, 10-11).
Orthodoxes et catholiques ont une même conception
A partir de l’ouvrage «Vraie et fausse réforme dans l’Eglise», du célèbre théologien dominicain français Yves Congar, Barbara Hallensleben a développé les conditions d’une réforme de l’Eglise sans provoquer de schisme, dont la première est qu’elle donne la primauté à la charité et au pastoral. «Il ne faut pas que la réaction prophétique se développe pour elle-même et devienne un système… Il faut rester dans la communion du tout, car on ne tient la vérité totale que dans la communion totale», précise-t-elle. Pour cela, il faut de la patience et éviter les mises en demeure.
Développant le credo des réformateurs par opposition au catholicisme – sola gratia (Par la grâce seule); sola fide (Par la foi seule); sola scriptura (Par l’Ecriture seule), solo Christo (Par le Christ seul) -, la théologienne a rappelé que pour les protestants, contrairement aux catholiques, l’ordination sacramentelle est en contradiction avec la confiance en Dieu seul. Tant pour les catholiques que pour les orthodoxes, «Dieu agit par la coopération des êtres humains, par la ’synergie des hommes’, comme le disent les orthodoxes». L’ordination sacramentelle est pour eux l’expression de la confiance que Dieu donne la grâce, la foi, sa parole, la rédemption, à travers la coopération des hommes.
Si catholiques et orthodoxes sont unis «jusqu’au niveau de l’évêque», ils se séparent sur la question du primat de l’évêque de Rome, le pape. «Cette question bloque le dialogue», regrette-t-elle. Barbara Hallensleben déplore dans l’Eglise catholique romaine des retours en arrière très dommageables et une tendance «antiprotestante» de centralisation qui bloque l’œcuménisme. «Tant que l’Eglise catholique ne se réalise pas comme communion d’Eglises particulières, communion d’Eglises sœurs, communion d’Eglises locales, qui ne se réduisent pas aux diocèses, elle ne sera pas capable d’accomplir pleinement son engagement œcuménique!» La théologienne exprime le souhait que la Conférence des évêques suisses se profile davantage, qu’elle parle parfois plus clairement et plus fort, que les paroisses, la Faculté de théologie, fassent de même.
L’Eglise doit retrouver son dynamisme messianique
La professeure souhaite ainsi vivement que l’Eglise retrouve son dynamisme messianique face à l’économisation totale et globale du monde. Reprenant la pensée de l’académicien italien Giorgio Agamben, récemment honoré par la Faculté de théologie de Fribourg, la théologienne a mis en garde: si les chrétiens, à force d’être «politiquement corrects» et de réduire la foi à l’éthique, perdent la capacité de prononcer une parole sur ce monde à partir de la foi, «le monde lui-même perdra sa capacité d’avoir un sentiment d’espoir!» Si l’Eglise ne saisit pas sa chance historique de renouer avec sa vocation messianique, elle risque elle-même d’être entraînée dans la ruine.
Le pasteur réformé Daniel de Roche a salué l’appel à l’Eglise messianique lancé par Barbara Hallensleben, mais il a trouvé réductrice la présentation de la position protestante dans la formulation sola gratia, sola fide, sola scriptura, solo Christo. Il a cependant insisté: en Suisse en particulier, l’œcuménisme entre réformés et catholiques est indispensable. «On ne peut en aucun cas y renoncer, car une question commune nous est posée: comment dire la foi chrétienne dans notre société aujourd’hui?».
«Comme minorités, nous devons marcher ensemble!»
Noël Ruffieux a pour sa part relevé les enjeux du futur Concile panorthodoxe, déplorant en particulier «une maladie créée surtout au XIXe siècle», à savoir le nationalisme ecclésial, voire le «tribalisme ecclésial» qui fait rage dans l’Eglise orthodoxe. «C’est là son péché le plus grave», lâche le laïc orthodoxe. Il incite son Eglise à reconnaître aussi l’essentiel chez ceux qui sont différents. Il y a chez les orthodoxes un attachement aux formes et une difficulté à reconnaître dans les formes liturgiques et iconographiques des autres «une part vivante de la vérité».
Olivier Fasel, pasteur de l’Eglise évangélique libre à Bourguillon, a estimé de son côté que les chrétiens dans le pays sont devenus une minorité face à une société qui a besoin d’espérance. «Il faut désormais se serrer les coudes. Il n’y a pas le choix, comme minorités, nous devons marcher ensemble». Le jeune pasteur dit vouloir s’engager résolument sur le chemin de l’unité, même s’il reconnaît qu’il y a encore des points sur lesquels il est encore difficile de se réconcilier. (apic/be)